Shein au BHV Marais : une collision de crises économiques, politiques, morales et symboliques

À quelques heures de l’ouverture de Shein au BHV Marais, la tempête médiatique s’abat sur Frédéric Merlin, président de SGM. En cause ? Encore et toujours son alliance avec la marque de mode ultra-express chinoise Shein.

Pour protester contre son ouverture, au sixième étage du BHV Marais, une conférence de presse s’est tenue à l’angle de la rue Lobau et de la rue de Rivoli, en face de l’entrée du BHV Marais, mardi 4 novembre 2025. Les élus de la mairie de Paris, Nicolas Bonnet Ouladj et Patrick Bloche, ont réaffirmé leur désaccord face à une implantation qu’ils jugent contraire à leurs valeurs. Idem pour Thibaut Ledunois (FFPAF) et Catherine Dauriac (Fashion Revolution).

Pour acter leur désaccord, les deux élus annoncent que les services juridiques de la ville de Paris ont dressé un procès-verbal contre la direction du grand magasin car les pancartes, à l’extérieur du magasin, ont été posées sans autorisation préalable de la mairie.

Et pour cause : si Frédéric Merlin avait demandé l’autorisation, l’aurait-il obtenue ? Vraisemblablement non, vu le tollé qui s’abat sur lui. La preuve : la ville de Paris a déjà dit qu’elle refuserait la demande d’autorisation de l’utilisation de l’espace public en vue de l’installation des vitrines de Noël du BHV, si le partenariat avec Shein est maintenu.

Les risques pour Frédéric Merlin sont d’ordre financier, juridique et réputationnel, mais cela, le dirigeant semble ne pas s’en soucier. D’autant que ces affiches signalent l’ouverture de Shein, le 6 novembre 2025, et ne sont donc pas amenées à rester longtemps.

Génération désenchantée : la gestion de Frédéric Merlin estimée désespérante

Comble de la provocation, sur un poster géant, Frédéric Merlin s’affiche en compagnie de Donald Tang, responsable du développement commercial de Shein, et de son chihuahua. Une présence insolite qui signe quand même le fait que si Shein est décrit comme un désastre écologique, humain et sanitaire, la marque ne fait aucun tort aux animaux. Par contre, Frédéric Merlin en fait à ses concessionnaires.

Le problème posé par sa gestion est qu’il ne rétribue pas à ses concessionnaires les sommes encaissées par le BHV Marais. Selon l’aveu même du dirigeant, le montant des impayés s’élève à trente millions d’euros (source Mediapart confirmée par plusieurs médias généralistes).

Interrogés par FashionUnited, les salariés du BHV Marais s’inquiètent pour leurs emplois. « Des chinoiseries, il y en a plein le BHV Marais, l’arrivée de Shein ne nous fait ni chaud ni froid, confient, en off, deux employés au sous-sol du BHV. Par contre, nous avons peur pour nos emplois ». « À 52 ans, comment vais-je retrouver du travail », confie une salariée emplie d’émotions.

Au BHV Marais, Shein bénéficie d’un espace loué et n’est donc pas soumis aux règles de la concession

Y a-t-il un espoir que l’argent engendré par l’arrivée de Shein remplisse suffisamment les caisses du BHV pour redistribuer l’argent aux concessionnaires ? Cet espoir ne semble pas au rendez-vous car les ventes Shein ne vont pas passer par les caisses du BHV : c’est une location, pas une concession. Cette situation, doublée d’un conflit de valeurs, fait que les marques se retirent.

Dernière en date : agnès b. a signifié son retrait en ces termes, dans un communiqué : « Fidèle à ses valeurs et à ses engagements en faveur d'une mode honnête et durable, respectueuse des personnes et de la planète, agnès b. déplore l'implantation de la marque Shein au sein d'un réseau de distribution français. Aussi, le point de vente du BHV restera symboliquement fermé ce mercredi 5 novembre 2025, date d'ouverture de la première boutique Shein en France. La fermeture du point de vente interviendra dans les prochaines semaines. »

En ce mardi 4 novembre, une soirée d’ouverture était prévue à l’intention des influenceurs qui, sur les réseaux, relaient le fait que pour cent euros d’achat chez Shein, les clients vont bénéficier d’un bon d’achat de cent euros dans tout le grand magasin. Mais qui va payer ? Dans ce contexte, la question se pose.

L’autre question qui se pose est : comment la marque Shein va-t-elle justifier son work process vertueux (production en fonction des commandes) avec un magasin qui va devoir stocker pour satisfaire la demande ?

Reste qu’un imposant service de police s’est posté devant le grand magasin, à l’approche de l’ouverture, ce mercredi 6 novembre 2025, à 13 heures. Le grand bazar de l’Hôtel de Ville n’a jamais aussi bien porté son nom.