Pourquoi 25 % des nouvelles ouvertures européennes sont américaines : l'Europe, hub US post-pandémie
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Les retailers venus des États-Unis représentent désormais un quart des nouvelles ouvertures européennes. Entre ralentissement du marché domestique et nouvelles conditions commerciales, le Vieux Continent redevient un terrain de croissance pour les US.
Un virage confirmé par Savills et WWD
Selon une étude du cabinet Savills relayée par WWD le 3 novembre 2025, les enseignes américaines ont représenté 25 % de toutes les nouvelles ouvertures de magasins en Europe cette année, contre 14 % en 2024. C’est la plus forte progression d’une année sur l’autre jamais enregistrée pour un pays d’origine.
Parmi les locomotives, les marques de mode, d’athleisure et de restauration premium. Alo Yoga, Vuori, Lululemon ou encore On Running ont multiplié les implantations, notamment à Londres, Milan et Madrid, suivant la trajectoire déjà amorcée par Nike ou Levi’s.
Larry Brennan, directeur Europe du retail chez Savills, y voit « un basculement stratégique mondial : pour beaucoup de marques américaines, l’Europe n’est plus seulement un relais de croissance, mais un pilier de leur plan de développement. »
Pourquoi l’Europe séduit les retailers américains
Plusieurs facteurs expliquent cette ruée vers l’Est, côté Atlantique. Premièrement, le marché américain est en perte de vitesse. La consommation intérieure aux États-Unis s’est tassée et la confiance des ménages est retombée à son plus bas niveau depuis 2022, selon The Conference Board. Les enseignes cherchent donc à diversifier leurs flux de revenus.
Deuxièmement, un cadre commercial plus lisible. Le nouvel accord transatlantique UE-États-Unis, signé à l’été 2025, a fixé des droits de douane à 15 % sur la majorité des biens européens exportés (soit deux fois moins que ce que prévoyait initialement Washington). En retour, l’Union européenne a simplifié certaines procédures douanières pour les entrants américains.
Enfin, les consommateurs européens sont plus stables. Malgré l’inflation, les ventes de détail ont progressé de +1,8 % au T3 2025 dans la zone euro, selon Eurostat, tirées par les métropoles à fort pouvoir d’achat comme Paris, Milan, Madrid et Londres. De plus, les grandes artères commerciales européennes demeurent des vitrines mondiales idéales pour les marques lifestyle et premium américaines.
L’essor de l’athleisure et des « experiential stores »
Selon Business of Fashion, près de 40 % des ouvertures américaines en 2025 concernent le segment « athleisure / activewear ». Alo Yoga, Lululemon, Vuori ou encore Arc’teryx surfent sur la demande post-pandémie pour un style de vie sport-santé.
Ces marques privilégient des flagships sensoriels, incluant zones de yoga, cafés intégrés ou espaces de co-shopping — un modèle davantage expérientiel que transactionnel. Le cabinet JLL souligne que cette stratégie permet de renforcer la notoriété et la fidélisation dans un marché européen où le e-commerce pèse déjà plus de 20 % des ventes mode.
Un contexte géopolitique paradoxalement favorable
Alors que les tensions commerciales sino-américaines persistent, l’Europe sert de zone tampon et de diversification logistique. Les marques américaines déplacent une partie de leur production ou de leurs entrepôts vers l’Europe centrale (Pologne, République tchèque, Hongrie), où les coûts restent compétitifs et la proximité du marché clé est immédiate.
Savills note d’ailleurs une hausse de 18 % des locations commerciales signées par des enseignes américaines dans ces pays au premier semestre 2025.
À l’inverse, les marques chinoises — Pop Mart, Miniso, BYD — ralentissent leur rythme d’implantation, passant de 7 % en 2024 à 6 % en 2025. D’après Savills, elles recalibrent leur stratégie européenne, privilégiant désormais Berlin, Amsterdam et Zurich plutôt que Londres ou Paris, afin de diversifier leurs revenus post-Covid et contourner la saturation des capitales-vitrines.
Analyse : la revanche du retail physique, version transatlantique
Ce regain d’appétit américain pour l’Europe ne tient pas du hasard. Il reflète un retour du retail comme vecteur d’image et d’expérience, à l’heure où le digital payant montre ses limites. Les marques misent sur des emplacements premium et sur une narration internationale : la boutique européenne devient le hub émotionnel du storytelling global.
Pour les acteurs européens, la manœuvre appelle à la vigilance :
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Compétition renforcée sur les meilleurs emplacements commerciaux ;
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Hausse des loyers prime, déjà en moyenne de +6 % à Londres et +4 % à Milan selon JLL ;
Et une reconfiguration du paysage des centres-villes, où la puissance des enseignes nord-américaines risque d’éclipser des acteurs locaux plus fragiles.
Les enseignes américaines redessinent ainsi la carte du retail européen. En s’implantant durablement dans les capitales du Vieux Continent, elles anticipent un basculement du centre de gravité de la consommation occidentale.
En 2026, leur présence pourrait encore croître — jusqu’à 30 % des nouvelles ouvertures selon Savills — marquant une nouvelle ère du commerce transatlantique, où l’Europe devient, une fois encore, la scène mondiale du retail.