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Marketplace : nouvel Eldorado pour toutes les marques ?

Par Celine Vautard

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Retail|INTERVIEW

Plébiscitées par les consommateurs, les marketsplaces se sont imposées dans le paysage du e-commerce en France. Un marché complexe et concurrentiel que nous décryptons avec Martin Gentil, expert en marketing digital et co-fondateur de Diatly.

Tout d’abord, pouvez-vous nous rappeler l’émergence des marketplaces ? Est-ce un phénomène récent ?

Elles sont nées dans les années 90 en même temps que la sécurisation des transactions (protection des noms, adresses, coordonnées bancaires). Jeff Bezos, le premier, lance Amazon en 1994 et Pierre Omidyar, Ebay, premier site d’enchères, en 1995. C’est le début des marketplaces. Durant les années 90, de nombreux sites sont nés sans notion de rentabilité. Cela a précédé la bulle. D’ailleurs, Amazon n’est quant à lui rentable que depuis 2003. Le marché a grandi et s’est structuré dans les années 2000 (amélioration des connexions, pénétration d’internet dans les foyers, adoption par les clients, mise en place d’un marketing spécifique très mesurable notamment via Google analytics). La vraie émergence se situe quant à elle autour des années 2010, moment où les marketplaces ont commencé à représenter 10 pour cent du volume d’affaires global en e-commerce. Aujourd’hui, dans l’Hexagone, on est plutôt à 30 pour cent.

Toutes les marques peuvent-elles partir à la conquête de ce type de marché ?

À l’heure où les consommateurs achètent de moins en moins dans le retail physique, cela peut être intéressant pour les marques de se tourner vers les marketplaces ? J’accompagne pour ma part de jeunes marques comme des plus grandes du CAC 40 dont 50 pour cent sur le secteur de la mode comme M. Moustache, Faguo, Tie Rack, Panafrica ou encore Elise Chalmin. Mais attention, c’est un mode de retail complexe qui demande que le projet soit bien préparé, qu'il soit dans la durée et qu’il y ait des investissements. Je dirai qu’il faut 2 ans pour faire éclore un nom même s’il s’agit d’un gros compte.

En quelques années, comment a évolué ce mode de distribution justement ?

Après 7 ans d’existence avec ma société, je constate qu’il y a un changement de discours. Les marketplaces peuvent être l’Eldorado mais, avant cela, il y a une vraie traversée de la Vallée de la Mort ! Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte avant de démarrer sinon cela peut abîmer une marque. L'un des plus importants est que si les marketplaces, telles que nous les connaissons aujourd’hui, permettent à des marques de toucher de nouveaux clients, de nouveaux marchés et surtout de convertir davantage ; il ne faut pas oublier que le business du commerce physique reste pour les marques de mode essentiel à 80 pour cent. Il faut donc toujours garder un œil sur son retail, garder des prix cohérents entre les deux modes de distribution.

Y a t-il une évolution des marketplaces au fil des années ?

Oui, complètement. Elles ont évolué sur les types et l’on trouve aujourd’hui des marketplaces de 3 types (sur les marchés en rapport avec la mode).

- B2C : une marque/vendeur vend à un particulier via la marketplace. C’est les marketplaces telles que nous les connaissons tous comme Zalando, La Redoute, Spartoo ou encore Nature&Découvertes.

- C2C : un particulier vend à un particulier. Celles-ci sont en plein boom comme le montre les croissances de Le Bon Coin ou Vinted. Elles sont cependant là depuis le début puisqu’Ebay en est le porte-étendard. Mais c’est un modèle en pleine expansion.

- Enfin, B2B : un marchand vend à une entreprise comme sur Première Vision ou bien sur Amazon Business. Il y a ici une marge de progression encore énorme que les différents acteurs du marché commencent à cerner.

Le rôle des marketplaces va t-il encore s’accroître dans le temps ?

Les marketplaces existaient avant internet, c’est la mise en relation de plusieurs marchands avec des acheteurs (marché du village, centre commercial, puces, …). Internet n’est en fait qu’une continuité de ce phénomène et se prête particulièrement au modèle : possibilité de connecter des millions d’acheteurs à des millions de produits. C’est ce qu’explique d’ailleurs très bien Jeff Bezos dans son livre « The everything store ». Internet est une sorte de « triche » à l’échelle d’une vie, il n’impose pas de limites géographiques, ni de limites de capacités de stockage.

Elles permettent à l’opérateur de la marketplace de proposer une offre beaucoup plus complète (là où elle achetait peut-être 10 pour cent du catalogue d’une marque, elle peut en proposer 100 pour cent via la marketplace car elle ne porte pas de risque de stocks et elle n’a pas de limite de place en rayon/entrepôt). Le modèle permet également au site d’élargir son offre comme le montre l’exemple de FNAC où l’on retrouve maintenant aussi bien de l’électroménager que des sneakers.

Enfin, elles permettent au client final de trouver le produit qu’il cherche, souvent sur son site de prédilection et au juste prix. Avec un service client aux petits oignons et une transaction sécurisée (deux éléments sur lesquels Amazon est aussi pionnier et leader).

Le modèle est vertueux pour les trois parties prenantes que sont le client final, le vendeur et la marketplace, c’est ce qui en fait son succès et c’est pourquoi aujourd’hui les marketplaces représentent 30 pour cent du chiffre d’affaires digital en France, 40 pour cent en Europe globalement et près de 80 pour cent en Chine ! Enfin, de 15 pour cent du volume d’affaires global des principaux sites marchands en 2013 en France, le poids des marketplaces est passé à 30 pour cent en 2018 et devrait atteindre 33 pour cent en 2021. La marketplace s’impose donc comme un canal de vente efficace mais surtout d’avenir !

“Les marketplaces représentent 30 pour cent du chiffre d'affaires du digital en France, environ 40 pour cent en Europe et près de 80 pour cent en Chine !", Martin Gentil, co-fondateur de Diatly.

Pour ceux qui aimeraient sauter le pas, quels sont les pièges à éviter ?

Il faut bien respecter les règles du jeu : avoir un catalogue large, des frais de port offerts (frais de retour aussi si possible), des photos respectant les chartes des marketplaces et en quantité suffisante, des délais d’expédition courts, une capacité de participer aux animations commerciales, un service client qui réponde dans les 24h et dans la langue du client, une comptabilité B2C.

Il faut faire attention à l’équation économique : la tendance actuelle c’est de dire que les marketplaces c’est plug&play et que le modèle est excellent car la marketplace ne prend que 15 à 20 pour cent de commission et qu’il suffit de brancher son catalogue pour que l’argent coule à flots… C’est alléchant mais foncièrement faux. La rentabilité en marketplace est tout sauf évidente, prend du temps et demande beaucoup de travail. La distribution en marketplace est un projet réfléchi, qui se construit sur le long terme et qui demande une vraie expertise.

Enfin, à la commission marketplace viennent s’ajouter le temps consacré, les éventuels abonnements des marketplaces (40à 50 euros/mois), le coût des shootings photos, le coût d’intégration, la logistique, le service client et l’administration. Pour tout cela, il faut une bonne expertise du secteur que peu de marques ont à l’heure actuelle. Ce qui fait que l’on fonctionne sur La Redoute n’est pas forcément la même chose que sur Amazon et encore différent sur Spartoo.

Chaque marketplace à ses spécificités qu’il faut maîtriser pour réussir à maximiser ses ventes. Et c’est du reste toute notre raison d’être.

Photos : Spartoo Luxe – Portrait de Martin Gentil ©CélineVautard – Amazon.

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