Que nous apprend le salon Playtime janvier 2024 sur le marché de la mode enfantine ?
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Le salon Playtime, qui s’est déroulé du 27 au 29 janvier 2024 au Parc Floral de Paris et a présenté les collections enfants automne-hiver 2024/2025, donne un aperçu des tendances globales du marché.
Ne vous attendez pas à des chiffres sur le marché de la mode enfantine, il n’en existe pas. Ni sur l’import/export, la fillette étant alignée sur le quota de la mode féminine et le garçonnet sur le quota masculin. Ni sur le nombre de multimarques français dédiés à l’enfant.
Les informations glanées, tant auprès des organisateurs du salon Playtime, de la Promas (Office de Promotion de l’Habillement masculin et enfantin) et de la FNH (Fédération de l’Habillement) signent un « marché de niche » et une raréfaction du nombre de points de vente spécialisés (une observation qui vaut d’ailleurs pour tous les secteurs d'activité). Là encore, la concurrence de succursalistes de la fast fashion (Zara, H & M) est féroce. Et même des enseignes de renom comme Gap, qui avait un rayon enfant important, ou Catimini (fermeture de 44 boutiques) sont secouées par la crise.
Reste que le parc de revendeurs est en train d’évoluer et c’est sans doute là que le salon Playtime janvier 2024 se distingue. Outre les multimarques et les grands magasins, Playtime se tourne vers les « family concept stores », qui proposent des produits pour toute la famille. D’où une offre mode, largement représentée dans les allées du Parc Floral, doublée d'une proposition lifestyle (accessoires de mode, jouets, mobilier, décoration, skincare) et produits de parentalité (sacs de portage, bien-être de la maman, etc.). Seuls les équipements de puériculture (berceau, table pour langer les bébés, etc.) ne sont pas exposés.
Les tendances mode de la génération Alpha anticipent les besoins des consommateurs de demain
Les 300 marques exposantes en janvier 2024 ont accueilli 4 722 visiteurs, originaires de 65 pays (France : 33,5 %, étrangers : 66,5 %, avec une majorité d’Européens, Asiatiques et Américains). Tous viennent pour rencontrer leurs fournisseurs, découvrir de nouvelles griffes et s’inspirer des forums matières et tendances, situés au cœur du salon. Le forum Tendances est décliné en quatre focus par Fashion Snoops, société d'analyse des consommateurs et de prévision des tendances.
C’est, encore ici, que se joue une partie importante de l’influence de Playtime sur le marché de la mode enfantine. Il est facile d’imaginer que la génération Alpha, des enfants nés entre 2010 et 2024, donc de zéro à 14 ans, est la future cible des marques de mode, à l’instar de ce qu’a été la génération précédente, la fameuse Gen Z.
Fashion Snoops distingue deux influences majeures. D’une part, le besoin de cocooning, « nous entrons dans un royaume sensoriel où le pouvoir de la perception est vu, entendu, senti, touché, goûté ou ressenti » et le besoin de satisfaction de « tous les sens ». La réponse à ces attentes du marché s’exprime à travers des coloris pastel, le matelassage à bulles, des polaires douces et chaudes et des imprimés réconfortants, selon Fashion Snoops.
D’autre part, Fashion Snoops annonce un « nouveau départ », une éruption (« Erupt » en anglais) : « dans un monde mercantile qui oscille entre révélations qui changent la vie et répercussions apocalyptiques, nous conservons une mentalité optimiste, mais prête à tout. Cette tension entre émerveillement et angoisse cultive la création [… ] Erupt nourrit le besoin d'une transformation sans fin dans des vêtements adaptables, qui protègent des possibilités précaires et célèbrent l'adaptabilité de l'être humain. »
Inspirés par les climats inconnus et les terrains intimidants, les vêtements sont axés sur la performance. Le design adaptatif est au premier plan. Des coloris, des motifs et des graphismes inattendus dessinent un nouveau camouflage, les imprimés sont audacieux, les bouffants pop-out (sortis brusquement, en français), les matières mixtes et les motifs terrestres.
Du bébé aux teenagers, Playtime offre une vision à 180° de l’offre mode enfantine internationale
Des marques dédiées à l’adulte qui se tournent vers l’enfant à celles qui se consacrent à l’univers joyeux (en principe) de l’enfance, en passant par celles qui explorent d'autres segments de marché, Playtime compile des cas de figure tous différents les uns des autres. À titre d’exemple, citons Jelly Mallow. Cette griffe sud coréenne, qui existe depuis dix ans, est positionnée sur le créneau du bébé à 12 ans, à des prix allant de 25 euros pour les pulls, à 75 euros pour les doudounes (l'appétence pour le outdoor se reflète aussi ici).
« Au-delà de 12 ans, les adolescents ne veulent plus porter des imprimés enfantins avec des soleils, des dessins de cœur et d’amour ou des têtes de bonhomme » indiquent, à FashionUnited, Kim, Mariët et Juliet, les trois sœurs fondatrices d’House of Sisters, distributeur sur l’Europe. Cette posture tranche avec celle d’autres exposants qui, au contraire, jouent le rapprochement entre mode adulte et enfantine en surfant, ou non, sur la vague « mini moi » (comme Comptoir des Cotonniers a pu le faire).
C’est le cas d’Americain Vintage, marque française qui dévoile, pour l'automne hiver 2024/2025, sa troisième collection enfantine. Certains modèles intemporels sont calqués sur le vestiaire adulte, mais pas forcément déclinés dans la même couleur ou la même matière. « Ce segment correspond à une extension de marché avec un parc de revendeurs que j’estime, à première vue, à 150 boutiques, explique à FashionUnited la directrice commerciale, Caroline Bettini. Actuellement, nos modèles sont vendus dans notre propre réseau (70 boutiques en France, 150 dans le monde) et une cinquantaine de multimarques ».
À l'inverse, The New Society, basée à Madrid, a commencé, il y a 6 ans, par l’enfant, avant de se lancer dans le prêt-à-porter féminin (qui a d’ailleurs été présenté en janvier sur le salon Who’s Next). Ce, « à la demande des petites filles qui souhaitent être habillées comme maman », indique la fondatrice, Estefania Grandio, à FashionUnited. Côté tendances, elle note un goût pour les logos apparents, sans doute sous l’influence du branding de marques comme Nike ou Adidas.
Elle signale également que si le marché de la petite fille est plus important, l’offre pour les garçons est moins challengée. Un chemin plein de perspectives que suit AO76, anciennement American Outfitters, qui a arrêté les lignes adultes il y a près de cinq ans, pour se concentrer sur l’enfant et notamment les collections garçons moins concurrencées. Enfin, dernier coup de chapeau à Caroline Bosmans, une créatrice flamande qui offre à la fillette des robes du soir dignes du red carpet. Après tout, les héros de toute cette histoire, ce sont bien les enfants.
Le prochain salon Playtime automne-hiver 2024/2025 se déroule à New York, du dimanche 11 au mardi 13 février 2024. Les collections printemps-été 2025 seront exposées du 29 juin au 1ᵉʳ juillet 2024.