CIFF attire une foule plus diversifiée pour la saison printemps-été 2024
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La fusion de deux salons professionnels n'est pas courante dans l’industrie de mode, cependant c’est précisément ce qui s’est produit la semaine dernière, lorsque la Copenhagen International Fashion Fair (CIFF) a pris sous son aile son ancien concurrent, le salon Revolver. La première a acquis son homologue contemporain en janvier 2023 dans le but d'offrir aux exposants et aux visiteurs de la capitale danoise une expérience plus unifiée et une plateforme de commande.
La précédente collaboration CIFF x Revolver se présentait sous la forme d’espaces séparés couvrant deux lieux. Pour l’édition printemps-été 2024, qui s’est déroulée du 9 au 11 août, les deux organisations se réunissaient pour la première fois sous le même toit du Bella Center, fusionnant leurs objectifs et motivations. Il semble que les efforts des salons aient porté leurs fruits. Le nombre de visiteurs uniques lors de la première journée correspondait aux chiffres enregistrés sur l'ensemble des trois jours de la saison précédente. S'exprimant sur l'afflux de participants, la directrice de CIFF Sofie Dolva, a déclaré à FashionUnited : « Le trafic a dépassé nos attentes. Tout comme la qualité de celui-ci, car c'est une chose d'avoir du monde, mais encore faut-il avoir les bonnes personnes. »
Bien que les mauvaises conditions météorologiques de Copenhague aient pu pousser les gens à rester à l'intérieur, ces résultats pourraient également s’expliquer par le développement des services d’accueil, avec l'offre élargie de cafés, restaurants locaux et d’expériences éphémères qui ont eu pour effet de transformer le salon en petite ville. Si l’affluence a reçu des commentaires positifs, comme l’a mentionné Sofie Dolva, la qualité de ce trafic a également été accueillie avec enthousiasme. Les exposants ont signalé un éventail plus large d'acheteurs, avec de nombreux détaillants plus importants que lors des événements passés, provenant d'un rayon géographique plus étendu. Outre les acheteurs européens, venant notamment de pays tels que la Norvège, la France, l’Espagne et l’Allemagne, l’événement a également accueilli des participants d'Amérique du Nord, d'Asie et d'Australie, poussant les exposants à penser au-delà de leurs territoires habituels.
Les acheteurs internationaux orientent les stratégies
Pour la marque allemande Unbreak It, qui participait pour la première fois au salon, les objectifs étaient initialement axés vers le développement du marché scandinave. Cependant, de nombreux visiteurs qui ont montré un intérêt pour l’entreprise provenaient de pays tels que la France, le Japon, la Turquie et l'Espagne.
La responsable produits de la marque, Georgia Both, a compris l'importance de travailler avec un agent connaissant chacun de ces marchés de manière approfondie. De même, une marque danoise de prêt-à-porter féminin, dont les collections intègrent des matière vintage recyclées, a vécu une expérience similaire. Elle avait initialement pour objectif de communiquer avec sa clientèle locale avant de se tourner légèrement vers une approche plus mondiale.
La marque qui avait participé pour la dernière fois au salon Revolver il y a deux ans a été convaincue par ce nouveau format. Le directeur commercial de l’entreprise a exprimé son souhait de revenir à CIFF l’année prochaine, notamment car les quartiers généraux de la marque dans le nord du Danemark sont souvent difficiles d'accès pour les clients locaux et internationaux.
Tout comme les petites marques, les grandes agences ont également tiré de l'événement une expérience positive. Cela a été le le cas pour DK Company, un groupe danois de mode et de divertissement qui occupait un espace du salon sur deux niveaux. En plus des vêtements, la société proposait un bar, un café et, à certains moments, des sets musicaux.
« Nous constatons beaucoup plus de clients cette saison, car l'année dernière, ils ne pouvaient être présents qu'à un seul endroit à la fois, et ils n'avaient alors pas le temps de venir à l'autre salon. La principale différence maintenant, c'est que nous voyons tous types de clients, y compris ceux qui ne venaient pas à CIFF auparavant, a déclaré Jakob Hillerup, directeur export pour DK St. Tropez et Soaked. Il y a plus de diversité parmi les détaillants qui font un arrêt. Des détaillants haut de gamme prennent soudainement le temps de visiter cet espace où ils peuvent découvrir différentes marques. Nous pouvons également obtenir des commentaires d’un type de client différent que nous n’avions pas l’habitude de recevoir auparavant. »
Des qualités de conception stimulantes renforcées par la demande des consommateurs
Hillerup a déclaré que l'entreprise était en contact avec des clients potentiels aux États-Unis, en Australie et dans toute l'Europe, soutenant ainsi sa mission de cibler de nouveaux marchés. D'après lui, les détaillants manifestent une demande croissante pour le design scandinave, un intérêt auquel Soaked a su parfaitement répondre. L’entreprise a dévoilé l’année dernière sa stratégie de rebranding qui s’est accompagnée d’un nouveau logo et d’une nouvelle identité de marque. Cette transformation a permis à DK Company de positionner la marque sur un segment haut de gamme à un prix plus abordable. « Avec l’inflation, le client est peut être plus prudent sur sa consommation et choisit avec attention les articles qu’il achète. C'est pourquoi nous avons une saison très solide, car nous proposons des produits de haute qualité mais au bon prix. Si les clients achètent un peu plus prudemment, ils se tournent également vers des articles qui peuvent durer plus longtemps tout en achetant moins qu’auparavant », a ajouté Jakob Hillerup.
Des changements similaires ont également été observés chez Odd Molly, où des acheteurs potentiels étaient présents sous la forme de clients nouveaux et existants. Un représentant de la marque a déclaré : « Nous nous concentrons davantage sur le plan international en ce moment. Même si la Suède est notre marché national, et qu'elle sera toujours présente, nous regardons à l'étranger simplement parce que nous avons vu beaucoup de personnes internationales [à CIFF]. » Les clients ont également exprimé un intérêt pour l'expansion de collections inspirées du style bohème d’Odd Molly, s'éloignant de la tendance scandinave habituelle qui privilégie des styles et des couleurs sobres et atténués.
Samia Bavab, assistant designer chez la marque de tricots colorés DawnXDare, partageait également ce sentiment. Lancée à Copenhague en 2016, l’entreprise de prêt-à-porter féminin est commercialisée sur les marchés de Scandinavie, d’Europe, d'Asie et aux États-Unis, s'adressant à une clientèle plus spécifique qui adhère à son approche artisanale du design. La circularité est au cœur de la marque, qui propose une ligne principale ainsi qu'une ligne secondaire à partir de stocks dormants, élaborée à partir de fils de récupération des collections précédentes. C’est toutefois son vestiaire ultra coloré qui a attiré un éventail plus large d'acheteurs. Évoquant les produits les plus recherchés, Bavab a déclaré : « Au Royaume-Uni, ils ont adoré les tons roses, tandis qu'en Norvège, ils préfèrent les tonalités plus naturelles. C’est amusant de voir les préférences selon les différents marchés. Nous avons une meilleure compréhension des couleurs qui plaisent. »
Sofie Dolva explique que le nouveau plan du salon a été méticuleusement réfléchi afin de répondre au flux de trafic, compte tenu du nombre gonflé de marques en un seul espace. « Cette saison, nous avons choisi de segmenter l’espace de manière à nous assurer que le trafic soit équitablement réparti afin que tous les exposants puissent accueillir des clients. Au lieu d'avoir une segmentation très définie avec d’un côté le commercial, le luxe abordable, le contemporain, etc., nous préférait former de petits groupes avec des marques proposant des styles et prix différents, tout en distinguant toujours les hommes et les femmes », déclarait-elle.
« Nous avons fait en sorte que les acheteurs puissent découvrir de nouvelles marques. C’est pourquoi, nous avons choisi de nous tourner vers un modèle du type "Ikea". C'est aussi pour cette raison que nous avons simplement utilisé des noms de couleurs au lieu de "Contemporary Women's", par exemple. »
Des concepts novateurs attirent les foules
Une partie centrale de ce nouveau modèle était axée sur la section beauté. Introduite par CIFF en février 2023, elle a été agrandie cette saison, bénéficiant d’une zone propre séparée des halls dédiés à la mode. Bien que certaines des marques de beauté participantes aient évoqué le désir d'être également intégrées à la mode, Dolva a exprimé le besoin d'un espace dédié à ce marché contrastant : « Pour moi, il était important pour la section beauté, compte tenu du grand nombre de marques de mode, de créer une zone dans un environnement plus calme. Si la section beauté avait été placée au milieu des halls principaux, qui sont dynamiques et vibrants, l’ambiance n’aurait pas été la même. C'était l'idée initiale. Et je pense que les gens ont vraiment apprécié passer de la zone animée à un autre univers. »
Les marques de la section beauté ont signalé une légère augmentation du nombre de visiteurs et une plus grande sensibilisation de la part de ces derniers par rapport à la saison précédente, s'inscrivant dans un consensus plus général selon lequel des concepts plus frais ont attiré un public plus large. Par exemple, la marque danoise de grande taille Anyday a participé au salon pour la deuxième fois, après avoir exposé pour la première fois en février. Cependant, cette fois, la responsable de la marque, Camilla Urban, a déclaré avoir vu de plus grands détaillants s'arrêter. Comparée aux exposants environnants, la collection d'Anyday était solidement ancrée dans le mouvement flashy Barbiecore, avec des pièces étincelantes pour les tailles 42 à 56.
Camilla Urban indique cependant qu’elle souhaite voir une augmentation de la représentation des marques de grande taille lors de la prochaine édition du salon CIFF. Elle a constaté que les clients recherchaient activement de telles marques. « L’un de nos groupes cibles sont les marques et les magasins qui vendent des tailles 44 et 46, mais qui pourraient également envisager de vendre du 48, 50. Nous nous concentrons également sur les magasins de grande taille originaux, mais je pense que cette inclusivité est assez importante. Je la considère comme une tendance pour les magasins multi-marques, où des amis de toutes les formes peuvent faire leurs achats au même endroit. »
Un autre stand qui a attiré l’attention des visiteurs de passage était celui de l’entreprise Ichi qui, comme les saisons précédentes, a opté pour un showroom et un pop-up. C’est ce dernier qui a séduit les participants, en grande partie en raison de la possibilité de personnaliser son propre sac fourre-tout et son t-shirt avec des transferts thermocollants. Au cours des deux premiers jours, la marque avait déjà épuisé 500 de ses t-shirts personnalisables. Selon Nynne Larsen, membre de l'équipe marketing de la marque, l’atelier a contribué à attirer les visiteurs, permettant ainsi à la marque de communiquer sur ses projets. La nouvelle stratégie marketing de l’entreprise a également attiré l’attention. En 2022, la marque s'est repositionnée pour devenir un acteur plus global, parcourant le monde pour partager des histoires d'expression individuelle. Nynne Larsen confie à ce sujet : « L'essentiel est que nous voulons créer une scène de mode plus diversifiée, où les gens sont autorisés à être ce qu'ils sont et à s'exprimer tels qu'ils sont. »
La date de l'événement fait débat
Bien que la fusion des deux événements semble s'être déroulée conformément au plan, l'un des plus grands problèmes opérationnels rencontrés a été l'introduction d'une application, où les visiteurs pouvaient consulter leur billet et le plan du salon, avec une navigation Bluetooth. Comme pour toute nouvelle tentative technologique, des problèmes sont survenus, entraînant un léger retard principalement dû à une incompréhension des visiteurs qui n’avaient pas réalisé qu’ils avaient besoin de l'application pour entrer, tandis que la carte elle-même connaissait également quelques problèmes de navigation. Le salon s’est déroulé sans trop d’encombre puisque tels défis semblent avoir trouvé une solution dès le deuxième jour.
Pour Dolva, ces obstacles font partie du processus d'apprentissage. Son approche du salon repose sur la logique et les données, toutes liées aux décisions définitives qu'elle prend. En discutant avec les exposants, il est devenu clair que la question des dates faisait débat. Quelques-uns ont exprimé un intérêt pour une plage horaire antérieure pour le salon, qui permettrait qu’il se déroule plus près d'événements commerciaux européens similaires, tels que Pitti et Premium.
Bien que rien dans cette affaire ne puisse être confirmé, Dolva a déclaré que des discussions étaient actuellement en cours : « Depuis que j'ai commencé, j'ai entendu parler de cette question de dates. Toutefois avant de prendre une décision définitive, j'ai besoin de voir des données. Nous avons donc envoyé un sondage à tous les exposants qui ont participé à cette saison et aux précédentes pour recueillir des commentaires. »
« Aimeraient-ils déplacer la date d’août au début du mois de juillet, par exemple, et si nous le faisions, viendraient-ils toujours ? Ma priorité est de m'assurer que les marques ont des acheteurs qui ont encore un budget et qu'ils viennent. »
La date actuelle permet également à CIFF de se dérouler simultanément à la Copenhagen Fashion Week (CPHFW), une stratégie délibérée qui permet au salon de soutenir les designers participants dans le développement de leur entreprise. À ce sujet, Dolva a déclaré : « Pour les talents émergents, il est essentiel d'établir un réseau avec les acheteurs et d'entrer en contact avec les détaillants. Ce sont les personnes qui bénéficient le plus de la foire commerciale, car elles attirent des visiteurs de partout. Elles apprennent aussi des autres marques. Je pense qu'il est formidable d'avoir un salon pour créer une certaine sensibilisation. »
La dernière édition de CIFF désormais terminée, Dolva peut désormais rassembler les connaissances précieuses acquises lors de cet événement pour préparer le prochain. Lorsqu'on lui a demandé ses plans pour l'année prochaine, elle a conclu : « Nous voulons de nouveau tout regrouper sous un même toit, mais avec un plan d'étage différent. Nous profiterons de certains des autres espaces que nous n’avons pas utilisés cette fois-ci. Il est vraiment important de tirer des leçons avant d’élaborer un nouveau plan.
Cet article a initialement été publié sur FashionUnited.com. Il a été traduit et édité en français par Aéris Fontaine.