Lorenz Bäumer ouvre une boutique à sa juste mesure
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Lorenz Bäumer est un original au sens le plus noble du mot. Ses créations -c’est une exigence qu’il s’impose - ne doivent ressembler à rien de ce qui existe déjà. C’est une aspiration remarquable, un pari presque démesuré. Mais il en faut plus pour effrayer cet ingénieur architecte, diplômé de l’école centrale, un surdoué total qui a choisi après un détour dans le bijou fantaisie d’exercer son immense talent dans la joaillerie, place Vendôme. Pourquoi précisément ici, au milieu de maisons vénérables dont les fondateurs ont disparu depuis longtemps ? Peut-être par gout du challenge, par soif d’excellence, par envie de se confronter aux meilleurs mais aussi, tout simplement par amour du lieu, de son histoire, et de sa beauté architecturale.
Nous sommes dans sa boutique située près du proche de l’hôtel d’Evreux. Côté cour, au 19 place Vendôme. Un boudoir que le créateur qualifie lui-même de « cabane de pécheur » et qui correspond en tout point à l’essence de son travail. « Je m’étais installé durant deux années, à deux pas d’ici (dans ce qui est aujourd’hui la nouvelle boutique Damiani ) de l’autre côté de l’Hôtel d’Evreux, mais l’endroit était trop grand, trop impersonnel. J’ai en quelque sorte fait mon coming-out en décidant de m’installer définitivement dans un endroit où je me sens chez moi, qui me ressemble ». On a effectivement l’impression de pénétrer dans un cabinet de curiosité très personnel, séparé en petits espaces judicieusement combinés. Bibliothèque, salon, boudoir. Quelques références personnelles bienvenues : une planche de surf s’allonge près d’un mur au ton mat. C’est chaleureux, confortable et chaque centimètre carré se fait l’expression d’un univers particulier. A l’étage, une extraordinaire collection de photos anciennes de la place Vendôme rappelle l’attachement réel du joaillier à ce lieu.
De la joaillerie accessible Place Vendôme
Coté bijou, l’inspiration s’articule autour de motifs inattendus qui dénotent pour la plupart une érudition vaste, par exemple une gravure sur bois d’Albrecht Dürer. Un diamant représente Saint Georges terrassant le Dragon. Il y a toujours un petit message caché. « J’ai gravé deux diamants d’après mes prénoms : Maria et Georges ». Les recherches techniques (proche de la recherche expérimentale) développées sur ces créations échappent toujours au piège du formalisme pur et dur : « Il y a une signification derrière chaque image qu’on choisit ». Ici une intaille 3D, une gravure sous la pierre, donne un effet de profondeur et de transparence inouïes, là une bague « rébus » en diamants met en lumière une aigue marine laissant entrapercevoir un poisson (en fait une carpe) qui semble nager dans l’eau cristalline de la pierre fine. Une bague « Carpe et Diam » donc. Plus loin, une création rend hommage à la ferronnerie des balcons de la Place Vendôme, sur laquelle se détache parfois un roi soleil, par le biais d’une nouvelle technique qui permet d’utiliser le diamant comme s’il était un support de dessin. « On fait un dessin au laser, on dessine sur la pierre, par exemple ici cette tête de méduse ; on se sert des facettes pour fragmenter le visage ». Encore une fois la technique est au service du sens : « Pourquoi la Méduse ? Parce qu’elle vous pétrifie le regard » dit-il avec un fin sourire.
Certaines créations enfin, attestent que la maestria du joaillier est aussi capable de s’exprimer dans le registre de la simplicité comme cette petite alliance mixte en or rose (moins de 1000 euros) qui associe deux formes d’anneaux différentes - droits à l’intérieur, arrondis à l’extérieur et inversement - qui une fois superposés semblent devenir merveilleusement complémentaires. Oui, il y a de la joaillerie accessible place Vendôme, accessible et cependant merveilleusement exécutée, témoignant d’une réelle qualité de vision. Vendue de surcroit dans une boutique accueillante qui inspirera autant les collectionneurs que les simples amateurs du rare et du beau.
Crédit photo: Lorenz Baumer