Les étiquettes, nouvelles actrices de la traçabilité dans le secteur du textile ?
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Paris - Scanner une étiquette sur son vêtement pour découvrir sa provenance et sa composition : des entreprises donnent accès à la traçabilité de leurs produits face aux préoccupations croissantes des consommateurs, mais certaines associations se montrent très réservées.
Au premier coup d’oeil, difficile de savoir si un vêtement a été confectionné en respectant l’environnement ou dans quelles conditions sociales ont travaillé les ouvriers. Sur l’étiquette, seule sa composition est obligatoire. La zone géographique de provenance, le “Made in”, est facultative pour les membres de l’UE et indique généralement le lieu de confection du produit fini, pas l’origine des matières premières.
Face à ce secteur opaque, réputé très polluant, “les consommateurs ne peuvent plus et ne veulent plus fermer les yeux sur ce qu’ils achètent”, assure-t-on du côté de Clear Fashion, une application “indépendante des marques”, qui analyse et note les engagements de plus de 100 enseignes du secteur depuis un an.
Dernièrement, l’absence de traçabilité s’était illustrée avec la polémique autour de travail forcé de Ouïghours dans des usines de la région chinoise du Xinjiang appartenant à des chaînes d’approvisionnement de grandes marques mondiales.
Insérer de la technologie “au niveau des étiquettes peut permettre traçabilité et transparence”, une indication pour le consommateur, explique à l’AFP Valérie Moatti, doyen du corps professoral de l’ESCP, spécialisée dans la mode et la technologie, grâce à des données récoltées le long de la chaîne de valeurs et vulgarisées.
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"Une place à prendre"
A partir de mardi, 80 pour cent de la lingerie des boutiques Etam et Undiz revêtira un QR code.
"On sentait qu'il y avait un vide dans le secteur et une place à prendre", avance Kachen Hong, directrice RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) du groupe Etam.
"Le projet consiste à montrer les coulisses de la fabrication, en toute transparence. Le QR code donne directement accès à la vidéo de l'usine dans laquelle le produit a été confectionné", au Bangladesh, en Chine ou en Tunisie, expose Mme Hong.
Au début de chaque vidéo est montrée une fiche produit de l'usine avec notamment sa localisation, le nombre d'employés, l'audit effectué et sa spécialisation.
Du côté d'H&M, on se vante d'avoir publié la liste des fournisseurs dès 2013. Mi-septembre, le géant suédois a annoncé rompre avec l'un d'eux accusé de travail forcé en Chine.
Depuis un an, l'étiquette des produits de la marque peut, via une application, être scannée et fournir diverses informations au client: sur les matières et leur coût environnemental - comme la consommation d'eau -, ainsi que sur l'origine du produit, l'adresse de l'usine et le nombre de ses employés.
De "fausses bonnes idées" selon Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif Ethique sur l'étiquette: ce sont des "informations inutiles pour que le consommateur fasse des choix éclairés et elles ne donnent pas le nerf de la guerre. On n'a pas d'informations sur les droits sociaux", comme les conditions de travail, les salaires ou le droit d'être syndiqué, poursuit-elle.
Selon elle, ces avancées résultent principalement de la mobilisation citoyenne après l'effondrement du Rana Plaza, un immeuble de neuf étages abritant des ateliers de confection au Bangladesh, qui avait fait 1 138 morts en 2013.
La France a d'ailleurs adopté en 2017 une loi sur le devoir de vigilance, qui oblige désormais les sociétés de plus de 5 000 salariés en France, ou plus de 10 000 dans le monde, à publier un plan destiné à prévenir les risques en matière d'environnement, de droits humains et de corruption qui pourraient résulter de leurs activités, de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants. Plus que cette "loi pionnière", le collectif aimerait désormais une directive européenne.
Mais quid du "green" et du "socialwashing" souvent dénoncés ces dernières années lorsque de telles initiatives sont prises par des entreprises ? Face à un consommateur attentif, communiquer sans action concrète derrière devient plus difficile, s'accordent à dire des professionnels du secteur. Nayla Ajaltouni appelle sur ce point à la création d'un cadre qui préciserait la notion de transparence. (AFP)
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