Les asiatiques représentent désormais 51 pour cent de la clientèle du luxe
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Dès que la Chine éternue, le secteur du luxe contracte la grippe. On comprend pourquoi. Si historiquement, les clients des produits de luxe étaient européens et américains – puis, à partir des années 80, japonais - la donne a changé en une vingtaine d’années. Cette nouvelle donne, Franck Delpal, économiste à l’Institut Français de la mode, la résume avec clarté cette semaine dans le Madame Figaro: “Dans les années 2000, est apparue une mosaïque émergente avec les Brésiliens et les Chinois. Désormais, les Asiatiques représentent 51 pour cent de la clientèle du luxe, dont 32 pour cent de Chinois » Les américains ne représentent plus que 23 pour cent de la clientèle du luxe. Les européens, 19 pour cent.
On imagine volontiers, dans ces conditions, l’importance des arbitrages auxquels doivent procéder les grands groupes de luxe en ce qui concerne les modes de distributions en Asie, en Chine notamment. Tout le monde rêve d’avoir une clientèle sur place. Certains reconnaissent ouvertement – Dolce & Gabbana notamment - que c’est difficile. D’où le dilemme : faut-il développer un e-commerce en nom propre ou initier un partenariat avec des géants bien installés ? Car il faut le préciser, en Chine, les consommateurs du luxe sont plus jeunes qu’ailleurs, et ne jurent que par l’expérience en ligne : en Europe, 55 pour cent des acheteurs de produits de luxe ont aujourd’hui plus de 40 ans. En Chine, 65 pour cent ont moins de 40 ans, d’après une étude parue en 2017 du cabinet Bain & Company.
Alibaba, JD.Com, ou…24 Sèvres ?
Face à cet appétit des digital native pour le luxe, Louis Vuitton, Gucci et Chanel ont tranché : pour ces trois maisons, soit la distribution se fera par un site dédié en nom propre, soit elle ne se fera pas. Gucci pourrait changer d’avis car la maison italienne se posait des questions à propos des contrefaçons. Des réponses à ces questions légitimes pourraient être fournées à partir du 1erjanvier prochain, date à laquelle entrera en vigueur une nouvelle loi chinoise sur le commerce en ligne. Cette loi rendra responsable les géants du web en cas de contrefaçon sur leur plateforme.
Toutes les autres maisons en revanche, ne peuvent s’autoriser une telle démonstration d’indépendance et réfléchissent aux avances prodiguées par les deux géants de la e-distribution en Chine, à savoir JD.com qui se positionne comme le chef de file du commerce mobile (m-commerce) et Alibaba qui reste le premier magasin en ligne. Les deux géants ont lancé en 2017, à quelques semaines d’intervalles, leurs sites dédiés au luxe: “TMall Luxury Pavillon” et “Toplife.” Ces deux entités offrent des services qui séduisent les plus grands, Richemont en tête mais aussi de nombreuses marques des groupes LVMH et Kering.
Il y a quelques jours, Richemont a ainsi annoncé la création d’une coentreprise entre sa filiale d’e-commerce de luxe Yoox Net à Porter (YNAP) et Alibaba pour développer ses ventes en ligne dans le pays. Jusque là, le propriétaire de Cartier, Chloe, Jaeger Lecoultre ou encore Van Cleef & Arpels n’était présent dans l’Empire du Milieu que par le canal des boutiques physiques. Une révolution donc que justifie ainsi le président du groupe genevois, Johann Rupert : « «Notre offre en ligne en Chine en est à ses balbutiements et nous croyons qu’un partenariat avec Alibaba nous permettra de devenir un acteur en ligne d’envergure et sur la durée dans ce marché. Aucune autre entreprise ne peut arriver à la hauteur ce que fait Alibaba dans ce pays». Notons que le choix de la joint-venture n’est pas anodin puisqu’il permet à Richemont de garder un certain contrôle sur ses marques en évitant de devenir un simple fournisseur de produit pour Alibaba.
Reste une dernière solution, couteuse et grandiose : développer, séparément et en parallèle des partenariats noués avec les colosses du web, sa propre plateforme en ligne, livrant dans le monde entier : c’est le cas pour LVMH qui a inauguré virtuellement le magasin en ligne 24 Sèvres l’année dernière. Cette plateforme, qui vend toutes les marques du groupe LVMH, et plus encore, a peaufiné avec soin son expérience en ligne, notamment au niveau des livraisons : boîtes taguées au nom de la personne qui commande, papier de soie délicatement plié, surprise glissée dans le paquet. Sans surprise, on apprend que depuis quelques jours, le site, « face à la demande énorme », a inauguré un service de livraison… en Chine.
Crédit photo: Alibaba Newsroom