Le luxe veut redéfinir la notion d’hospitalité
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Le désir est au coeur des valeurs du luxe. Ce désir s’exprime par l’attrait du produit, par l’image dont il est auréolé, par le statut qu’il incarne. Ces attributs intangibles ne suffisent plus, semblent dire aujourd’hui les professionnels du luxe. Pour provoquer l’achat, il faut désormais ajoute quelque chose, au delà du produit, indique Chantal Roos, PDG de Roos&Roos. En d’autres termes, il faut nourrir la part de l’immatériel.
Un paradigme que confirme Jacques Carles, Président du Centre du luxe et de la création. “La survaleur des marques de luxe tient à des aspects immatériels”. On attend désormais des marques de luxe qu’elles soient exceptionnelles en tout. Exceptionnelle et exemplaire. Cela passe bien entendu par les qualités intrinsèques du produit, mais aussi par le développement de services personnalisés. Une expérience augmentée en quelque sorte.
Cela conduit pour certains à un paradoxe, en terme de retail. D’un coté, on juge les aspects transactionnels en boutique dépassés et chronophages, et d’un autre coté on voudrait pouvoir proposer à ses clients une expérience – qui ne soit pas virtuelle – ou le client est au centre de la relation avec la marque. Ainsi Patrick Chalhoub,Codirigeant du groupe Chalhoub, juge que « les aspects transactionnels que l’on vit en magasin sont ennuyants et prennent du temps ». Il faudrait donc la remplacer par la digitalisation des achats. Il estime que cette « révolution » permettra au e-commerce du luxe de représenter jusqu’à 8 pour cent du marché d’ici 2020, et ce malgré un obstacle majeur au Moyen-orient : la faible utilisation des cartes de crédits, et l’utilisation massive du paiement cash. Qu’à cela ne tienne, le groupe s’est adapté et a mis en place un système de paiement à la livraison. Le chauffeur ou le majordome peut désormais venir chercher une livraison au coin d’une rue et payer en cash.
Même philosophie chez Kering : François Rosset,Director Transformation initiatives, Omni-channel and Retail du groupe Kering explique que « le client veut jouer un rôle plus actif dans la relation » : les magasins verront ainsi progressivement la cérémonie de vente classique disparaître, et émergera à la place un canal de communication entre marque et consommateurs. Car la notion d’omnicanal est « déjà extrêmement présente dans la tête des clients », mais repose sur un principe simple : « la volonté des clients de parler avec leur marque, dans les points de contacts qu’ils auront choisis ».
Comme chez soi : Audemars Piguet inaugure sa premiere AP House en Asie
Cela signifie t’il que le digital est le nerf de la guerre ? Pas tout à fait. Le digital évite l’ennui d’un acte transactionnel et permet à un vendeur de tout connaître sur son client avant même de le rencontrer mais il ne remplace par l’expérience réelle, la promesse de félicité liée à l’univers de la marque. Les points de contacts physiques sont donc à réinventer. Ils doivent plus que jamais nous faire rêver et nous projeter dans une vie rêvée.
Fort de ces reflexions, les équipes d’Audemars Piguet se sont demandés comment Jules Louis Audemars et Edward Auguste Piguet, les fondateurs de la marque, accueilleraient leurs clients s’ils vivaient aujourd'hui. Les équipes ont interrogé leurs clients les plus prestigieux en leur posant une question simple mais décisive : « Que pourrions-nous faire de plus pour enrichir l’expérience proposée par Audemars Piguet ? ».
La réponse a cette question est un espace associant confort d’un foyer et convivialité d’un moment entre amis. Cet espace, c’est la première AP House. Elle vient d’être inaugurée en Asie, à Hong Kong. « Les clients fidèles de passage auront la possibilité d’inviter des amis à déjeuner, ou encore d'organiser des rendez-vous d’affaires, mais ne seront en aucun cas tenus d’acheter une montre. Ils pourront s’asseoir et se détendre, s’ils le désirent », explique François-Henry Bennahmias, CEO de la manufacture suisse. Un endroit où paradoxalement le client, à l’heure de l’ultra-connexion - peut se déconnecter s’il le souhaite. Au sens litteral du mot, il s’agit bien d’une révolution.
Crédit photo : Audemars Piguet