Mode enfant : découverte du métier de responsable d’achat (exemple chez Galeries Lafayette)

Selon la société d'études de marché et de conseil Mordor Intelligence, le marché mondial des vêtements pour enfants devrait atteindre 353,20 millions de dollars d'ici 2029, avec une croissance de 5,35% par an. Une perspective plutôt encourageante, même si en France, la mode enfantine connaît un ralentissement ces dernières années. 

Entre les perspectives optimistes, l’évolution des tendances, la montée de la seconde main et de la mode responsable, notamment, comment évolue le marché de la mode pour enfants ? Et quelles seront les orientations majeures pour les années à venir ? 

Pour en savoir plus, FashionUnited s’est entretenu avec Marion Bringuier, responsable du marché enfants et jouets aux Galeries Lafayette. 

Quel regard portez-vous sur le marché actuel de la mode pour enfant ?

Depuis le Covid, le marché de l'enfant, c'est-à-dire la mode, mais aussi le jouet, est un peu en difficulté en France et plus largement en Europe. C'est un marché en décroissance. L'augmentation des prix n'a pas complètement su pallier la baisse des volumes. Les promotions occupent toujours une place importante sur ce marché. 

Aux Galeries Lafayette, j’estime que nous nous en sortons bien. Nous arrivons à gagner des parts de marché et c’est une exception. Nous sommes assez satisfaits de nos résultats. Le marché de l’enfant n'est pas le plus gros segment pour nous, mais cela reste important. Cela représente entre 4 et 5% du chiffre d'affaires global.

Comment expliquer cette exception ?

Notre stratégie globale, qui concerne aussi l’homme et la femme, porte ses fruits. Nous avons aussi une clientèle fidèle.  Pour le marché de l’enfant, nous avons élaboré plusieurs stratégie. Sur la partie mode, en particulier, nous avons renforcé l’offre cadeau de naissance. Sur la partie seconde main, nous avons testé plusieurs modèles avant d'ouvrir un Restore Kids à Haussmann cet été.

La clientèle des Galeries Lafayette fait partie des catégories socio-professionnelles supérieures (CSP+). C’est aussi un avantage pour vous…

Nous avons une offre premium, en effet, et une clientèle majoritairement issue des CSP+ mais le marché de l'enfant fonctionne beaucoup avec les promotions.  Je pense que la dynamique est due à notre clientèle, qui est fidèle. Cela fait partie de notre force. Nous avons aussi un programme de fidélité qui fonctionne bien. 

Quelles sont les tendances du marché de l’enfant ? 

Les tendances ont évolué ces dernières années. Historiquement, ce sont les marques premium qui fonctionnent le mieux. Bien sûr, il y a des marques très emblématiques et rassurantes qui restent puissantes. Les marques avec des logos reconnaissables, des motifs marquants et des articles colorés sont plus appréciées. La tendance du Quiet Luxury, par exemple, n’a pas influencé la mode pour enfant. Les tonalités sobres n’attirent pas. 

Les tendances sont moins uniformisées aussi. Les marques développent des identités propres et les clients sont plus sensibles aux micro-tendances. 

C’est aussi un marché qui fonctionne bien grâce aux cadeaux, pour les naissances par exemple. 

Comment déterminez-vous les tendances ? 

Il y a plusieurs moyens de déterminer les tendances : les salons spécialisés, la presse qui reste importante sur le marché de l'enfant et sur la partie mode en particulier et les spécialistes de tendances comme WGSN, peuvent nous guider. 

Nous avons aussi la chance d’être distributeur, ce qui nous permet de collaborer avec une grande partie des marques spécialisées. Nous observons les tendances qui fonctionnent, leur évolution et il est assez facile d’avoir une vision globale du marché. 

Nous disposons aussi de nos propres marques, ce qui nous permet d’interroger nos équipes en interne sur les tendances à venir. Enfin, il y a les réseaux sociaux qui aident à suivre les micro-tendances. 

Quelles sont les différentes étapes du processus, de l’identification des tendances jusqu’à l'achat ? 

Le métier d'acheteur est très intéressant et complet. Tout commence par la création d’une stratégie. Aux Galeries Lafayette, nous élaborons une stratégie commerciale, avec des priorités à développer sur les saisons et sur l'année. Ces plans sont ensuite adaptés pour nos différents magasins. Il y a des échanges avec les magasins et les points de vente pour comprendre leurs besoins spécifiques et ensuite s’accorder. 

Après cette étape, nous allons établir les budgets d'achat qui permettent aux acheteurs de répartir leurs dépenses. En général, ils ont une liste de marques avec lesquelles ils ont l’habitude de collaborer. Ensemble, ils font un bilan des collections de la saison précédente, pour savoir ce qui a fonctionné et ce qui a moins bien marché. Au cours des rendez-vous d'achat, ils découvrent les collections, échangent avec les fournisseurs et décident des achats et des quantités nécessaires.  

Ensuite, les articles arrivent en magasin…  

Une fois que ces étapes-là sont achevées, l'acheteur élabore un book des collections, en coordination avec le merchandising. Cela permet d’alimenter chaque magasin en fonction des recommandations. 

L’acheteur travaille en fonction d’un calendrier commercial, avec plusieurs temps forts: les prises de parole des marques, les collaborations, les campagnes de communication. Il y a différentes priorités à mettre en avant au cours de l’année. Les soldes et les moments de promotions en font partie, sans oublier la rentrée scolaire et les fins de saison.

Le métier de responsable d’achat de mode pour enfant est passionnant et requiert de nombreuses qualités.

Quel parcours avez-vous suivi pour occuper le poste de responsable de marché enfant et jouet ? 

Je travaille aux Galeries Lafayette depuis cinq ans. J'ai commencé ma carrière en tant que consultante en stratégie dans un cabinet avant de rejoindre le groupe. J'ai intégré les Galeries Lafayette en tant que chef de projet, au sein de la direction de la stratégie. Ensuite, j'ai occupé différents postes au sein de l’entreprise avant de rejoindre la direction de l'offre et des achats. D'abord, sur des projets transversaux, puis je me suis occupée du repositionnement de nos marques propres, y compris de la marque enfant. Par ce biais, j'ai pris le poste de responsable de marché de l'enfant et du jouet, depuis fin 2023. 

Diriez-vous qu’il s’agit d’un métier dynamique ?

C’est un poste qui nécessite de la rigueur. Il faut être capable de rédiger des contrats, de faire un suivi permanent des performances et de l'évolution des collections, c’est l’une des clés de leur succès. Le travail sur le terrain occupe une place majeure également. Il faut comprendre les besoins du client, le fonctionnement du magasin. Il faut être sensible au produit, aux tendances, aux matières, etc. Cela est possible grâce aux rencontres sur le terrain, dans les salons et les différents points de vente. Le relationnel est indispensable. 

Le travail d’équipe est-il important pour vous ?

Bien sûr. Avant qu'un produit arrive en magasin, il y a un processus qui implique plusieurs étapes et différents métiers. Il faut être capable d'être en contact avec les équipes sur le terrain. Il y a un grand nombre d'interlocuteurs impliqués dans le processus.  Aux Galeries Lafayette, chaque acheteur est responsable d'un segment, layette, kid, pré-ado, chaussures, etc. mais ils travaillent tous en collaboration. En tant que responsable de ce marché, mon rôle consiste à impulser une stratégie commerciale et à être capable de les guider sur les tendances fortes à suivre. Sur le marché de l'enfant, les tendances et la mode sont quand même moins cycliques que dans la mode pour hommes et femmes. 

Quel regard portez-vous sur votre métier ? 

C'est un métier passionnant qui requiert de nombreuses qualités. L’activité est équilibrée entre analyses, stratégie et travail sur le terrain. Le marché de l'enfant est intéressant, car il y a différents segments à couvrir : la mode, la chaussure, les accessoires, les jouets ou encore la culture. C’est aussi un marché technique et parfois complexe. Nous disons souvent que « celui qui a travaillé dans le marché de la mode pour enfant peut tout faire par la suite ». Cela nécessite un savoir-faire unique. 

Il est vrai également que c’est un marché qui traverse des moments difficiles. Beaucoup d’acteurs majeurs sont actuellement en difficulté. Le business model et la rentabilité sont remis en cause. C’est intéressant de voir comment le marché évolue. La mode pour enfant est aussi très sensible aux enjeux de durabilité, d’écologie, de circularité. Le choix des matières pour des produits pour enfants est important. Il y a aussi la seconde main qui se développe bien. Nous y travaillons aux Galeries Lafayette. Pour résumer, c’est un métier intéressant et stimulant.