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Veja : 15 ans après le lancement, la première boutique à Paris

Par Celine Vautard

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La marque de baskets éco-responsable inaugure mardi 5 novembre sa première adresse en propre dans la capitale. Après le lancement de son modèle running, 2019 se finit en beauté pour Veja devenue au fil des années la marque éthique française la plus plébiscitée dans le monde.

Plus de 800.000 paires vendues en 2018, dont 80 pour cent hors de France, soit 34 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018, deux fois plus qu’en 2016. Les résultats de Veja ne cessent de doubler et font pâlir d’envie de nombreuses marques de mode qui cherchent aujourd’hui à se racheter une conscience écolo à une époque où les consommateurs ont de plus en plus la volonté d’acheter moins mais mieux. Et pour enfoncer le clou, voici venue la première adresse Veja au monde qui rassemble la majorité des modèles de la marque.

Un lieu brut

À l’image du look des sneakers, la boutique allie ce qui a fait son succès : pureté et minimalisme. Installée au 15, rue de Poitou (Paris 3e), un angle de rue stratégique du Marais, l’espace de 80 mètres carrés n’affiche que l’essentiel : ses modèles. Complétement déconstruits, dénudés, les murs bruts en parpaings et peinture blanche laissent la vedette aux modèles Veja. Mais ne vous fiez pas aux apparences, tout ici a été réfléchi et joue la carte de l’éco-responsabilité.

D’ailleurs, c’est Ciguë, studio d'architecture et de design basé à Paris, qui a été choisi pour créer un endroit écologique en cherchant à réduire au maximum le recours aux peintures et aux ajouts. Ciguë a proposé une série d'innovations, comme un nouveau matériau basé sur un mélange de plâtre et de papier recyclé qui constitue les étagères sur lesquelles seront présentées les baskets. Tandis que le parquet existant et la façade, dessinés voilà quelques années par l'architecte Raphael Navot, ont été conservés. Enfin, élément essentiel, l'éclairage a été créé par l'artiste brésilien Kleber Matheus, maître des néons.

Une running unisexe et écolo

Sur place, le nouveau modèle V10 Vegan (en toile de coton enduit de déchets de maïs issus de l'industrie alimentaire) mais aussi le tout premier modèle de running, la Condor (130 euros) sont en bonne place. Ce dernier, lancé le 15 septembre dernier, s’attaque au marché du sport et des équipementiers avec ce qui a fait son succès : des composants écologiques. Un projet qui aura pris 4 ans de recherches et développement aux fondateurs de Veja : Ghislain Morillion et Sébastien Kopp, copains de lycée devenus associés. Alliant performance technique et développement durable, cette première chaussure unisexe de running, dont l’esthétique reprend la structure osseuse de l’oiseau sud-américain, est légère, flexible et combine au total 53 pour cent d’éléments biosourcés.

La semelle externe associe caoutchouc sauvage d’Amazonie (matière phare de la marque) et écorce de riz, tandis que la semelle intermédiaire recycle des déchets alimentaires comme l’huile de ricin, substitut végétal au pétrole, l’huile de banane et de canne à sucre. Le squelette en alveomesh respirant a été entièrement conçu à partir de bouteilles en plastique recyclées ; il est doublé de coton biologique. À l’heure où les ventes en volume de baskets ne cessent de doubler depuis plus de 10 ans, Veja étend encore sa visibilité faisant toujours plus d’ombre aux géants comme Nike ou adidas grâce à son positionnement précurseur.

Zéro pub, zéro stock

Pourtant, qui en 2005, quand Ghislain Morillion et Sébastien Kopp lançaient leur premier modèle Veja en coton bio et caoutchouc sauvage d’Amazonie, aurait parié sur un tel succès ? Le duo (associé à 50/50), qui rêvait de monter un business avec dans son ADN l’économie solidaire et un faible impact sur l’environnement, a fait mouche en choisissant de s’attaquer à la basket, symbole de leur génération. Alors que 99 pour cent des runnings sur le marché sont composées de plastique, un polymère dérivé du pétrole particulièrement néfaste pour l’environnement, Veja est allé construire sa propre filière au Brésil (Veja veut dire «regarde» en portugais).

Il y a d’abord le coton, présent notamment dans le chausson et les lacets. Là où toutes les marques se fournissent en textiles OGM très consommateurs en pesticides, Veja n’achète que du coton bio brésilien et péruvien. Vient ensuite le caoutchouc des semelles. Au lieu du synthétique à base de pétrole, les Français ont opté pour du sauvage récolté sur les hévéas d’Amazonie. Dans les deux cas, ils se fournissent directement auprès des producteurs à un prix fixé d’avance. De quoi permettre aux paysans de préfinancer leurs récoltes, de mieux vivre et de réinvestir dans leurs exploitations. Même la fabrication est faîte au Brésil où les droits des salariés sont conformes à la réglementation de l’OIT (Organisation internationale du travail).

Quant à la logistique, elle est centralisée à Bonneuil-sur-Marne (à l’est de Paris) et n’a elle non plus rien à voir avec les plateformes du secteur. De fait, l’entrepôt emploie des salariés en réinsertion professionnelle. ASF (Ateliers sans frontières) fait travailler une trentaine de salariés réfugiés, jeunes déscolarisés en contrat de réinsertion pour leur apprendre un nouveau métier. Un sourcing «propre» qui a un prix mais qui ne se répercute pas sur le prix de vente (chaque paire est vendue entre 80 et 160 euros). La décision des fondateurs a été simple et plutôt radicale, aux antipodes de l’industrie de la mode : zéro pub, zéro stock (ne sont fabriqués que les modèles qui sont précommander par les distributeurs).

Deux postes penser comme stratégiques pour de nombreuses marques mais qui permettent à l’entreprise de faire plus de 80 pour cent d’économies sur le prix d’un produit. De fait, chez Veja, on fonctionne à contre courant, c’est ce qui fait la force et la caractère unique de la société. Ici, pas de cahier de tendances ou d’études de marché, mais tout simplement la création de deux nouveaux modèles par an pensés par la team et ce qu’elle a envie de porter. Celle-ci ne cesse d'ailleurs de grandir et accueille depuis le printemps dernier Laure Browne, une ancienne de chez Auchan, au poste de directrice générale. Veja poursuit sa success story et surtout inspire les nouvelles générations de marque. Distribuée dans plus de 1.800 points de vente dans le monde à travers environ 40 pays (ses marchés principaux sont les États-Unis et le Royaume Uni), elle réalise 80 pour cent de ses ventes en dehors de la France. La marque devrait atteindre les 50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019. Il se murmure même que l’ouverture d’une boutique Veja serait prévue à New York.

Photos : Boutique Veja à Paris - Nouveau modèle Veja Condor.

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