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Tendance : le « no gender » révolutionne la mode

Par Celine Vautard

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Mode

S’affranchir des codes, du sexe, de l’âge… ? Défilés, campagnes de pub et même boutiques, le mouvement « no gender » s’affirme de plus en plus à travers le monde vers une mode toujours plus globale.

La rentrée 2015 se veut plus que jamais unisexe. Bien sûr l’idée n’est pas nouvelle, en revanche les propositions elles le sont. Coup de théâtre avec la première collection femme d'Alessandro Michele pour Gucci qui était l'événement le plus attendu de la Fashion Week de Milan en février dernier. Désigné en décembre 2014 pour rebooster les ventes du groupe Kering alors en perte de vitesse, le PDG François-Henri Pinault attend alors du créateur italien un nouveau regard et des défilés plus audacieux. La réponse aura fait son effet : des mannequins sans genre (qui est l’homme, qui est la femme ?) aux pommettes saillantes habillés de la même façon soit en costumes, portant des chemisiers à col lavallière, des transparences, partageant à la fois le même style, la même monture de lunettes et jusqu’à la même coupe de cheveux. Ce qui émergeait déjà chez quelques créateurs plus avant- gardistes (à l’image de Rad Hourani ou bien JW Anderson surnommé « mister unisex » par la presse pour ses collections radicales) fait depuis le buzz total. « Le mouvement « no gender » qui émerge en mode aujourd’hui s’inscrit dans une mouvance beaucoup plus globale de remise en question des normes établies. La jeune génération ne se reconnait plus dans la division arbitraire qui régit les lois de la consommation depuis qu’elle existe, explique t-on au sein de l’agence de style Nelly Rodi. Au-delà d’une offre commerciale, c’est de la place de l’homme et de la femme dont il est question à travers cette mutation, il s’agit aussi d’évoluer vers une société plus égalitaire, moins « genrée », où l’homme et la femme seraient égaux pour de vrai ».

Sortir de la vision binaire homme/femme

Au de-là du vêtement, la révolution est aussi présente sur les catwalks et dans les magazines. A New York, les muses transgenres comme Hari Nef, Gisele Xtravaganza ou Mz DeSe Bae Escobar sont à la mode. Tandis que Lea T, né Brésilien et désormais Brésilienne, est devenue le mannequin transgenre adoré de Riccardo Tisci (directeur de la création chez Givenchy). Depuis choisie pour être l’égérie actuelle de la marque Redken (groupe L’Oréal) et après une couverture sulfureuse de Love Magazine avec Kate Moss, elle est devenue la première ambassadrice de beauté transgenre. Autre révolution : la chanteuse « à la barbe », Conchita Wurst, gagnante de l’Eurovision 2014, a également défilé pour Jean Paul Gaultier et posé pour Karl Lagerfeld. Enfin, la toute nouvelle campagne de & Other Stories (groupe H&M) confirme la tendance. Hari Nef et Valentin De Hingh, mannequins transgenres, sont réunis sous l’objectif de Amos Mac, photographe et cofondateur du magazine Original Plumbing, consacré à la culture et au lifestyle pour les hommes transgenres. « Cette campagne a pour sujet le regard. Le regard des autres et celui de la société », a confié Sara Hilden, directrice artistique de & Other Stories au WWD. Les frontières semblent abolies. « Trans, en latin, ça veut dire « au-delà ». Et si ce que l’on retenait de la mode de notre époque, c’est qu’elle a su s’affranchir ?, analyse t-on chez Nelly Rodi. S’affranchir des élites, des générations, des codes, du sexe, des secteurs, des pays. Et si la mode du début de siècle, c’était la mode globale ? ».

Des concepts qui ignore les genres

Déjà les salons de mode professionnels l’ont bien compris à l’instar du Pitti Uomo qui lançait en juin dernier sa nouvelle section baptisée « Open ». « Il s’agit d’un nouveau projet dédié aux modes qui vont au de-là du genre, explique la direction de l’évènement. Soit une nouvelle génération de collections qui croit à vitesse grand V et retient de plus en plus l’attention des marchés internationaux. Une mode pensée pour lui comme pour elle ». De fait, déjà de nombreuses clientes viennent piocher dans le vestiaire masculin, idem pour les hommes qui cherchent des tenues plus près du corps ou pourquoi pas des jupes basiques. D’ailleurs, selon un rapport récent de Trendwatching.com, « les gens de tous âges et de toutes origines se construisent une identité propre de façon plus libre que jamais. En conséquence, les modèles de consommation ne sont plus définis par des critères démographiques “traditionnels” comme l'âge, le sexe, la région, le revenu, le statut familial ou autre. »

De quoi remettre en question l’organisation des grands magasins. A Londres, Selfridges a franchi le pas en ouvrant un espace « free from gender » baptisé « Agender ». Imaginé par la designer Faye Toogood (qui a par ailleurs lancé sa propre collection unisexe Toogood), celui-ci se veut minimaliste et plutôt neutre (loin des merchandising très travaillés) afin de laisser parler les pièces proposées. « La mode est une industrie qui a toujours eu une longueur d’avance et qui sait observer les changements dans la société, souligne Faye Toogood. Aussi, le brouillage des genres permet aux créateurs qui suivent cette mouvance d’avoir beaucoup plus de formes et de silhouettes à explorer ». Dans un monde toujours plus uniformisé, le « no gender », vient renforcer cette idée de gommer toujours plus les différences. Celle du sexe risque cependant encore de faire couler beaucoup d’encre.

Céline Vautard

Photos : Campagne & Other Stories shootée par Amos Mac – Collection Gucci Femme F/W 2015 –Campagne pour le lancement de l’espace Agender de Selfridges.

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