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Teintures de France : l'impression 3D booste la réindustrialisation de la mode française

Par Florence Julienne

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Mode|En images
Serge H. / Teintures de France Credits: F. Julienne

Serge H (en photo), artisan français, spécialiste de l’ennoblissement des matières (teintures, broderies, découpes au laser et impression 3D) nous ouvre les portes de son atelier, Teintures de France.

Une collaboration avec 3 Paradis, couronnée du prix spécial du jury Andam 2024, et une double exposition sur le forum des tendances cuir/denim du salon du sourcing Première Vision, au premier trimestre 2024, ont mis en lumière les savoir-faire de Teintures de France.

Sa spécificité : l’impression 3D sur textile. Mais aussi la capacité de mobiliser une jeunesse créative avide de s’investir dans des procédés plus vertueux. Bref, suffisamment de bonnes raisons pour rendre visite à cet alchimiste de la mode.

Direction Bonneuil-sur-Marne, en banlieue parisienne (Val-de-Marne), là où Serge H. a racheté les locaux d’une entreprise, il y a cinq ans, pour s’associer avec le propriétaire, Thierry Azerad.

Entrée Teintures de France Credits: F. Julienne

L’accueil de l’entreprise est un open space qui permet au personnel, principalement féminin, de s’affairer aux tâches administratives. Juste derrière, se trouve l’atelier de teintures. « Les textiles sont teints avec des colorants qui ne contiennent plus de produits chimiques, indique Serge H. au FashionUnited. Aujourd’hui, reste la chaleur, mais il n'y a plus d'odeur nocive. Sur les 1500 produits chimiques que l’on avait pour faire le même travail, il n’en reste plus que trois : l’eau de javel, le permanganate de potassium et un décapant pour la laine.

Atelier de teintures / Teintures de France Credits: F. Julienne
Pigments / Teintures de France Credits: F. Julienne
Atelier de teintures / Teintures de France Credits: F. Julienne

La main-d’œuvre est composée de douze hommes et trois femmes. L'entrepreneur ne trouve plus de personnel français, car ce métier n’est plus enseigné. De plus, la jeune génération se tourne, avec plus d’enthousiasme, vers les teintures végétales. Preuve en est avec Kheira, fraîchement diplômée de l’Institut Supérieur Couleurs Images Design (Montauban).

Teintures de France a ouvert un département « teintures végétales », pour lequel elle utilise des colorants végétaux – indigo, garance, bois de campêche, extrait de mûrier, cachou, feuilles broyées, tanin -, mais aussi des insectes comme la cochenille.

Kheira / atelier de teintures végétales / Teintures de France Credits: F. Julienne

« L’objectif est de tester des fibres, pour ensuite stabiliser nos process, explique la jeune laborantine. Comme nous sommes dans un atelier semi-industriel, nous avons souvent des contraintes de temps en termes de solidité, rapidité et unicité des couleurs. »

Chez Teintures de France, Kheira n’est pas la seule représentante de cette jeunesse désireuse d’expérimenter de nouvelles techniques. Une pièce entière est consacrée à l’innovation. Le jour de notre visite, elle est occupée par Mattéo (en photo) et Mendel (affairé à la tresse), tous deux sortis d’Esmod en tant que designers textiles.

Matteo, Teintures de France Credits: F. Julienne

Des toiles denim délavées grâce au gaz d’ozone et gravées au laser

Pour délaver une toile denim de manière traditionnelle, il faut 350 litres d’eau, de l’eau de javel et des enzymes. Il faut la rincer cinq fois. La dernière génération de machines permet d’obtenir la même qualité, sans eau et sans produits chimiques. Comment ? En récupérant et en emmagasinant de l’air ambiant, en lui ôtant toutes ses impuretés, pour l’envoyer dans une turbine qui transforme l’oxygène en ozone. Le résultat obtenu dépend du pourcentage d’ozone et du temps programmé.

Serge H., machine pour délaver le jean à l'ozone, Teintures de France Credits: F. Julienne

La découpe au laser (photo d'ouverture en hommage à FashionUnited) ôte le coloris du motif avec la gravure. Suivant la commande programmée, il est possible de graver plus ou moins intensément ou de faire des découpes, un procédé impressionnant qui génère des flammes. Autre savoir-faire ayant également recours à la programmation informatique : la sublimation. Le fil, blanc à l’origine, se teint selon les instructions. Il est ainsi facile de réaliser des dégradés sans avoir à utiliser une batterie de fils de couleurs.

Impression 3D : le nec plus ultra de l’ennoblissement textile

Last but not least, l’impression 3D est l’avenir de Teintures de France. C’est pourquoi la société a investi dans cinq machines fabriquées par Stratasys, une marque Israëlo/américaine. Selon Serge H., « c'est la seule au monde à avoir mis au point l’impression 3D sur textile. Aujourd’hui, une imprimante de ce type coûte 450 000 euros, une cartouche d’encre 2 500 euros et la technicité implique des ingénieurs 3D. Sur mes 45 employés, j’ai trois ingénieurs 3D qui sortent tous les jours de nouveaux designs. La collaboration avec Stratasys induit la fourniture de toutes nouvelles trouvailles en la matière. »

Machine impression 3D / Teintures de France Credits: F. Julienne
Impressions 3D / Teintures de France Credits: F. Julienne
Echantillons / Teintures de France Credits: F. Julienne

En chantier : la création d’un atelier de confection en autonomie énergétique

« Aujourd’hui, nous réalisons les prototypes d’ennoblissement et nous envoyons le tout en fabrication, notamment au Portugal ou en Italie, signale le chef d’entreprise. Tout, excepté les impressions 3D que nous sommes les seuls à savoir faire et que la marque 3 Paradis a expérimenté. C’est une technologie très chère – dix euros la minute et 600 euros pour un anneau de 30X40 cm -, mais nous recevons déjà de belles commandes. »

Pour répondre à la demande de relocalisation de la production de ses clients, principalement issus du luxe, Teintures de France met en place un atelier à même de coudre, à la chaîne, du denim, du cuir, du prêt-à-porter de luxe et de la Haute Couture. Pour chacune des spécialités, Serge H. s’entoure de personnes compétentes (de base, ce n’est pas son métier).

« Nous avons commencé les travaux fin juillet. Ils comprennent des bacs d’épuration pour pouvoir nettoyer nos eaux avant de les jeter dans les égouts. Par ailleurs, nous venons d’investir pour pouvoir la recycler en passant par l’ozone. De même, nous allons pouvoir fabriquer notre propre électricité », signale-t-il. L'aventure ne fait donc que commencer.

Teintures de France Credits: F. Julienne
IMPRESSION 3D
Made In France