Rencontre avec la marque sénégalaise dont les imprimés sont basés sur des équations mathématiques
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« Les maths étaient mon premier amour. C'est la seule langue universelle avec laquelle j'ai pu me connecter à chaque fois que je déménageais et que j'étais perdue avec de nouvelles langues ». Diarra Bousso est née à Dakar, au Sénégal, mais a grandi entre sa patrie, la Norvège et les États-Unis. Elle est diplômée en mathématiques, comme on pouvait s'y attendre, et a commencé sa carrière de trader à Wall Street. Deux ans plus tard, elle a tout quitté pour créer non pas une, mais deux marques de mode directe au consommateur dans son pays natal, le Sénégal : Diarrablu et Diarrabel.
Mais on se tromperait en pensant qu'elle s'est entièrement tournée vers les mathématiques. Ceux qui visitent le premier flagship de Diarrablu, qui a ouvert ses portes à Dakar en mai dernier, peuvent utiliser une borne de coloration pour interagir avec les équations et créer leurs propres imprimés. De cette façon, dit Bousso, tout le monde peut être designer.
Aujourd'hui, elle partage son temps entre ses postes d'éducatrice, de chercheuse et de créatrice de mode. Ses créations, qui ont été publiées dans Vogue, Glamour, Elle et le New York Times, sont disponibles à l'achat dans le monde entier par l'intermédiaire de son site de vente en ligne. Diarrablu travaille également avec un certain nombre de concept stores à Abidjan, Nairobi, Brazzaville, Los Angeles, Washington, Miami et Aspen, avec d'autres partenaires grossistes internationaux à venir.
FashionUnited s'est entretenu avec Bousso pour en savoir plus sur son parcours professionnel et ses projets d'avenir. Les réponses ont été révisées par souci de concision et de clarté.
Comment était-ce de devenir créatrice de mode et de démarrer une entreprise de mode sans expérience préalable ? Quels sont les défis auxquels vous avez dû faire face au début ?
J'ai fait beaucoup de recherches et je me suis complètement immergée dans le domaine. Pendant trois ans, j'ai participé à toutes les Fashion Week auxquelles j'ai pu être invitée, j'ai essayé de me créer un réseau autant que possible, j'ai visité des usines en Asie pour apprendre leurs processus et former mes artisans sénégalais. Je me suis concentrée sur l'apprentissage plutôt que sur la vente.
C'était un défi parce que je devais investir beaucoup d'argent pour voyager et me découvrir dans un domaine que je ne connaissais pas, mais mon expérience précédente à Wall Street m'a certainement aidé à structurer tout ce que je voyais dans un modèle économique et être capable de faire des projections.
Vous êtes née au Sénégal, mais vous avez aussi vécu en Norvège et aux États-Unis. En quoi ces trois cultures différentes vous ont-elles influencé en tant que personne et en tant qu'entrepreneure ?
En Norvège, je suis allée au United World College qui était un établissement international avec tous les pays représentés. Nous étions 200 élèves de la 11e à la 12e année, âgés de 16 à 18 ans. J'ai appris à connaître la diversité, la citoyenneté mondiale et la tolérance qui ont vraiment façonné ma vision du monde.
Après l'université du Minnesota et le travail à New York, j'ai su à mon retour à Dakar que pour lancer ma société qu'elle devait être orientée vers un public mondial. Je savais qu'elle devait être consciente et célébrer la diversité à tous les niveaux, du personnel avec lequel nous travaillons au public auquel nous nous adressons.
Vos designs sont fortement influencés par les mathématiques. Pouvez-vous expliquer comment ?
J'adore l'art et le design, mais en fin de compte, mon premier amour reste les mathématiques. C'est la seule langue universelle avec laquelle je pouvais me connecter à chaque fois que je déménageais et que j'étais perdue avec de nouvelles langues. Les mathématiques me donnent l'impression d'être libre et, dans le sens du design, l'idée de l'infini rend les options de design illimitées.
Le motif principal de la collection SS19 de Diarrablu, intitulée « Ndar », a été obtenu à partir de la représentation graphique de diverses équations (linéaire, quadratique et valeur absolue) pour recréer des formes aléatoires. Les formes ont ensuite été remplies de couleurs et les motifs ont été découpés en différentes formes et ont subi des transformations géométriques telles que les dilatations, rotations et reflets afin de créer un motif final, imprimé sur des tissus crêpés et en mousseline. Les principales équations sont paraboliques de la forme y=ax2+bx+c.
Parlez-nous de votre premier magasin qui a ouvert ses portes à Dakar.
J'ai toujours rêvé d'avoir ma propre galerie. Je n'ai jamais été enthousiaste à l'idée d'un magasin, mais plutôt d'un espace qui représenterait mon monde, qui se trouve à l'intersection des mathématiques et de l'art. La mode n'est qu'une des conséquences de ma fascination pour les mathématiques, l'espace devait donc transmettre ce message. C'est pourquoi nous avons commencé par une présentation dans le style d'un musée.
Je voulais que mon premier flagship comprenne tous les éléments qui créent du sens pour moi. Je veux que les gens sentent la texture de mes équations, comprennent l'histoire de mes traditions et célèbrent consciemment mon riche héritage culturel africain.
Des projets d'ouverture d'autres magasins au Sénégal ? Et à l'étranger ?
Nous prévoyons d'ouvrir d'autres magasins au Sénégal tant que chaque espace pourra être unique, représenter le lifestyle de Diarrablu et avoir le laboratoire de mathématiques pour que les clients puissent faire leurs propres imprimés. En tant qu'enseignante en mathématiques, je suis obsédée par les salles de classe et les laboratoires, car c'est là que je passe la plupart de mon temps. Nous avons également l'intention de nous développer à l'étranger.
Comment vont vos affaires jusqu'ici ?
Nous préférons ne pas partager les chiffres, mais Diarrablu connaît une croissance très rapide avec un chiffre d'affaires sur 12 mois et une croissance de 400 pour cent à partir d'avril 2019. Nous espérons utiliser cette croissance pour augmenter notre production, agrandir notre équipe et étendre nos activités à d'autres marchés.
Cet article a été traduit et édité en français par Sharon Camara.
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Photos : Diarrablu