Lisaa Mode : Et les SDF, dans la mode, on en parle ?
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À l’issue de son défilé de fin d’année 2024, Lisaa Mode a remis trois prix dont un prix spécial à Eugène Larée pour une collection réalisée en collaboration avec des sans-abri.
Ils sont partout, affalés sur les chaises du métro, étalés dans la rue sous quelques couvertures moribondes, logés dans des tentes de fortune à deux pas des piétons. Et pourtant, à part leur jeter quelques pièces au gré de nos humeurs, qui les regardent ? Qui s’en soucient ? Nous sommes, pour la plupart, confrontés à une impuissance qui tourne à l’aveuglement.
C’est pourquoi le prix spécial de la mode responsable, décerné par Lisaa Mode et Nelly Rodi à Eugène Larée, à l’occasion du défilé des collections créateurs 2024, intitulé « The future is now », a toute sa place dans un échiquier mode qui s’aimerait de plus en plus inclusif.
Avec sa collection intitulée « Vieilles cloches », Eugène Larée, étudiant à Lisaa Mode, frappe là où la mode ne va jamais : du côté des sans-abri, de ceux « qui ne sont plus rien » et dont la présence est toutefois de plus en plus perceptible.
Le hasard a voulu que FashionUnited rencontre Eugène Larée à l’occasion d’un showroom, organisé par Lisaa Mode à la veille de son défilé de fin d’année, le 10 juin 2024. Plusieurs étudiants avaient décoré leurs stands à l’image de leur collection, renvoyant par là même le principe de stand à une dimension moins standardisée, comprenez plus personnelle, que celle que l’on peut voir dans les salons professionnels.
Maraudes, ateliers de confection : Eugène Larée lève le voile sur les « vieilles cloches »
Le stand « Huge », le nom de la marque d’Eugène Larée, sortait du lot. Le jeune étudiant nous avait expliqué avoir travaillé avec Emmaüs Paris (pour les tissus) et des sans-abri qui avaient cousu des vêtements. Et d’imaginer des mains d'hommes, noircies par la poussière des villes, coudre délicatement ses tissus blancs, ses pièces dorées sur un bustier (en photo), redonner un peu de bonheur aux tissus lacérés, déchirés.
Il y a dans cette démarche, outre la dimension écoresponsable, une approche sociétale qui ne saurait laisser indifférent. Et même ce manteau en fourrure recyclée invite à penser que ces vieilles peaux sont, à l’image des « Vieilles cloches » (nom de la collection et que se donnent les personnes sans abris entre elles), capables de redorer leur blason.
La jeunesse apporte un vent de fraîcheur et de conscience à une société qui est invitée à retirer ses ornières
Par ailleurs, le prix du Jury pro a été attribué à Adrien Walz pour « Théâtre Magique », une collection dans l’air du temps qui fait le lien entre la garde-robe féminine et masculine, offrant au mot « genre » toute sa modernité. Le prix du public est revenu à Timothée Decamps. Avec « Bien à vous », l’étudiant signe la rencontre entre le bois et le textile dans une démonstration magistrale d’ébénisterie.
À travers ces prix et les autres collections présentées lors du défilé 2024, Lisaa Mode montre sa pertinence sur la scène mode, à l’heure où de nombreuses maisons se tournent vers les jeunes créateurs qui ont intégré les notions de circularité/durabilité et conscience sociétale. Au point que les jeunes artistes ne s’y trompent pas.
« Depuis quelques semaines, la toile s’enflamme pour les créations de nos étudiants, grâce au soutien de stars de la pop musique comme Slimane ou Aya Nakamura et à la curiosité de leurs stylistes respectifs » signale le communiqué de Lisaa Mode. Ainsi, Léo Lemée,bachelor en Fashion Design et Prix du Jury Pro 2023, a habillé Slimane pour sa prestation à l’Eurovision 2024. Raphael Algieri, promo 2021, à, quant à lui, habillé Slimane pour l’after-party. Georgie Salama, promo 2020, et sa maison Gigie Couture ont créé les looks pour des performances d’Aya Nakamura aux Flammes 2024. Une tendance assurément à suivre.