Les couleurs tendances du printemps été 2024 signent une prise de parole du corps féminin
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Du beige/rosé au bleu universel, en passant par des tonalités stimulantes, les tendances couleurs, prescrites par les spécialistes* pour la mode féminine printemps-été 2024, indiquent le besoin des femmes de se réapproprier leur corps.
Alors que débutent les campagnes de vente des pré-collections printemps/été 2024 et en amont des Fashion Weeks dédiées, il semble que le corps physique donne le ton de la saison. « Nous avions méprisé le corps. Le reléguant au seul rôle de vaisseau. Il devait être beau. Une vitrine. Nous avions remis la responsabilité de notre bonheur à des idoles corrompues, écrivent Louis Gérin & Grégory Lamaud, directeurs artistiques pour le salon Texworld. Alors que la chaleur du soleil sur la peau emplie de béatitude. Trop de biais, d’ego, d’enjeux. Mais, nos sens ne mentent pas. Nous avons décidé de nous fier à nos corps. Nous voilà sages. »
Beige rosé, rose orangé, effets métallisés désignent une sensualité voluptueuse
Couleur féminine par excellence, le rose reste au top, mais de manière plus adoucie que le fushia propulsé par Valentino pour l’hiver 2022/23. Selon WGSN, le Fondant Pink est un pastel pigmenté à l'attrait facile et jeune. Il marque le retour des nuances de rose doux et moelleux, qui se marient sans effort avec les tons lilas et lavande. Cette teinte renvoie à des sentiments de réenchantement, qui deviendront de plus en plus importants pour les consommateurs, d'ici 2024. Les petits moments d'émerveillement peuvent agir comme un antidote à l'anxiété, en améliorant le bien-être et en ralentissant la perception du temps.
Pour Nelly Rodi, ce corps sublimé est un appel des sens qui s’incarne dans le coloris nude, perle, pétale de rose, des effets nacrés, des jeux de transparences suggestives, mais également des reflets métalliques, comme plongées dans un bain doré, à l’image de la publicité pour le parfum « J’adore » avec Charlize Theron. « Pour le thème Splendor, nous explorons le côté prêtresse, vestale de la femme » nous explique Catherine Basquin, directrice du studio textile Nelly Rodi.
Cette sensualité exacerbée va de pair avec l’ambiguïté qui se joue entre réel et virtuel, entraînant une hyper érotisation hautement instagrammable ou tiktokable. Ici, les roses se renforcent, s'élargissant au mauve et au fuchsia. Les rouges s'éclaircissent et se rapprochent de l'orange. « L’été 2024 offre aux couleurs d’inattendus contre-emplois. Les rougis d’été et les roses saturés illuminent la gamme de leur éclat, soutenus par le rayonnement des jaunes » écrit Peclers Paris.
Des coloris toniques pour mettre le corps en mouvement
Les expositions actuelles « Le langage du corps » (agnès b), « La mode en mouvement » (Palais Galliera) et à venir « Mode et sport, d’un podium à l’autre » (Musée des Arts Décoratifs) traduisent, elles aussi, cette focalisation sur le corps. De plus, l’été 2024 sera immanquablement marqué par les Jeux Olympiques.
Une saison sportive, donc, qui se traduit par une palette vitaminée : jaune, orange, bleu ciel, vert turquoise, mauve, mais aussi des gammes inspirées des clubs de sports, un peu moins acidulées, plus vintage, comme des rouges, à l’image de la terre battue de Roland Garros ; des verts évoquant les terrains de golf ou des bleus piscine. « L’enjeu sociétal consiste à faire bouger les gens après une période où la société a été immobilisée (Covid oblige) et où l’obésité est devenue un référent esthétique » signale Catherine Basquin.
Ciel pixel, magenta digital, fiction corail, gel chlorophylle, laser azur, le printemps été 2024, selon Première Vision, déploie largement son potentiel différenciant. Sa force d’attraction est amplifiée par la luminosité. Cette nouvelle radiance dégage une énergie stimulante, décuple le pouvoir d’influence de ces tonalités. Les harmonies, composées en verticale et à l’horizontale, proposent une lecture à double sens, pour un printemps été 24 riche de multiples interactions chromatiques.
Poussant le principe du ludisme dans ses extrémités, les tendanceurs de Texworld jubilent : « Et si le monde n’avait pas de sens ? Et si, notre seul objectif était de jouer ? Et s’il n’était qu’une immense farandole dont notre sérieux nous a tenus éloigné tant d’années ? Il faut, comme l’enfant, poser sur ce monde des yeux ludiques. Sur le monde, et sur soi. »
Du blanc, du brun et du bleu : le retour des couleurs naturelles
Reste que ce réenchantement du corps féminin survient après une période de bouleversements : le mouvement MeToo ou le besoin de purifier ce qui a été souillé ; le non-genre ou le désir de briser les codes de genre estimés asservissants ; et, par extension, la volonté de s’affranchir, de pouvoir être naturelle ou sophistiquée à l’envi (en opposition avec les esthétiques stéréotypées sur les réseaux sociaux, évoqués plus haut).
Dans ce contexte, toutes les nuances de blanc sont invitées : pur, cassé, albâtre, crème, lin (en référence à la matière), argile, écru, ivoire, jasmin, céruse, etc. Les intenses pigmentaires, habitués à exprimer la gaieté estivale, font de la place pour des gammes plus tamisées, blanchies ou grisées, qui tempèrent la palette, tandis que les sombres et les très foncés lui donnent du relief. Les teintes sans additif rappellent les terres humides, les sols chauds et les lumières froides (sable d’or, cire brute, soleil froid, bain de boue).
« L'intérêt pour la sobriété et l'aspect pratique entraîne la montée en puissance de tons moyens et neutres, qui sont liés à l'évolution des choix de mode de vie, désormais ancrés sur la recherche de sérénité et d’équilibre » signale WGSN. « Les tons terres évoquent l’importance d’une mode durable, entre nature et construction, tradition et modernité, de la simplicité à la sophistication » (Peclers Paris).
Du terra cotta aux noisettes, ces teintes possèdent une chaleur et une tactilité inhérentes qui renvoient aux thèmes de l'authenticité et de l'artisanat. Grâce à sa chromie, le brun se marie avec une large gamme de matières, naturelles ou synthétiques. Et, en particulier, avec le bleu qui, comme pour le vestiaire homme, sera la couleur phare du printemps été 2024.
Bleu denim, indigo, moyen, lavandé, pastel, lac, ciel, etc. Selon Nelly Rodi, le bleu rassemble. Il est international, comprenez il n’a pas de point péjoratif dans le monde et est donc fédérateur. En cette période où règnent l’incertitude et la peur du chaos rien d’étonnant, donc, à ce que le bleu rafraîchissant, apaisant, signe un besoin d’horizon à l’orée de 2024.
*Cet article a été réalisé grâce aux prospectives Nelly Rodi, WGSN, Carlin Creative, Peclers Paris et aux forums matières des salons du textile internationaux Première Vision et Texworld.