Le prix EcoChic Design, le coup de pouce de la mode à l'environnement
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Dix jeunes créateurs de mode d'Asie et d'Europe viennent de franchir une étape décisive pour leur future carrière : ils ont été retenus comme finalistes de l'EcoChic Design Award et participeront à la Hong Kong Fashion Week en janvier 2016, à l'issue de cette laquelle trois d'entre eux seront primés et se verront offrir la possibilité de réaliser leur première collection.
Une trentaine de demi-finalistes issus des meilleures écoles de mode d'Asie et d'Europe ont attendu avec anxiété la décision, le 15 septembre, d'un jury basé à Hong Kong, auquel participe la créatrice française Sakina M'sa.
Deux candidates concouraient pour la France : Noëlla Tapasu Koy et Natasha Soegito de l'IFA (International Fashion Academy, Paris et Shanghaï). Un autre Français, Benjamin Benmoyal, concourait au titre de la prestigieuse école britannique Central Saint Martins à Londres où il étudie.
Les dix finalistes proviennent de sept pays, du Danemark à la Pologne, de l'Espagne à la Thaïlande, la Chine populaire ou Honk Kong. Une soixantaine d'écoles de mode participent à ce challenge. Trois prix sont décernés, le premier d'entre eux permettant au lauréat de travailler avec une marque prestigieuse à Hong Kong, Shanghaï Tang, pour y réaliser une collection complète, depuis sa conception en lien avec les stylistes de la marque jusqu'à la production et la commercialisation. Tous les finalistes invités à la Fashion Week de Hong Kong ont par ailleurs l'opportunité de présenter sur place au jury et d'exposer six modèles de leur création.
EcoChic Design Award pour une mode durable
L'EcoChic Design Award fêtera en janvier 2016 ses cinq ans. Lancé en 2011 à Hong Kong, le prix récompense une démarche de développement durable dans la mode (sustainable fashion design).
Pour le concours, le cahier des charges délivré aux étudiants et aux jeunes créateurs ayant moins de trois ans d'exercice est fondé sur trois critères : ré-utilisation de matière, recyclage de vêtements, zéro gaspillage.
A chacun d'interpréter ces orientations selon sa créativité. “J'ai toujours recyclé des vêtements pour en faire de nouveaux, explique Noëlla Tapasu Koy, une styliste congolaise qui travaille à Paris et a participé au concours. “Je récupère aussi des fins de rouleaux ou des rouleaux endommagés chez les revendeurs de tissu ou les stylistes. Pour l'EcoChic Design Award, je me suis inspirée de l'univers utopique de l'artiste australien Jeffrey Smart, avec des modèles très colorés de style arty, de l'asymétrie, des vêtements larges et confortables“. L'EcoChic Design Award est né sous l'impulsion de Christina Dean, une journaliste britannique qui a créé en 2007 l'ONG “Redress“ [Rhabillage] à Hong Kong.
Peu après s'être installée dans cette mégapole, Christian Dean prend conscience de l'ampleur des problèmes de pollution qui pèsent sur la région et de l'énorme gaspillage qui caractérise la puissance industrie textile chinoise. En Chine, plus de 20 millions de tonnes de textiles ont fini en décharge en 2011, dont près de 80 000 tonnes rien qu'à Hong Kong. Un gaspillage également coûteux en énergie, comme l'évoque Christina Dean dans une récente interview: la fabrication d'une seule paire de jeans consomme 3,6 litres d'eau, 3 kg de produits chimiques, 400 mégajoules d'électricité et 13 m2 de terres cultivées...
C'est en agissant à la source, professe l'ONG, sur la réduction de la consommation de matière et d'énergie ou le recyclage– dès l'étape de la création-, que l'on peut agir pour “redresser“, justement, l'impact environnemental de cette activité.
Bien que basé à Hong Kong, “le prix EcoChic Design vise à sensibiliser l'industrie de la mode aussi bien en Asie qu'en Europe ou ailleurs, précise Christina Dean dans une interview avec FashionUnited. “Nos partenaires asiatiques sont très motivés car réduire le gaspillage est une question cruciale pour l'Asie, la région du monde en tête de la production mondiale de vêtements. Les fabricants asiatiques s'impliquent car toute économie de matière première ou d'énergie permet d'accroître la profitabilité“.
Christina Dean reçoit donc rapidement le soutien du gouvernement de la Région spéciale de Hong Kong et de sponsors d'importance issus de l'industrie. C'est ainsi que l'une des marques de vêtements les plus prestigieuses de Hong Kong, Shanghaï Tang, parfois baptisée le “ Ralph Lauren chinois“ et dont le PDG Raphaël Le Masne de Chermont est français, se range aux côtés de Redress pour prendre part au concours EcoChic Design. “Shanghaï Tang offre à nos lauréats une chance extraordinaire, et c'est un deal gagnant/gagnant, poursuit Christina Dean. “Les jeunes créateurs ont ainsi l'opportunité de réaliser une collection 'durable‘ en collaboration avec la marque, et celle-ci innove en créant des modèles créatifs à partir de ses excédents de matières“.
Le talent au rendez-vous
L'inspiration des jeunes créateurs n'est de fait pas en reste dans cette compétition qui a éveillé au fil de sa courte existence la curiosité d'un bon nombre d'étudiants dans le monde. “Si l'on veut faire changer les choses en termes d'impact environnemental dans la mode, il faut le faire avec les grandes marques“, apprécie Benjamin Benmoyal, qui a fait partie des demi-finalistes cette année. “J'ai donc voulu créer un nouveau tissu très fin qui donne un résultat brillant, glamour et impeccable“. Elève de la Saint Martin's school à Londres, le jeune Français a inventé ce tissu...en recyclant des bandes magnétiques de cassettes audio ou video. Pendant des nuits entières, il a mis au point un procédé de tissage de ces rebuts avec du fil de coton et est parvenu à créer six échantillons de textiles tous différents dans leur aspect, leur couleur, leur texture. Il n'a pas été retenu comme finaliste mais reviendra sûrement lors de la prochaine édition.
Les jeunes créateurs motivés par la mode ‘durable‘ le savent, le concours EcoChic Design, précisément parce qu'il se déroule au cœur de l'industrie mondiale du vêtement, à Hong Kong, permet de booster une carrière qui démarre. “Plus de 80 participants aux éditions précédentes travaillent aujourd'hui dans cette filière de mode durable en Asie, atteste Christina Dean. “Beaucoup lancent leur propre marque, comme notre toute première lauréate en 2011, qui possède désormais une boutique à Hong Kong“. Une designer allemande, Karen Jessen, qui a gagné le concours en 2013, a dessiné une collection à base de vêtements recyclés pour la marque Esprit (Recycled Collection for Esprit. La collection a été mise en vente dans toutes les boutiques de la marque dans le monde. Et la créatrice a créé sa marque, Benu Berlin, dans la capitale allemande.
Par: Sabine Grandadam