« La maille est un produit dans l’air du temps », Stéphane Rolland pour sa première collection PAP en maille
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La maison de Haute Couture Stéphane Rolland existe depuis 2007 avec une production qui s’est accrue et une clientèle fidèle. En marge de la Haute Couture, les deux dirigeants, Pierre Martinez et Stéphane Rolland, déploient d’autres collections : la bridal (mariage), la joaillerie, le prêt-à-porter soir et, inédit pour la saison automne-hiver 2025/2026, « La Maille 1 », qui est présentée, du 21 janvier au 31 janvier 2025, aux acheteurs dans le showroom de la maison (Paris 17ᵉ).
Que pouvez-vous nous dire sur « La maille 1 », votre première collection en maille ?
Cette première collection compte une dizaine de modèles de robes longues et mi-longues, pour le jour et les dîners. Elle est réalisée en tricot de laine, laine/cachemire, viscose et lurex. Les lignes des silhouettes, près du corps ou plus amples, représentent l’ADN de la maison Stéphane Rolland. On y retrouve le graphisme et le mouvement. J’ai toujours travaillé mes robes comme je les dessine, avec de grands gestes et des traits qui évoquent des coups de pinceaux, pour donner l’impression que les robes bougent toutes seules. Elles ont un mouvement, un élan, une espèce de vie. C’est pour cela que l’on dit que je fais une mode sculpturale et architecturale.
Dans le prêt-à-porter, il est difficile d’inscrire ce mouvement, c’est ce que j’essaie de faire avec l’amplitude d’une manche large resserrée au niveau du poignet. Je joue avec l’ergonomie. J’ai toujours été passionné par l’architecture japonaise et les découpes des caftans orientaux, qui rappellent étrangement celles du kimono.
Pouvez-vous nous décrire quelques modèles ?
La robe « Beautiful Dream », un fourreau à manches chauve-souris, décolletée en V, ornée d’un empiècement en maille cannelée, évoque une femme sexy. Le côté plus urbain est représenté par « Dream River », une robe pull immense, très graphique. Et le soir, par « Sweet Dream », une robe mi-longue en lurex, manches plissées soleil.
Où est fabriquée cette collection ?
L’histoire est, comme toujours avec moi, celle d’une rencontre. Ici, avec des tricoteurs italiens vénitiens. Ils m’ont proposé des matières et j’ai réalisé cette première collection en maille avec beaucoup d’humilité et d’écoute. Même si certaines techniques évoluent avec l’apport technologique, elles sont ancestrales et tellement perfectionnées qu’elles perdurent. Il n’y a pas 36 méthodes pour réaliser des points particuliers.
En dehors de la qualité de leur travail, ils font preuve d’une grande largesse d’esprit qui ouvre la créativité et les champs d’action. Avec eux, rien n’est impossible, ce qui est merveilleux pour un artiste. Nous avons passé du temps à l’usine qui possède des années d’échantillonnages. Ils ont travaillé avec les plus grands. J’ai d’abord regardé l’existant avant de dire « je vais créer quelque chose de différent ».
Je dessine, leur donne des mesures, puis, ensemble, on évolue et on corrige. Ils sont tant professionnels que je n’ai pas eu à faire d’allers-retours à Venise (même si j'adore Venise). L’assemblage est en un seul morceau et en remaillage. Cela n’a rien à voir avec le prêt-à-porter. Je compare cette technique aux injections 3D où l’on voit son produit petit à petit se former. C’est un travail d’ergonomie hallucinant.
Cette collection en maille émane-t-elle d’une demande de votre clientèle ?
J’en avais déjà fait par le passé, mais, ici, c’est une envie pure. Aujourd’hui, nous sommes tous des nomades. Avoir des vêtements qui ne se froissent pas, notamment dans les valises, agréables à porter, élégants et sexy est important. De ce point de vue, la maille est un produit dans l’air du temps.
En Haute Couture, vous n’aviez jamais fait de maille ?
Si, mais c’est très différent. Tricoter une pièce unique pour une cliente est techniquement un cauchemar, à cause de la longue mise au point des machines pour les tailles. Aujourd’hui, les clientes Couture n’ont pas le temps. Il est rarissime qu’elles effectuent plus de deux voyages pour faire des essayages. La technologie 3D pourrait faciliter, mais n’accélèrerait pas le processus.
Avez-vous recours à l’Intelligence Artificielle ?
Pas du tout. Je trouve cela extraordinaire, mais, pour l’artistique, cela me fait peur. Cela peut rendre extrêmement fainéant.
À quel prix est commercialisée « la Maille 1 » ?
Entre 1 200 et 2 300 euros. La collection sera vendue en btob et btoc. Le showroom sera un showroom boutique.
Où allez-vous être revendu ?
C’est ce que nous allons voir. Je m’adresse à des multimarques élitistes. Actuellement, nous sommes par exemple chez Bergdorf Goodman (New York), , Étoile (Dubaï, Jeddah, Riyadh), Al Othman au Moyen-Orient, Stivali au Portugal. Nous n’avons pas de revendeurs en France.
Je n’ouvrirai pas de boutique Stéphane Rolland. J’aurais un grand bonheur à en concevoir le design, mais, aujourd’hui, économiquement, cela représente de nombreuses charges. Nous sommes dans une période incertaine qui ne donne pas envie d’avoir une enseigne en propre. J’ai un partenaire investisseur qui n’interfère pas dans la gestion de l’entreprise, mais je n’ai pas un groupe derrière moi. J’ai la fragilité, l’agilité et la liberté d’une maison indépendante. Je suis à 100 % décisionnaire. Nous menons une politique économique extrêmement rigoriste. Par contre, un pop-up n’est pas une idée improbable.
Vendez-vous on line ?
Nous ne sommes pas très développés sur le digital. Je ne suis pas adapté pour développer cette technologie. Ma collection de joaillerie doit être achetée en showroom par ma clientèle pour qu’on lui explique le produit. Je souhaite cette proximité et retrouver l’idée du conseil à la cliente.
En marge de la clientèle nomade et fortunée à laquelle vous vous adressez, vous avez engagé votre soutien auprès de l’adolescence et de leurs incertitudes via la Fondation des Hôpitaux* ?
Je l’ai fait avec Pierre Martinez, qui codirige la maison Stéphane Rolland. Un créateur ne peut pas être seul. Le but est l’envie de partager, de transmettre ce que l’on a la chance de connaître, ce que l’on a appris. Que ce ne soit pas en vain. On a envie que les adolescents d’aujourd’hui soient notre relais spirituel. En passant par la Fondation des Hôpitaux, nous travaillons avec des jeunes en au sein de la Maison des Adolescents de Blois**. L’idée est de leur ouvrir des possibilités. Trop souvent, ils n’ont pas de perspectives.
N’y a-t-il pas à travers cette opération ou votre présidence, par deux fois, au Festival de Dinan, une volonté de rester en phase avec la réalité de la classe populaire ?
J’ai toujours gardé les pieds sur terre, mais ma vie est composée à 90 % de travail. Je n’ai pas beaucoup de temps pour sortir. Je pars au Caire pour un énorme mariage, je vais y donner une master class. Nous préparons l’anniversaire des vingt ans de la maison. Nous sommes sur une anticipation d’un an et demi de shows. De plus, je m’occupe personnellement de chaque cliente.
J’ai une quarantaine de personnes sous ma responsabilité et, en tant qu’artiste, je suis sensible à ce qui leur arrive. Idem pour Pierre Martinez qui met en scène mes shows. Nous sommes réceptifs à tout ce que peut subir et vivre notre équipe.
Dans ce contexte overbooké l’intérêt de développer une ligne de mailles est-il économique ?
On ne sait pas de quoi demain sera fait. À l’avenir, la Haute Couture a ses incertitudes. Il ne faut jamais dépendre d’un seul produit. Et puis, j’adore créer. C’est le sang qui coule dans mes veines. Je suis là pour créer.
Quid du prochain défilé Haute Couture printemps-été 2025 ?
Nous avons choisi de rendre hommage à Joséphine Baker. C’est en raccord avec tout ce que l’on est en train de mettre en place pour l’enfance : le partage et la transmission. J’aime les femmes qui ont du caractère. Enfant, j’étais fasciné par Marlene Dietrich et Greta Garbo.
*Fondation des Hôpitaux : depuis sa création en 1989, la Fondation des Hôpitaux accompagne les institutions sanitaires et médico-sociales en soutenant leurs projets visant à améliorer le quotidien des publics les plus fragiles.
**La Maison Stéphane Rolland accompagne la Maison des Adolescents de Blois (MDA), un espace d’accueil pour les adolescentes soutenu par la Fondation. Elle leur propose une immersion dans le monde de la couture : visites d’expositions, défilés de mode, rencontres avec des influenceuses, shooting photos, etc.
- Stéphane Rolland lance "La Maille 1", sa première collection de maille, composée d'une dizaine de robes élégantes en laine, cachemire et lurex.
- Fabriquée en Italie par des tricoteurs vénitiens, la collection allie savoir-faire ancestral et technologie moderne, offrant des pièces confortables et sophistiquées.
- Commercialisée entre 1200 et 2300 euros, "La Maille 1" s'inscrit dans une stratégie de diversification pour la maison Stéphane Rolland, visant à répondre aux besoins d'une clientèle nomade et exigeante.