• Home
  • Actualite
  • Mode
  • Igor Dieryck reçoit une triple récompense au Festival de Hyères 2023

Igor Dieryck reçoit une triple récompense au Festival de Hyères 2023

Par Florence Julienne

loading...

Scroll down to read more
Mode|En Images
Festival de Hyères 2023. Igor Dieryck, grand prix du jury Première Vision Crédits: F. Julienne

Et de trois. Pour la 38e édition du Festival International de Mode, Photographie et Accessoires de Hyères, le créateur belge, Igor Dieryck, remporte le grand prix du jury Première Vision, le prix 19M des Métiers d’Art et le prix du public ville d’Hyères. À travers cette triple récompense, il signe le lien indéfectible existant entre les industriels du textile, l’artisanat d’art et la fraîcheur du regard des amateurs de mode (comprenez non professionnels). Pour corroborer, s’ajoute la double médaille de Petra Fagerstrom, prix de la collection écoresponsable Mercedes Benz et prix Atelier des Matières.

Quatre prix, deux lauréats, c’est le choix radical décidé par le jury éclectique présidé par Charles de Vilmorin, interviewé par FashionUnited : « nous avons beaucoup hésité entre valoriser plusieurs finalistes ou avoir un parti pris tranché. Nous avons choisi la deuxième option. Il y aura forcément des déceptions, je le comprends. J’ai moi-même participé à des concours et n’en ai gagné aucun. »

Une décision collégiale saluée par le directeur de la Villa Noailles, Jean-Pierre Blanc, au sortir de cette 38e édition : « Igor Dieryck et Petra Fagerstrom vont bénéficier d’un accompagnement fort pendant un an. J’approuve que l’on aide deux designers, plutôt que d’offrir un soutien moindre à un plus grand nombre. L’important ? Que les gens soient heureux et je crois que c’est le cas. »

Igor Dieryck et ses deux modèles en compagnie de Jean-Pierre Giran, maire de Hyères, et Jean-Pierre Blanc Crédits: F. Julienne

Une collection concept tailoring, récompensée par le grand prix du jury Première Vision

« Ce qui est très intéressant chez Igor Dieryck, c’est cette nécessité de perméabilité entre son amour pour le tailoring et le monde du sportswear et du streetwear », analyse Desolina Suter, directrice mode Première Vision, pour FashionUnited. Une indication qui peut expliquer la décision du jury et l’adhésion d’un public non professionnel à sept silhouettes conceptuelles, inspirées par l’hôtellerie : femme comptoir, homme plateau, grooms et voiturier.

D’après Daphné Bürki, animatrice de télévision et membre du jury, Igor Dieryck les a séduits dès la première rencontre, au printemps 2023. « Nous avions remarqué un savoir-faire particulier que l’on peut voir sur la veste rose du groom avec des baleines, très proche de la couture lingerie. Cela nous avait interpellés et nous avions envie de voir la suite. Lors de la présentation de sa collection finale, il est arrivé avec une palette de couleurs idéale. Les structures et volumes étaient bien définis et laissaient déjà deviner un univers, sans que nous connaissions son histoire.

Igor Dieryck Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures

Il nous a raconté sa vie en tant que groom, avec une valeur émotionnelle puissante. Plus il nous parlait, plus nous étions conquis. À la fin, nous nous sommes rendu compte que nous aurions tous pu porter une silhouette : pour son humour, sa beauté, son savoir-faire, nous avions tous un curseur différent. Nous nous sommes concertés et dits "ok, on est tous d’accord pour déduire que l’on peut commander toute la collection". »

De l’imagination à la concrétisation, grâce au partenariat avec l’industrie textile

« De plus, ajoute Desolina Suter, sa collection joue sur la pluralité des supports avec de très beaux lainages, des transparences exceptionnelles, du lin et des popelines de coton. » Cette capacité de bénéficier de matières qualitatives et de savoir-faire exceptionnels est le fruit du partenariat qui unit le Festival de Hyères et le salon international du sourcing Première Vision.

Festival de Hyères, Igor Dieryck, silhouette du prix 19M Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures

Créer du lien avec les industriels ; ouvrir les portes des ateliers de prototypages, d’ordinaire peu enclins à concevoir des premiers exemplaires pour des inconnus ; offrir les métrages suffisant pour réaliser les sept silhouettes amenées à défiler ; montrer (aussi) les limites d’un processus créatif ; développer des matières inédites - c’est le cas du créateur coréen, Bo Kwon Min, qui a créé un aspect vinyle à base de lin grâce à des inductions d’acrylique ou polyuréthane.

Bo Kwon Min Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures

Expérimenter des matériaux innovants comme ce manteau, réalisé à base de cactus par la Coréenne, Jung Eun Lee, qui préfère « intégrer un processus encore imparfait, plutôt que de se cantonner à des habitudes dont on sait la nocivité » ; se doter de griffes identitaires – la plupart ont bénéficié du soutien d’Emmetex. Cette société italienne (accessoires, étiquettes, etc.) est partenaire, depuis cinq ans, du Festival de Hyères. Elle offre même des débouchés professionnels aux finalistes, comme c’est le cas avec Andrea Grossi (édition 2020).

Jung Eun Lee Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures

Tous ces exemples sont autant de voies explorées par ceux qui participent à ce concours de mode. Ainsi, Igor Dieryck a-t-il travaillé avec l’entreprise Label & Things. Elle a prototypé ses casquettes, ceintures et sa métallerie. Il a également collaboré avec Beppetex qui lui a fourni dix mètres d’un tissu qui lui ont largement permis de confectionner un ensemble chemise longue/pantalon ample de groom nouvelle génération.

Igor Dieryck en collaboration avec Libeco Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures

« Rifra Nastri (rubans, tresses, passementerie, etc.) m’a procuré une partie des élastiques et, avec Libeco, nous avons eu la chance de travailler sur toutes les pièces en lin, explique Igor Dieryck. J’avais à cœur d’élaborer des pièces équitables. Ils m’ont conseillé dans le choix de mes matières, m’ont soutenu dès le début et ont été super. Trois prix, ça me fait vraiment plaisir. Pour le moment, je travaille chez Hermès Hommes, en tant que designer junior hommes. Je m’occupe du cuir, du sportswear et du tailleur. J’y retourne mardi, on verra ce qu’il va se passer. »

Petra Fagerstrom ou le lien entre les Métiers d’Art et la circularité dans la mode créative

Doublement primée (prix de la collection écoresponsable Mercedes Benz et l’Atelier des Matières), Petra Fagerstrom a fait défiler sa critique « de ce qu’il se passe dans l’ex-URSS » et fait revivre le souvenir de sa grand-mère sur la musique de Molchat Doma, groupe de cold wave biélorusse. « Imprimer un rêve californien sur une collection qui puise son inspiration en Europe de l’Est, à l’aide d’un plissé sur un tissu cinétique, est un discours "politique" qui interpelle », décrypte Desolina Suter.

Petra Fagerstrom, prix de la collection écoresponsable Mercedes Benz et l’Atelier des Matières Crédits: F. Julienne

Hubert Barrère, membre du jury et directeur artistique de la maison Lesage, renchérit sur cette idée de rêve : « Comment, avec une broderie, créer l’illusion d’un plissé ? Il y a des techniques pour cela. Nous avons réalisé une broderie en 3d dans un dégradé de couleurs qui va d’un gris sombre à un gris argenté pour finir sur un rouge. Les paillettes sont posées de travers, en équilibre sur une ligne de tube de verre. Lorsque l’on regarde d’un côté, on ne voit quasiment que les tubes et, de l’autre, que les paillettes. Par illusion, cela donne une strie optique qui peut nous faire penser à un plissé. »

Petra Fagerstrom en collaboration avec Maison Lesage Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures

À cet exemple, Hubert Barrère ajoute la collaboration entre le créateur espagnol Marc Sanz Pey, inspiré par les pirates et les hippies d’Ibiza, et l’Atelier Montex, qui a réalisé une broderie faite de coquillages dans le dos d’un blouson. Il évoque également les tissus qui ont retenu son attention, comme ceux réalisés par Fengyuan Dai, qui a créé sa propre matière en alignant des rubans de tissus, récupérés, et en les cousant ensemble pour créer des rayures.

Marc Sanz Pey et Atelier Montex Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures
Fengyuan Dai Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures

Par ailleurs, il signale une autre tendance observée chez l’ensemble des concurrents : l’upcycling. « Le Gallois Alec Rhys Bizby a inventé une matière en utilisant le rebut du surfil pour le tricoter. J’ai trouvé cela intelligent et poétique ».

Alec Rhys Bizby Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures

Comment utiliser un tissu qui existe déjà, le recycler et lui redonner vie ? C’est à ce stade que se dessine, au Festival de Hyères, l’aube d’une mode en mutation. « Grâce à des leaderships et à la solidarité, cette jeune génération optimiste, qui célèbre le beau, trouvera des solutions » conclue Nativité Rodriguez, directrice générale de l’Atelier des Matières, fournisseur de solutions pour une transformation circulaire des marques.

Tiago Bessa Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures
Norman Mabire-Larguier Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures
Leevi Ikäheimo Crédits: © Arnel de la Gente / Catwalkpictures

Retrouvez ici la liste des lauréats la 38e édition du Festival International de Mode, Photographie et Accessoires de Hyères.

Festival de Hyères