Haute Couture : la technologie au service d’idées progressistes

Si l’on part du principe que la Haute Couture est un laboratoire d’expérimentation qui sert le prêt-à-porter, alors, en 2023, à l’heure de la 3D, rien d’étonnant à ce que les maisons de couture s’emparent de la technologie pour s’exprimer. Mais l’utilisation de techniques modernes ne serait rien (si ce n’est une prouesse de plus) sans un parti pris idéologique ou philosophique.

À l’occasion de la semaine de la Haute Couture janvier 2023, plusieurs maisons se sont illustrées à ce jeu. Focus sur Iris Van Herpen, Clara Daguin, On Aura Tout Vu, Viktor & Rolf et Robert Wun.

Iris Van Herpen : une « Carte blanche » pour dénoncer le sort des femmes iraniennes

La créatrice néerlandaise a présenté sa collection couture printemps-été 2023 sous la forme d’un film « Carte Blanche », tourné sous l’eau. De délicates structures cellulaires, découpées au laser dans du crêpe et remplies d'organza de soie, encerclent le corps, à la manière de corsets en relief, tridimensionnels et ornementaux. Les matières utilisées sont le mylar, la soie biologique, le polyester recyclé ou encore des cheveux teints en rouge. Iris Van Herpen signe ici un acte de solidarité envers les femmes du monde entier et précisément les Iraniennes, dont le corps a servi de champ de bataille pour une idéologie autoritaire.

Clara Daguin : une couture connectée au monde extérieur grâce à la lumière

Les vêtements et accessoires de mode (chaussures, boucles d’oreilles, faux ongles en forme de tête de serpent…) de cette jeune créatrice française sont munis de leds rattachées à des piles, intégrées aux tenues. Des capteurs contrôlent les diodes qui réagissent en fonction des éléments extérieurs : la musique pour la robe soleil, les mouvements du corps pour la robe Baccarat, munie de pampilles en cristal, ou la robe amoureux qui a ouvert le show.

Au-delà de s’adresser à des personnalités du spectacle – on a remarqué les chanteuses Zaz et Thérèse lors du défil couture qui s’est déroulé chez Baccarat – la Cosmic Danse de Clara Daguin est une approche sensorielle du vêtement qui dépasse le champ visuel. Une nouvelle « connexion » entre l’habit et le monde qui l’entoure pour une nouvelle perception de la mode. Clara Daguin se sert de la mode pour promouvoir les différences, les dépasser et rappeler que nous sommes tous reliés, comme dans le cosmos.

On Aura Tout Vu : une Techno Couture pour une autonomie énergétique

La collection Sunlightpower, qui a défilé au Paradis Latin pendant la Couture week janvier 2023, est placée sous le signe d’une solution énergétique plus verte. Les créateurs de la maison On Aura Tout Vu, Livia Stoianova et Yassen Samouilov, se sont posé la question de savoir comment produire sa propre énergie, et ainsi ne plus se retrouver en rade de téléphones portables (par exemple) devenus indispensables.

Les imposantes structures, quelques corsets, des sacs et des ceintures comportent des pièces intégrant des éléments photovoltaïques extrêmement fins et souples (modules solaires souples ASCA®). Les chaussures marchent à l'énergie piézo-électrique qui récupère l'énergie produite par les actions mécaniques du corps humain pour la convertir en énergie électrique.

Viktor & Rolf : la critique d’un monde déconnecté de la réalité

La collection s’inscrit dans le champ d’une prouesse technique –fabriquer des robes qui vivent en marge de celles qui les portent –, une métaphore pour dénoncer « la déconnexion entre ce qu'on perçoit sur l'écran de notre téléphone ou sur les réseaux sociaux et la vraie vie », a déclaré à l'AFP le créateur Rolf Snoeren.

Robert Wun : la couture pour transcender la peur

« Fear » est le premier défilé dans le calendrier officiel de la Haute couture parisienne de ce créateur originaire de Hong Kong et basé à Londres. S’il n’est pas ici question de haute technologie, l’excellence de sa technicité mérite d’être soulignée tant elle vise à nous libérer de sentiments récurrents et légitimes (surtout quand on parle de luxe) : la crainte de les abîmer ou de les casser. Ainsi, ont défilé sur le podium de l’Hôtel d’Évreux : des cascades de cristaux Swarovski, émergeant du cou grâce à des fils de nylon et donnant l’impression que le collier de base est cassé ; un total look blanc comme maculé de taches de vin rouge ; une robe de mariée brûlée par endroits ; des parapluies harnachés sur la tête (comme si le manche avait été cassé) ; ou encore des mini sacs en forme de semelles de chaussures (comme si le talon s’était cassé).