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Football, cirque et rébellion : décryptage de la semaine de la mode masculine à Paris

Par Ole Spötter

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Mode|Décryptage
Dior SS25 Menswear Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Alors que Paris se préparait à l'arrivée des Jeux olympiques, la Fashion Week parisienne dédiée à la mode masculine a rassemblé la profession fin juin autour des collections printemps-été 2025. FashionUnited revient sur une édition aux propositions variées, oscillant entre influences sportives, approches tout en retenue et esthétique colorée tirée du cirque.

Inspirations sportives

La collection PE25 de Pharrell Williams, le directeur artistique de la ligne homme de Louis Vuitton, parlait à la fois de sport et de solidarité. Organisé à la Maison de l’Unesco, le défilé a mis en avant les thèmes de l'universalisme et de la diversité. La collection, qui reposait en grande partie sur une palette de tons gris, brun et noir, réunissait le mélange signature du créateur de streetwear, des vêtements pour hommes classiques et du workwear. La collection, présentée sur un gazon artificiel à carreaux verts, a démarré par une succession de références au football : maillots, vestes et sacs fabriqués à partir de ballons et de chaussures faisaient tous référence au sport d'équipe aujourd'hui à la une de l'actualité avec le Championnat d'Europe de l'UEFA.

Louis Vuitton SS25 menswear Credit: ©Launchmetrics/spotlight

LVMH, la maison mère de la marque, doit veiller à rester dans le coup, après des résultats financiers légèrement en deçà du niveau de l'année précédente au premier trimestre de l'exercice 2024. Les ventes du segment de la mode et de la maroquinerie, qui comprend notamment Louis Vuitton ainsi que Christian Dior, Celine et Loewe, ont chuté de 2 %. Outre la question des chiffres, le géant du luxe est également préoccupé par celle de son personnel, telles qu'un successeur pour le directeur créatif de Givenchy, Matthew Williams, et l'avenir du DA de Kenzo, Nigo, qui a été remis en question après son défilé à la Fashion Week masculine de Paris. Mais pour l'instant, l'accent est mis sur les Jeux olympiques de Paris, dans lesquels LVMH a investi 150 millions d'euros.

Lors de la Fashion Week de Paris, la référence aux Jeux Olympiques n'a été évidente que chez Meta Campania Collective. La marque, sous la direction créative de Jon Strassburg, ancien chief merchandising officer de Bottega Veneta, et de Heiko Keinath, fondateur de l'agence créative parisienne Buero, a présenté une ligne inspirée de la clôture des jeux. La marque zurichoise Prototypes, quant à elle, est revenue à l'univers du football, ou plutôt à la culture des supporters qui lui est associée. Divers maillots de foot, dont celui de l'équipe nationale anglaise, ont été utilisés, ainsi que des pièces de sport issues de marques comme Lonsdale et Umbro, très appréciées des fans de foot. Des costumes, des pièces casual comme des jeans et des vêtements d'outdoor ont complété ce portrait du « prototype du fan de football ».

Prototypes SS25 Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Les maillots de la saison étaient aussi présents chez Y-3, où s'est poursuivie la collaboration à long terme entre le créateur japonais Yōji Yamamoto, fondateur de la marque Yohji Yamamoto, et l'équipementier sportif allemand Adidas, qui faisait son retour dans la semaine de la mode homme de Paris après plusieurs années d'absence - il s'agissait également du premier défilé de Y-3 depuis la pandémie. Du sac de sport, les collaborateurs ont sorti les nouveaux maillots de l'équipe nationale japonaise de football, qui n'étaient auparavant proposés que par Adidas en tant que fournisseur. Pour Y-3, c'était la première fois que la marque s'aventurait dans ce domaine, après une incursion dans le monde du football avec des maillots spéciaux comme ceux du Real Madrid.

Grâce à ces maillots, Adidas a obtenu un succès apparent qui a provoqué des remous dans le milieu du streetwear sur les réseaux sociaux peu après le défilé. L'entreprise d'articles de sport a récemment subi l'impact du changement surprenant de fournisseur de l'équipe nationale allemande de football, laquelle s'est tournée vers son concurrent Nike. Mais, les résultats financiers de l'entreprise remontent - la société a renoué avec la croissance en début d'année après une baisse des ventes en 2023 - et Adidas envisage l'avenir de manière positive grâce à de nouveaux partenariats, comme avec le club allemand de Bundesliga Eintracht Frankfurt.

Outre Y-3 et Louis Vuitton, on trouvait également des maillots chez 3.Paradis, Doublet et White Mountaineering, qui s'inscrivent dans la continuité de la tendance « Bloke Core ».

Maillots de foot chez 3.Paradise, White Mountaineering and Y-3 (from left to right) Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Esprits nouveaux

Les cérémonies sportives n'ont pas été les seules à influencer la semaine de la mode. L'Américain Rick Owens a célébré à Paris sa propre cérémonie d'ouverture. Plusieurs escouades, uniformément vêtues dans une formation distincte, sont apparues dans des looks beige-gris, quelque part entre les adeptes d'un culte, des personnages de science-fiction et l'Égypte ancienne.

Rick Owens SS25 Credit: ©Launchmetrics/spotlight

La collection du créateur chinois Sean Suen a, elle aussi, communiqué un sentiment spirituel. Cette impression était suscitée par de longues robes fluides, qui rappelaient les pièces boutonnées portées par les moines bouddhistes, mais proposées dans des teintes beiges et argent. Les capuches assorties complétaient l'ensemble.

SS25 collections (from left to right): Sean Suen, Yenesai and Sankuanz Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Le label londonien Yenesai s'est orienté vers une proposition plutôt aérée pour sa collection « 40 Warriors of the Sun ». Des références au voyage dans l'espace rencontraient des uniformes à la Star Trek Enterprise et des détails tirés du workwear. Ces inspirations ont été affinées par une esthétique à la fois forte et délicate, contrastant avec les matières fluides et créant ainsi une image d'ensemble futuriste et à la mode.

Le fondateur de Sankuanz, Shangguan Zhe, s'est quant à lui inspiré des Dakinis, des divinités mystiques vénérées par diverses ethnies et cultures à travers l'Asie. Le créateur chinois, qui est un habitué de la Semaine de la mode masculine de Paris depuis 2016, a réinterprété les silhouettes occidentales traditionnelles en les combinant à des vêtements enveloppants et oversize issus des cultures asiatiques. Le jeu avec les longueurs et les silhouettes ainsi que l'utilisation de vêtements de travail était ici central.

Paris est un cirque

Le défilé de Walter van Beirendonck s'est avéré moins sombre. Le créateur belge, connu pour ses créations colorées et excentriques, s'est inspiré du clown de cirque. Alors que l'actualité semble chaque jour de plus en plus sombre, Walter van Beirendonck a indiqué dans ses notes de défilé, avoir cherché le positif, utilisant ainsi la figure joyeusement triste du cirque. Les clowns de Van Beirendonck portaient de petits chapeaux et arboraient des couleurs, des motifs contrastés et un noir franc dans des silhouettes tour à tour près du corps, large et oversize.

Kidsuper, marque américaine axée sur le streetwear a collaboré avec l'entreprise de divertissement canadienne Cirque du Soleil pour son propre spectacle ainsi que pour une collection capsule. Le fondateur du label, Colm Dillane, a fait danser des acrobates sur le podium comme des marionnettes avec des cordes aux bras.

Le thème du cirque a aussi joué un rôle central dans la collection. Les looks ont été inspirés par ses personnages, avec la présence de clowns, du directeur du cirque, d'acrobates ou de l'homme XXL sur échasses. Bien que la collection, avec ses couleurs vives et ses imprimés qui soulignent le thème du cirque, soit très extravagante, elle semble avoir traité le thème avec un peu plus de subtilité que Van Beirendonck.

Comme des Garçons Homme Plus, la ligne de vêtements pour hommes de la marque japonaise du même nom, n'a pas braqué les projecteurs sur le chapiteau du cirque de manière aussi évidente, mais a néanmoins opté pour une esthétique similaire à travers un mélange de motifs et un jeu de silhouettes larges puis moulantes. Comme chez Van Beirendonck, des looks assez sombres contrastaient avec des accents colorés tels qu'un rose vif. Des pois, des carreaux, de grands nœuds, des manches exagérées et une coiffure faite de pinces à cheveux et de rubans complétaient la collection.

SS25 looks (from left to right): Walter van Beirendonck, Kidsuper and Comme des Garcons Homme Plus Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Jeunesse rebelle

Cette saison, un cri de punk a résonné dans la capitale française. Plutôt que de chercher à faire rire dans une période compliquée, certaines marques ont préféré faire preuve de solidarité en restituant des comportements rebelles contre l'ordre établi.

Le label japonais Kidill a joué sur des silhouettes larges et des éléments aux allures de frondeurs : épingles à nourrice géante, patchwork, beaucoup de motifs et de couleurs, ainsi qu'un mélange de kitsch mignon et d'esprit métal-sombre agréments des patchs de groupe de musique.

Le label japonais Junya Watanabe, créé par le styliste éponyme, a quant à lui présenté une alternative punky au tapis rouge, comme une ode à tous ceux qui n'ont pas envie de porter un smoking et une robe au bal de fin d'année. Watanabe a proposé des alternatives aux classiques pièces de soirée : des costumes en patchwork et en denim côtoyaient ici les chemises des groupes ACDC et Black Sabbath avec des nœuds papillon.

Jeanne Friot a elle aussi repris à son compte l'esprit rebelle en sélectionnant des silouette en denim et en latex. Sur le corps des mannequins : une multiplication de boucles et de ceintures, et des pièces inspirées du kilt écossais.

SS25 looks (from left to right): Kidill, Junya Watanabe and Jeanne Friot Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Couture Workwear

Pièces workwear, nouvelles silhouettes et contrastes ont uni certains des looks des marques Juun.J, 032c, Junya Watanabe et Loewe. La marque coréenne Juun.J a utilisé du denim de différentes couleurs et des vestes de bomber associés à des jupes solennelles et des traînes. Le jean était également très présent dans la collection de Junya Watanabe. La matière a été utilisée pour des costumes de différentes longueurs et formes, ainsi que comme extra-layer sur un tissu semblable à celui d'un costume.

Le label berlinois 032c a lui aussi eu recours au denim. Ses longues robes-chemises inspirées des vestes militaires étaient particulièrement convaincantes. Les pièces vert olive, qui descendent jusqu'aux chevilles, rappellent les salopettes avec leur patte de boutonnage, leur capuche et leurs nombreuses poches. Les fronces dans la partie inférieure de la robe et l'association avec des chaussures hautes et des lunettes de soleil foncées conféraient à l'ensemble la composante mode nécessaire.

La maison de couture espagnole Loewe a quant à elle misé sur la chemise de bûcheron à carreaux, utilisée d'une part comme une chemise à manches longues et d'autre part comme une sorte de cape recouvrant, en partie, un pantalon beige.

SS25 looks (from left to right): Juun.J, Junya Watanabe, 032c and Loewe Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Une mode portable

En marge des nombreuses collections extravagantes et audacieuses, d'autres marques se sont concentrées sur la valeur vestimentaire en proposant aux consommateurs des pièces plus indépendantes des tendances et amenées à être utilisées au-delà de l'été prochain. La sélection de couleurs pour le printemps-été 2025 semblait également beaucoup plus sobre, s'orientant davantage vers une palette méditerranéenne : les tons bruns et beiges, ainsi que le crème, le gris et le vert olive étaient présents dans de nombreuses collections comme celles de System, Namesake et Lemaire. On remarque aussi des accents de couleurs fraîches, mais toujours subtiles, comme un rose poudré ou un bleu clair, à l'image de la collection de Dior.

Le besoin d'un luxe discret, dans une situation macroéconomique difficile qui affecte le segment des prix élevés, semble s'affirmer dans la mode masculine après un boom similaire dans la mode féminine - un contrepoids au streetwear bruyant et tape-à-l'œil.

SS25 (from left to right): Dior, System, Auralee and Lemaire Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Adieux et nouveaux arrivants

Cette semaine de la mode parisienne a été marquée par des adieux et l'arrivée de nouveaux noms. Le point culminant de la saison, et probablement le show le plus attendu, a été la fin des 40 ans de carrière du créateur Dries van Noten. Ce fut des adieux doux et chargés d'émotion. Les couleurs sombres et les tons maussades ont créé une ambiance mélancolique, tandis que les accents poudrés des imprimés floraux et les touches d'or et d'argent ont apporté une lueur d'espoir - des montagnes russes d'émotions qui ont probablement accompagné de nombreux fans et invités du défilé de Dries Van Noten.

Dries van Noten SS25 Menswear, Paris Fashion Week Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Alors que le créateur belge fermait la porte derrière lui - même si elle restera probablement toujours entrouverte par le biais de son futur rôle de conseiller au sein de la marque éponyme - un nouveau venu à Paris ouvre la sienne. L'artiste américain A$AP Rocky - de son vrai nom Rakim Athelaston Mayers - a présenté son tout premier défilé de mode avec son collectif AWGE.

La collection, intitulée « American Sabotage », a été présentée par le groupe à l'Hôtel des Maisons, l'ancienne demeure du défunt créateur de mode Karl Lagerfeld. Au lieu d'un « quiet luxury », des formules inscrites en lettres capitales telles que « Political Satire », « Don't be Dumb » et le chiffre 1865 - année de la fin officielle de l'esclavage aux États-Unis - représentaient un message fort. Le drapeau américain, le motif camouflage et un imprimé de la police new-yorkaise ont également été utilisés. Ces éléments étaient combinés à une esthétique streetwear du hip-hop des années 1990, avec des silhouettes larges et des superpositions, créant ainsi un échantillon de la société américaine.

AWGE debut at Paris Men's Fashion Week Credit: ©Launchmetrics/spotlight

Cet article a initialement été publié sur FashionUnited.com. Il a été traduit et édité en français par FashionUnited France.

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