Comment Iris Cantabri s'est affranchie du calendrier de la mode ?
loading...
Oubliés les salons et les défilés, la jeune griffe de mode française a repensé son business model pour mieux survivre. Rencontre avec Guillaume Michel le fondateur de la marque.
Qui est Iris Cantabri ?
C’est un nom imaginaire qui mêle celui du bateau de mon grand-père et une bande de terre située au Nord de la péninsule Ibérique. La marque a été lancée en 2013 et propose du prêt-à-porter féminin créateur et haut de gamme. Je ne souhaitais pas que mon nom apparaisse afin de faire entièrement ce qui me plaisait. Un nom vierge de sens et de préjugés : l’idéal pour créer un univers et l’emmener loin !
Quel est votre parcours ?
Après mon bac, j’ai travaillé chez Ungaro (période Peter Dundas) comme vendeur. Régulièrement, on m’envoyait à l’atelier pour porter les retouches. Là, j’ai découvert l’univers de la couture. Motivé, j’ai fini par me faire embaucher au Studio à l’atelier couture, mais il me fallait apprendre le métier et les bases. Du coup, j'ai fais l’École de la Chambre Syndicale de la Couture pendant 2 ans. Diplômé, j’ai fais mes classes chez Alexis Mabille et Gustavo Lins et j’ai travaillé en freelance pour des marques comme APC. Puis j’ai commencé à développer un travail personnel dont des robes végétales avec Patrick Blanc (l’inventeur du mur végétal). J'ai envoyé un dossier à la Fédération de la Couture qui par la suite m'a proposé d’intégrer Designers Apartment. J’ai été pris et pendant 2 années j’ai pu y montrer et développer mon travail.
La marque a donc très vite démarré ?
Oui ! Tant et si bien qu’un grand magasin nous a proposé de faire une collaboration. Pour que celle-ci se fasse, j’ai développé 150 références, nous avons mis les bouchées doubles, nous nous sommes mis en danger. Mais seulement 5 à 10 pour cent de la collection devaient être pris par le grand magasin et le reste serait en consignation. À ce moment là, j’ai déchiré le bon de commande et j’ai décidé de remettre la société à plat pour ne plus avoir à travailler de cette façon.
Quand je voyais le gaspillage engendré chaque saison où 80 à 90 pour cent de la collection était jetée, j’en avais la nausée !
Quel est votre business model ?
Il est simple. Plutôt que de suivre le calendrier imposé, nous nous en sommes affranchis pour mieux suivre les clients et les saisons. Les institutions d’aujourd’hui ont un vrai problème de vision du business et de la réalité. Imaginez, pour qu’un créateur s’en sorte aujourd’hui, il doit au minimum réaliser 1 million d’euros de chiffre d’affaires par an ! Quand je voyais le gaspillage engendré chaque saison où 80 à 90 pour cent de la collection était jetée, j’en avais la nausée ! Aujourd’hui, nous avons réduit ce gaspillage de 70 pour cent en proposant 10 à 12 nouvelles pièces très travaillées tous les 2 mois environ. Nous travaillons en série limitée et nous sommes passés de 9 à 5 personnes à l’atelier. Ainsi, nous avons gagné en rentabilité. Tout le sourcing a également été revu. Nous travaillons avec des fonds de stock pour les fils et les tissus. Par contre nous dessinons tous nos jacquards et la maille est tricotée en France par des femmes en réinsertion professionnelle et sociale. Et presque tout est fabriqué en France.
Peut-on parler de Slow Fashion ?
Oui, car l’aspect éthique et social a beaucoup d’importance à mes yeux. D’ailleurs, nous avons écrit notre petit manifeste :
1. S’attacher à explorer toutes les possibilités de création tout en
véhiculant des valeurs et une éthique chères à la marque.
2. S’engager en limitant le gaspillage, privilégier les tissus écologiques
et les savoir-faire locaux, faire travailler des entreprises familiales et
développer des collaborations avec des artistes qui partagent ces
convictions.
3. Aucune collection, capsule, pré-collection, ni collection croisière…
Juste des robes, des vestes, des tops, des jupes, en somme des vêtements
féminins créés au gré de nos inspirations en séries limitées dans notre
atelier parisien.
4. Proposer des pièces exclusives qui allient esthétisme et respect des
enjeux environnementaux et sociaux de notre époque.
C’est génial car cela permet, et surtout impose, de renouveler souvent notre offre et il n’y a pas de gaspillage. Quand une pièce est « out of stock » c’est ainsi ! En outre, pour la cliente c’est un vrai gage d’exclusivité ! Enfin, nous vivons avec des marges honnêtes que nous réinjectons dans le développement produits et dans le service client.
Cela vous a permis d’ouvrir une boutique à Paris ?
Effectivement ! Nous avons voulu revenir à un commerce de proximité. Comme les couturières d’antan avec sa zone de chalandise. Et cela marche. 90 pour cent de notre clientèle est internationale et réside dans le quartier (la boutique de 30 mètres carrés est située 15 rue des Blancs Manteaux, 4e ). En parallèle, nous faisons des rendez-vous commerciaux pour nos clients. Nous ne faisons plus de salons, ils n’ont aucun intérêt. De même nous ne défilons pas, je trouve le modèle désuet. Notre objectif est clair : nous cherchons un modèle de pérennité en procédant étape par étape.
Parlez-nous des collections Iris Cantabri ?
Nous aimons les silhouettes fluides et les matières haut de gamme : coton dévoré, soie, satin, crêpe, mais aussi la passementerie qui est un des savoir-faire de la marque. Blouse (entre 300 et 400 euros), longue robe (450 à 950 euros), jupe courte, chapeau, foulard, ceinture, je ne me refuse rien. Nous faisons aussi du vrai sur-mesure avec des robes de mariée. Quand l’idée est là, on la réalise ! On fait plus vite que le See now Buy now !
Une dernière actualité ?
Nous venons de lancer une offre de cols amovibles en dentelle ou coton. Ils sont disponibles sur notre e-shop et surtout personnalisables à la boutique où ils sont réalisés sous vos yeux en 10 minutes (entre 90 et 120 euros).
Photos : ©Iris Cantabri
Lire aussi :