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Berlin Fashion Week : une édition excitante mais un avenir indécis

Par Weixin Zha

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Mode|COMPTE RENDU
Une bouffée d'air frais à Berlin, les labels Namilia, Litkovska et Sia Arnika. Photos : © Finnegan Godenschweger

Alors que la Semaine de la mode masculine battait son plein à Paris, Berlin accueillait sa Fashion Week du 16 au 21 janvier. FashionUnited a assisté à cette nouvelle édition, riche d'un programme varié. Compte rendu d'une semaine excitante.

Du sang frais

Plusieurs fois au cours des dernières saisons, la Fashion Week de Berlin a été déclarée morte. Pourtant, fin janvier, quelque chose semble avoir changé et nombreux étaient les visiteurs locaux et internationaux à être d'accord sur ce point. Le défilé de la marque berlinoise Namilia, qui compte également beaucoup de fidèles en dehors de l'Allemagne en raison de sa mode provocante et respectueuse du corps, a été un temps fort de la semaine. Le label a présenté une collection puissante, sans compromis et libératrice dans sa forme et son propos – autant de qualités souvent associées aux clubs branchés de la capitale allemande, mais pas à sa Fashion Week.

À noter que certaines marques connues sur le plan international, comme Gmbh ou Ottolinger, ne défilent, jusqu'à présent, pas à Berlin, mais à la Fashion Week de Paris. Deux raisons : d'une part, les acheteurs des boutiques de luxe internationales se rendent dans la capitale française pour passer leurs commandes, d'autre part, il se peut que certaines marques soient encore réticentes à l'idée d'associer leur nom à la Fashion Week de Berlin.

Namilia défile pour la première fois à la Semaine de la mode de Berlin. Image : © Finnegan Godenschweger

« Nous sommes une marque berlinoise depuis sept ans et nous avons déjà défilé à New York », a déclaré après son défilé Nan Li, l'une des deux créatrices de mode à l'origine de Namilia. Elle note qu'il y a, à présent, beaucoup de clients et une forte communauté à Berlin.

« Je suis aussi consciente que la semaine de la mode de Berlin n'est pas comparable à celle de New York, Paris ou Londres, mais pour nous, cela n'a pas d'importance, car nous ne suivons pas tellement le rythme de la mode », a-t-elle déclaré, expliquant sa décision de défiler à Berlin en janvier. « Notre casting, nos gens sont à Berlin, pour nous c'est notre événement. Nous avons juste eu envie de défiler dans notre ville natale ».

À la maison

Namilia n'est pas la seule marque berlinoise dans l'air du temps à avoir défilé à la Semaine de la mode de Berlin. Le jeune label SF1OG a présenté sa collection inspirée d'objets du quotidien au Rotes Rathaus (l'hôtel de ville) ; LML Studio a mis en scène l'inclusion et la mode à la Marienkirche (l'église Sainte-Marie). Tandis que d'autres talents intéressants, tels qu'Olivia Ballard, Acceptance Letter Studio ou David Chuene, ont organisé leurs propres défilés ou étaient présents au sein du Salon de Berlin.

Le Salon de Berlin présente des œuvres de Karen Jenssen, SF1OG et David Chuene. Photos : Julia von der Heide

Ce qui frappe chez ces marques émergentes, c'est souvent leur formation et leur orientation internationale. Les esprits créatifs derrière Namilia, Nan Li et Emilia Pohl, se sont rencontrés alors qu'elles étudiaient à l'Université des arts de Berlin, avant d'obtenir leur master en mode au Royal College of Art de Londres et de revenir à Berlin pour lancer leur label en 2015. À l'époque, il était plus facile et moins cher de lancer une marque dans la capitale allemande, nous a expliqué Li.

Lucas Meyer-Leclère, le fondateur de la marque LML Studio, a conçu des tissus pour Chanel et Jimmy Choo avant de s'installer à Berlin en 2017. Olivia Ballard, née à New York, a fondé sa marque éponyme à Berlin en 2020. Ces marques pourraient être chez elles presque n'importe où, mais ont malgré tout fait de Berlin leur base.

Les scènes artistiques et musicales continuent de nourrir Berlin, a fait remarquer Li. « Je pense que c'est l'une des scènes de la culture jeune les plus puissantes au monde, et elle est absolument parfaite pour notre marque. »

Diversité à la Berlin Fashion Week HW23 : Lou de Bétoly, Fassbender et Odeeh présentent leurs créations. Photos de gauche à droite : © Lina Grün, Finnegan Godenschweger, Lina Grün

L'après-Mercedes Benz

Malgré son attrait culturel, Berlin a eu du mal, ces dernières années, à faire défiler ses plus belles marques de mode. Car il ne suffit pas d'avoir des créateurs de mode talentueux, encore faut-il disposer des structures nécessaires pour les promouvoir et les présenter. La semaine de la mode de Berlin a longtemps été éclipsée par l'image de la Mercedes Benz Fashion Week, qui symbolisait autrefois l'apogée de la mode dans la capitale.

Mais alors que la tente blanche de Mercedes Benz sur la Bebelsplatz (place de Berlin) représentait un esprit d'optimisme à la fin des années 1980, la lassitude du milieu de la mode s'est récemment fait sentir. Étaient montrés du doigt : un mauvais mélange de marques, un trop-plein de vêtements commerciaux, un manque de marques standards.

Aujourd'hui, Mercedes Benz s'est retiré de Berlin en tant que sponsor. Ce n'est qu'avec certaines marques, comme Marc Cain la semaine dernière, que le constructeur automobile souhaite coopérer à l'avenir. Des acteurs berlinois, comme le Fashion Council Germany, y voient une occasion de repenser le positionnement de la Fashion Week. Le rendez-vous du 16 au 21 janvier était donc un avant-goût de ce qu'il est possible de faire.

Sia Arnika a travailler pour Ottolinger et Yeezy avantde créer son label éponyme. Photo : FW23 Collketion © Finnegan Godenschweger

À partir de novembre, les marques berlinoises et les autres acteurs de la mode pouvaient postuler dans trois catégories en vue d'obtenir des prix décernés par de la ville de Berlin. Pour les grands formats tels que le Salon de Berlin, les bourses variaient entre 5 000 et 150 000 euros, pour les événements organisés en magasin et en studio cela pouvait atteindre 5 000 euros, et 25 000 euros pour les défilés de mode et les présentations. Les fashion shows pouvaient avoir lieu au Kantgaragen, mais les marques étaient également libres de choisir l'endroit qu'elles jugeaient le plus approprié.

La créatrice Sia Arnika a par exemple invité le public du défilé AH23 de sa marque éponyme à se rendre dans les salles d'archives (Archiv Hallen) de Berlin-Marzahn. Les murs et les étagères métalliques ont fourni une toile de fond réussie qui a convenablement complété ses créations, lesquelles se concentraient sur les textures et les silhouettes.

Soutien à l'Ukraine

La marque hambourgeoise Fassbender figurait parmi les lauréats d'un défilé de mode. L'année précédente, le label avait également remporté un prix pour défiler à la Mercedes Benz Fashion Week, mais avec un budget plus modeste.

« Avec ce budget, les possibilités sont maintenant complètement différentes et mon souhait a toujours été d'en faire quelque chose de privé et confortable plutôt qu'un défilé classique », a déclaré Christina Fassbender, fondatrice du label éponyme, après son défilé organisé au Kantgaragen. La créatrice a utilisé la somme d'argent pour combiner son défilé à un déjeuner, incitant ainsi les invités à s'attarder durant une Fashion Week trépidante.

Diversité à la Berlin Fashion Week AH23 : Lou de Bétoly, Fassbender et Odeeh présentent leurs créations. Photos from left to right: © Lina Grün, Finnegan Godenschweger, Lina Grün

Les marques établies ont également utilisé le prix pour organiser des shows. La designer Lou de Bétoly a perfectionné l'esthétique du campement à travers des créations subversives au crochet. La collection AH23 de la marque Odeeh a joué avec des motifs géométriques dans le style des sixties. Enfin, les collections de labels ukrainiens, comme Dzhus et Litkovska, ont enrichi l'événement. Ces labels participaient à la Fashion Week en tant qu'invités et leurs frais ont été pris en charge par le Berliner Senat (Le Sénat de Berlin).

Des questions restent en suspend

Fin janvier, la Fashion Week de Berlin a donc démontré sa force de rassemblement sur le plan artistique et créatif. Mais certaines questions entourant l'événement sont restées sans réponse.

Les dates de la Fashion Week berlinoise du 16 au 20 janvier chevauchent celles des semaines de la mode masculine de Milan et de Paris – ce qui est défavorable à un événement souhaitant attirer des visiteurs internationaux. Le fait que les dates ne soient plus en mars et septembre, comme l'année dernière, s'explique par le retour des salons de la mode Premium et Seek à Berlin. Pour ces deux événements, il est important qu'ils présentent les collections entre Pitti Uomo à Florence et avant les rendez-vous de Paris et de Copenhague.

La designer ukrainienne Irina Dzhus crée une mode multifonctionnelle centrée sur l'idée de transformation. Photo : © Finnegan Godenschweger

Hormis la marque de vêtements pour femmes Marc Cain, aucune grande marque commerciale n'a dévoilé sa collection au sein d'un défilé à Berlin. Le groupe de mode Hugo Boss, basé à Metzingen, a présenté un événement pour la dernière fois en juillet 2019, supprimant ainsi un autre rendez-vous attracif pour les acheteurs.

Tout cela soulève une vieille question : pourquoi les labels devraient organiser un show élaboré et coûteux à Berlin ? Et qu'en est-il de l'avenir commercial des labels ? Le modèle choisi par des marques comme Namilia est peut-être une réponse. La marque ne passe pas par les boutiques de mode, mais vend elle-même ses vêtements aux clientes. Elle compte plus de 200 000 abonnés sur Instagram, ne dépend donc pas des acheteurs ou d'une date de défilé dans le calendrier de la mode traditionnelle. Le lieu est moins important, il s'agit plutôt d'utiliser l'événement pour toucher les fans localement et sur les réseaux sociaux.

Malgré cela, la fondatrice de Namilia, Nan Li, pense qu'il est bon que les choses se diversifient dans le paysage de la mode à Berlin. « Ça se renforce et j'espère que de plus en plus de marques cool montreront ici que la fashion week en fait aussi davantage. »

Namilia présente sa collection AH23 à Berlin. Image : © Finnegan Godenschweger

Cet article a initialement été publié sur FashionUnited.de. Il a été traduit et édité en français par Julia Garel à partir d'une traduction en anglais.

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