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Projet et soutenance de fin d'année : les étudiants d'ESMOD partagent leur expérience

Par Aéris Fontaine

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Culture
Soutenance du Postgraduate « Direction de Création Mode & Industries Créatives » ESMOD, 10 décembre 2024 Credits: ESMOD / Jean-Baptiste Pennel

Du 10 au 12 décembre 2024, les étudiants en dernière année du programme Postgraduate « Direction de Création Mode & Industries Créatives » à ESMOD ont présenté leur projet de fin d’études devant un jury de professionnels. Pendant trois semestres, ils ont développé un concept produit et/ou service étroitement lié à la mode, l’accessoire et la culture de manière plus large. Dans cet article, FashionUnited a recueilli les précieux témoignages de plusieurs étudiants, qui ont accepté de revenir sur la genèse de leur projet.

Soutenance du Postgraduate « Direction de Création Mode & Industries Créatives » ESMOD, 10 décembre 2024 Credits: Aéris Fontaine

Choisir un concept unique

En explorant les concepts développés par les étudiants, deux grandes tendances se dessinent. Une partie d'entre eux s'est appuyée sur un profond désir, particulièrement répandu chez les jeunes, de renouer avec soi-même. Cela se manifeste par une plus grande part laissée à l’authenticité et à l’émotion, l’idée étant d’adopter une attitude moins tournée vers le jugement des autres mais sur la quête de son propre confort et bien-être.

« La problématique que je voulais aborder est la surcharge constante que l’on ressent à cause du bruit numérique et des pressions liées au FOMO (Fear of Missing Out). Les gens sont souvent déconnectés d’eux-mêmes car ils sont trop occupés à essayer de suivre tout ce qui se passe. Time to Escape vise à changer cet état d’esprit pour adopter le JOMO (Joy of Missing Out), en se concentrant sur des expériences significatives et des connexions réelles, plutôt que d’essayer d’être partout à la fois », explique l’étudiante Africa Hernandez Martinez.

Une autre partie s’est davantage intéressée au sentiment d’appartenance à une communauté, au sein de laquelle les individus partagent des valeurs similaires, des codes propres. À travers leur concept, les étudiants cherchent alors à redonner la parole à des personnes peu écoutées et valorisées, voire marginalisées. Originaire d’Italie, Sergio Di Primo explique que « South of No North » est né comme une étude, d'abord anthropologique, de « l'identité » d'être du sud, non pas dans un sens analytique, mais plutôt interprété comme un ensemble de cultures façonnées par des traditions et des rites uniques mais partageables, ayant le pouvoir de maintenir vivantes les réminiscences du passé. »

Concept "South of No North" par Sergio Di Primo Credits: Sergio Di Primo

Dans un contexte marqué par les crises socio-politiques, les étudiants d’ESMOD semblent porter un regard engagé et introspectif sur la mode. Du côté des professionnels, on est surpris de voir autant de propositions si sombres, notamment autour de la santé mentale. L’une d’entre elles explique qu’il y a dix ans, les présentations mettaient davantage l’accent sur les voyages, le rêve et l’imaginaire, en bref des choses bien plus joyeuses.

Désormais, les étudiants ne se contentent plus d’introduire des collections poétiques esthétiques. Ils privilégient des projets qui résonnent profondément avec leurs expériences personnelles. Ainsi, la majorité intègre une dimension intime à leur travail, plus ou moins forte selon les étudiants. Carla García-Faya a choisi de centrer sa collection sur la dissociation ressentie par les travailleurs de bureau, contraints de renoncer à leur part créative. « Je parle de la manière dont mon père s'est perdu, abandonnant la peinture, le sport et sa personnalité unique pour devenir un simple (mais aussi extrêmement admirable) travailleur de bureau. »

Certains perçoivent également leurs créations comme des pièces précieuses et rares qui méritent d’être choyées. Sergio Di Primo imagine des objets « qui deviennent les interprètes matériels des rituels » tandis que pour Chiara Martina Lensing, « l’objet design devient un rituel, quelque chose dont on doit prendre soin. »

outenance du Postgraduate « Direction de Création Mode & Industries Créatives » ESMOD, 10 décembre 2024 Credits: Aéris Fontaine

Développer un projet cohérent

Chaque semestre a été alloué à des missions bien spécifiques. Le premier était synonyme de recherche : recherche et définition d’un concept clair mais aussi recherches scientifiques afin d’encadrer la vision des étudiants. Lors du second semestre, ils ont concrétisé leur projet en se rendant sur le terrain, en établissant des contacts avec leurs partenaires et en réalisant des prototypes et des échantillons. Le troisième semestre a été consacré à la finalisation de leur travail ainsi qu’à la préparation de leur soutenance.

Il s’agit néanmoins d’une organisation idéalisée, comme le souligne avec honnêteté l’étudiante Mahima Joshi. « J’ai rapidement compris que le processus créatif n’est pas linéaire mais circulaire, nécessitant de revisiter fréquemment des étapes comme la recherche, le croquis et la conceptualisation. Pour rester structurée, j’ai créé un organigramme général des étapes clés tout en laissant de la place aux ajustements. »

Les étudiants confient que la réalisation d’un tel projet leur a offert de nombreuses opportunités, la principale étant la collaboration avec des professionnels partageant les mêmes valeurs. Pour un grand nombre d’entre eux, cela a également été l’occasion de se tourner vers des acteurs locaux. La durabilité sociale occupe une place centrale dans les valeurs défendues par Mahima Joshi. Cela se traduit par son engagement à « collaborer avec des artisans indiens et à promouvoir l’artisanat indien sur la scène internationale. » Ils ont également pu travailler aux côtés d’étudiants de la section Fashion Business afin de construire un business plan viable.

La phase de développement a également été l’occasion de tester différents matériaux. « J’ai appris que la durabilité ne se résume pas simplement à choisir des matériaux étiquetés comme « recyclés ». Il s’agit de questionner leurs origines, leur composition et leur impact à long terme. Le plastique, même sous sa forme recyclée, reste du plastique, souvent plus nocif lorsqu’il est retraité », confie Andrea Maúrtua. Certains, comme l’étudiante, ont aussi exploré les possibilités offertes par les nouvelles technologies. « J'ai développé une collection avec une forte identité culturelle en intégrant l'intelligence artificielle et la technologie d'impression 3D, en utilisant un filament fabriqué à partir de déchets recyclés de coquilles d'huîtres », explique-t-elle.

Andrea Maúrtua dans le laboratoire de son ami et expert Bruno Tognin Credits: Andrea Maúrtua

Les étudiants déclarent avoir fait face à plusieurs difficultés et défis lors de la mise en place de leur concept. Parmi eux, ils évoquent notamment la coordination d’une équipe, la gestion du temps, la représentation des communautés et des cultures auxquels ils se réfèrent ou encore l’ajustement de son concept face aux imprévus et inattendus.

Présenter leur réalisation devant un jury

Pendant trois jours, les étudiants ont présenté leur concept à un jury composé d’une dizaine de professionnels experts dans le savoir-faire et la technique, les nouvelles technologies appliquées à la mode, la durabilité, la communication, le marketing digital, la stratégie commerciale ou encore la recherche. Interrogée sur le choix des membres du jury, l’école déclare vouloir apporter un regard neuf et ouvert sur les projets du postgraduate en Fashion Design chez ESMOD » avant d’ajouter : « nous cherchons à réunir des profils variés pour garantir une évaluation riche et équilibrée, et à 360°. »

Alors qu'on aurait pu anticiper un sentiment de stress prédominant chez les étudiants, c'est en réalité leur enthousiasme qui a pris le dessus. Ainsi, Sergio Di Primo confie aimer parler de ce qui le passionne. « La soutenance est une belle opportunité de montrer mon travail à des personnes curieuses de le découvrir. » Chiara Martina Lensign partage le même sentiment : « Après plus d’un an de travail, ce projet fait partie de vous. Pouvoir l’expliquer à des professionnels est une opportunité excitante. » De son côté, Carla García-Faya affirme avoir eu pleinement confiance en elle. « Nous avons eu l’habitude de présenter notre projet à d’autres personnes en amont (professeurs, étudiants, proches). De plus, nous finissons par maîtriser entièrement notre sujet. »

Concept NiKai par Chiara Martina Lensing Credits: Chiara Martina Lensing

Après avoir introduit leur concept, les étudiants bénéficient d’un temps d’échange avec les professionnels au cours duquel ils se voient poser des questions et reçoivent des recommandations et conseils.

Beaucoup de projets sont expérimentaux. Malgré la richesse et l’originalité des propositions, les experts soulignent la nécessité de les ancrer dans une vision plus « business » afin qu’ils soient viables sur le long terme. Plusieurs étudiants ont ainsi été invités à trouver un meilleur équilibre entre créativité et praticité.

Les professionnels reprochent parfois à certains concepts de s’adresser à une cible trop réduite alors qu’ils peuvent séduire et toucher un plus grand nombre. « J’ai appris que ma collection a le potentiel de raisonner non seulement auprès des danseurs, mais aussi auprès de personnes en dehors du monde de la danse. En me concentrant sur la résolution d’un problème concret, j’ai, sans le savoir, créé quelque chose qui peut toucher un public plus large. Cela m’a rassuré sur le fait qu’une approche authentique peut dépasser son public initial et susciter un intérêt plus large », soulève Andrea Maúrtua.

Finalement, certains étudiants ont été encouragés à affirmer davantage leur parti pris, qui constitue la véritable force de leur concept.

La grande majorité des futurs diplômés ambitionnent de pousser leur projet plus loin, en leur donnant vie à la suite de leurs études. « Je dois admettre qu'au début du projet, je prévoyais de valoriser mon concept uniquement sur mon portfolio, mais finalement, je sens que je ne peux pas le laisser comme ça », conclut Carla García-Faya.

ESMOD
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