Qui est Faume, l'un des futurs « leaders de la seconde main » en Europe ?
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Mais qui est Faume, l’entreprise avec laquelle les enseignes de prêt-à-porter ne cessent de collaborer ? Depuis quatre ans, la start-up accompagne Sandro, Isabel Marant, Maison 123, Lacoste ou encore Ami dans le développement de leur offre de seconde main. Pour FashionUnited, son président et l’un de ses co-fondateurs, Aymeric Déchin, revient sur le succès de Faume, bien déterminée à devenir l’un des leaders de la seconde main en Europe.
Pouvez-vous revenir sur le début de l’aventure Faume ?
Faume voit le jour en 2020, au moment de la crise sanitaire. Le projet est porté par moi-même et trois autres co-fondateurs : Nicolas Viant, Jocelyn Kerbourc'h et Lucas Patricot. À l’époque, je voulais entreprendre dans le secteur de la mode. Je sentais bien que l'industrie était en pleine transformation, en pleine remise en question et qu'elle allait avoir des grandes opportunités de changement.
J’ai eu l’opportunité de discuter avec des dirigeants de l’industrie de la mode, qui me faisaient part de l’explosion des coûts d’acquisition marketing. Cela devenait, et c’est toujours le cas, de plus en plus cher pour les marques de toucher leurs clients à moindre coût, de réactiver leurs clients à moindre coût.
Et voilà, on sent bien qu'il y avait une forme de business model qui est à bout de souffle et qu'il fallait redynamiser le secteur. En parallèle, le marché de la seconde main dans le monde mais en particulier en France et en Europe, ne cesse de se développer. Là où le marché du neuf est vraiment en stagnation, entre 0 et 2% de croissance par an, le marché de la seconde main est en croissance de 15% par an, avec en France des plateformes comme Vinted, Leboncoin et Vestiaire Collective.
Le marché de la seconde main était alors exclusivement capté par les très grandes plateformes. De fait, les enseignes n'avaient pas de contrôle sur leur image et ne captaient pas de revenus sur les ventes réalisées au sein des plateformes. Elles ne savaient pas qui étaient les vendeurs et les acheteurs de seconde main.
Avec l’aide de nos premiers clients, et Aigle en particulier, nous avons construit une solution technologique pour aider les marques de mode à internaliser la distribution de leur offre de seconde main et à l’opérer sur leurs différents marchés, avec un focus très fort sur l’expérience client.
Comment avez-vous lancé un projet si ambitieux ?
Avec les trois autres co-fondateurs, nous avons des profils assez complémentaires. J’ai un profil d’entrepreneur, avec au départ, des compétences liées au développement, au commerce et à la vente. Lucas lui avait plutôt un parcours en finance et conseil en stratégie. Nicolas maîtrise parfaitement le marketing digital et les leviers d'acquisition et de fidélisation. De son côté, Jocelyn est notre CTO, il s’occupe de toute la partie ingénierie.
Nous avons fait nos débuts dans l’industrie de la mode, un peu par hasard. Nous n’avions pas du tout de réseau et avons appris sur le tas, au fil de discussions avec des personnes qui travaillent chez des marques de prêt-à-porter, aussi bien les CEO, que les directeurs marketings ou encore les responsables RSE. Nous avons passé une année entière à nous familiariser avec ce secteur, pas uniquement du point de vue de la marque, mais également du point de vue de toute la filière pour en comprendre les enjeux.
Faume a bénéficié de plusieurs levées de fonds, essentielles à notre développement. Dès le départ, nous avons souhaité développer une entreprise technologique. Par conséquent, nous avions une proposition de valeur et un produit très ambitieux, puisque nous voulons permettre aux marques d’intégrer facilement et efficacement une solution de seconde main. Cela impliquait de créer un logiciel commerce spécifique à la seconde main, un logiciel de gestion en entrepôt propre au reconditionnement des produits, des outils de pricing et des canaux de distribution personnalisés en fonction des besoins de la marque. Nous avions donc beaucoup d'outils technologiques à développer ce qui impliquait de réaliser un grand nombre d'investissements.
Nous avons donc co-construit notre projet en intégrant nos premiers clients dans le processus. Cela nous a permis de montrer aux investisseurs qu’on avait un produit qui répondait aux attentes des marques. Nous avons ensuite pu améliorer notre produit et répondre encore mieux aux besoins de nos clients.
Au lancement de Faume, quelles sont vos motivations ?
Ce qui nous guide, c’est de développer une entreprise qui propose des solutions en adéquation avec les besoins de notre époque. Et selon nous, les besoins de notre époque, c'est de parvenir à réconcilier croissance et durabilité. À travers Faume, nous souhaitons offrir aux marques de mode la possibilité de poursuivre leur croissance, mais de manière plus durable et décarbonée.
Nous sommes convaincus que la seconde main est une partie de la réponse. Cela rend ce que l’on fait très épanouissant, car nous offrons une solution qui permet aux marques de se développer économiquement, mais qui permet aussi aux marques de se développer de manière durable.
Comment êtes-vous parvenu à engager les marques ?
Nous avons démarré en 2020 avec Aigle, qui a été notre premier client, suivi de Balzac Paris. Et puis ensuite, tout s’est enchaîné rapidement. On a multiplié les clients. Ce qui a, en partie, servi notre développement, ce sont nos premiers clients qui ont participé à nous légitimer et à nous faire gagner en visibilité. Cela a créé un véritable effet boule de neige. Le bouche à oreille a très bien fonctionné puisqu’à date, nous travaillons avec plus de 40 marques sur le secteur du haut de gamme, du premium et du luxe.
Au-delà de proposer des solutions techniques, nous sommes à l’écoute des marques. Nous cherchons à comprendre les besoins de nos clients, afin de leur proposer un service unique. Nous nous adaptons aux enjeux de l’enseigne en fonction de sa taille et des ressources disponibles qu'elle a en interne. Nous nous positionnons également en tant que consultants, en partageant nos bonnes pratiques, car nous avons acquis une expertise dans le secteur de la seconde main.
Finalement, c’est l'accumulation d'ajustements à la fois dans nos actions, dans le discours auprès de nos clients, dans notre capacité à faire des meilleures recommandations à nos marques pour qu'elles communiquent mieux sur le service, à améliorer notre produit et à aider nos marques à mesurer les retombées positives d'un service de seconde main qui a fait qu'à un moment les planètes se sont alignées.
Quelles sont les différences que vous observez entre la seconde main chez les marques premium et de luxe ?
Dans le luxe, il faut travailler la notion de transmission et d'héritage. On cherche à montrer comment un produit de seconde main vient légitimer la qualité des produits dans le temps. Cela implique la construction d’un récit, à travailler différemment, afin de valoriser des produits d'exception.
Il faut amener plus de consistance dans le storytelling des produits et être aussi sans doute plus curatif pour mettre en avant les produits les plus iconiques des marques et ceux qui font la réputation de celles-ci.
Et, quelles sont les retombées pour les marques ?
L’enjeu pour une marque, c’est évidemment de développer sa notoriété pour que les consommateurs achètent ses produits. Cela nécessite de trouver des nouveaux clients, tout en faisant en sorte que les habitués soient réengagés dans la marque car cela coûte toujours moins cher de réactiver un client que d'aller en chercher un nouveau.
Or, avec la seconde main, l’enseigne s’adresse à une nouvelle cible plus jeune qui, dans 70% des cas, achète pour la première fois l’un de ses produits. C’est un levier qui intéresse les marques qui cherchent en permanence à attirer de nouveaux clients et à rajeunir leur clientèle.
Un autre levier est la fidélisation des clients à travers le système de bons d’achats, qui permet aux clients de réinvestir dans la marque aussi bien sur du neuf, que sur de la seconde main. C’est donc un moyen de garder le client dans son écosystème via un service de revente extrêmement simple et intuitif.
Puis, la collecte rapide et simplifiée d’articles de seconde main favorise un trafic en boutique extrêmement qualifié. Les clients n’ont pas besoin de publier une annonce, de négocier avec un acheteur et de prendre en photo les pièces dont ils souhaitent se séparer. Ils peuvent directement les déposer en boutique, et regarder derrière la nouvelle collection et trouver quelque chose qui les intéresse.
Ensuite, on retrouve la nouvelle ligne de revenus. Dès la première année, on se fixe avec nos clients un objectif de 3 à 5% de revenus e-commerces générés par des ventes de seconde main sur un marché donné. Pour certaines de nos marques, la seconde main représente désormais 10% de leur chiffre d’affaires en ligne.
À terme, est-ce que les ventes de seconde main dépasseront celles du neuf ?
Je pense que la seconde main ne remplacera jamais totalement le neuf. Le but, c’est d’allonger la durée de vie des produits afin d'inciter les marques à produire des vêtements de meilleure qualité. Avec la seconde main, on cherche surtout à capter des consommateurs qui achetaient de l’ultra fast-fashion et de la fast-fashion pour les amener à monter en gamme vers des marques de meilleure qualité, à travers un prix de vente attractif. Notre objectif, c’est que les volumes réalisés en seconde main remplacent, à terme, les volumes réalisés en solde.
Aujourd’hui, quelle est la situation économique de Faume ?
Faume embauche aujourd’hui 35 personnes (contre quatre à ses débuts). Nous avons enregistré un taux de croissance de 60% par rapport à 2023. Nous comptons actuellement plus de 40 marques. Nous ambitionnons d’atteindre le palier des 150 d’ici les cinq prochaines années, et que chacune d’entre elle réalise en moyenne plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires sur la seconde main.
Quelles sont vos ambitions ?
Aujourd'hui, suite à nos levées de fonds, nous avons réussi à réaliser une première version de tous les outils dont on avait besoin. Nous allons désormais continuer à développer l'entreprise, acquérir un maximum de marques, mais avec un développement beaucoup plus rentable pour installer l'entreprise de manière durable et saine.
Aujourd’hui, peu de personnes ont le réflexe d’acheter de la seconde main directement chez la marque. Donc l’enjeu, effectivement, c’est de parvenir à mettre en avant de manière très impactante toutes ces offres de seconde main pour développer chez les gens le réflexe d'aller regarder du côté des marques.
Et qu’en est-il de l’international ?
Dès 2020, on a su que la dimension internationale était fondamentale. On a d’ailleurs créé Faume dans cette optique, si bien qu’aujourd’hui nous réalisons 40% de nos revenus en dehors de la France.
Aujourd’hui, on souhaite se concentrer sur l’Europe. Nous avons déployé 80 % de nos clients français à travers l’Europe, en fonction de leurs marchés prioritaires, dont l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et l’Italie où nous sommes bien implantés. On est désormais capable d’opérer au Royaume-Uni, marché sur lequel nous allons bientôt davantage nous déployer avec le lancement d’une marque anglaise iconique.
Chez Faume, nous souhaitons étendre notre produit et devenir le leader européen à court terme. Puis après, une fois que nous serons bien implantés, nous voulons accompagner nos clients sur le marché américain, sur le marché asiatique. Les marques d'aujourd'hui ont une présence très internationale et très globale. Et donc, notre mission, c'est vraiment de les accompagner sur tous leurs marchés.
On est déjà en contact avec pas mal de partenaires aux Etats-Unis. On regarde aussi l'Asie où on a identifié pas mal de propositions de valeurs différentes dont l’on discute avec certains de nos clients. Après, il ne faut pas brûler les étapes.