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Pourquoi l’industrie de la mode a des difficultés à sortir de sa dépendance aux fibres synthétiques

Par Sharon Camara

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Fibre Spinnova. Image : Spinnova

Dans un contexte d’urgence climatique, les fibres synthétiques, qui représentent plus de deux tiers des textiles, sont devenues une cause majeure de la crise actuelle des déchets dans le secteur de la mode. Mais au lieu de diminuer, leur usage ne cesse d’augmenter. Pourtant, la majorité des fibres synthétiques ne sont pas recyclables.

Dans son nouveau rapport intitulé « Synthétiques anonymes 2.0 », Changing Markets Foundation fait la lumière sur le manque de progrès réalisé par l’industrie de la mode pour se sortir de sa dépendance aux fibres synthétiques. L’enquête alerte sur la crise des déchets qui est loin d’être réglée puisque « le secteur ne reconnaît toujours pas la gravité du problème », précise-t-il. Le rapport dénonce également le manque de transparence des marques au sujet des chaînes d’approvisionnement en fibres synthétiques.

Les résultats du rapport remettent clairement en cause les engagements des marques en faveur d’une mode dite « plus responsable ». Les marques de mode se montrent toujours aussi dépendantes aux fibres synthétiques et cela n’a pas évolué au cours de ces cinq dernières années. Pour masquer cet usage que peu assument, beaucoup s’engagent en parallèle à augmenter leur proportion de matériaux dits « durables », notamment les synthétiques recyclés (principalement le polyester et le nylon). « Cependant, les allégations écologiques qui mettent en avant le polyester fabriqué à partir de bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET) recyclées, qui constituent la principale stratégie de durabilité pour les synthétiques, ont fait l’objet d’un examen de plus en plus minutieux au cours de l’année écoulée de la part des autorités de réglementation et des consommateurs (qui se méfient des allégations écologiques trompeuses) », précise le rapport qui dénonce ainsi les pratiques de greenwashing utilisées par les marques, au moyen de déclarations vagues sur des prétendus matériaux « durables » ou « meilleurs », ou sur des fibres « de choix » ou « écologiques ».

Comment mesurer l’engagement réel des marques de mode ?

Pour réaliser son enquête, Changing Markets Foundation a envoyé un questionnaire à 55 marques de mode. Celui-ci portait sur des sujets comme le recours aux fibres synthétiques, les fournisseurs de fibres synthétiques, l’utilisation de fibres recyclées ou encore les engagements en faveur de l’élimination progressive des fibres synthétiques. Les marques et les détaillants ont ensuite été classés en quatre catégories : « chefs de file », « peut mieux faire », « à la traîne » et « zone rouge ». Au total, 31 des 55 marques (56 pour cent) ont répondu à l’enquête. Un taux inférieur à celui de 2021, où 39 des 46 marques sollicitées (85 pour cent) avaient répondu au questionnaire.

Il en ressort que sur les 55 marques et détaillants mondiaux analysés cette année, une seule entreprise (Reformation) a été classée dans la catégorie « chefs de file ». La société s’est engagée à éliminer progressivement les matières synthétiques vierges d’ici à 2030 et à réduire toutes les matières synthétiques (vierges et recyclées) à moins d'un pour cent de l’approvisionnement total d’ici à 2025.

22 entreprises (40 pour cent) se trouvaient dans la « zone rouge », avec peu ou aucune transparence quant à leur stratégie d’utilisation des fibres synthétiques. Parmi les 33 entreprises qui ont déclaré leur volume et le pourcentage de fibres synthétiques utilisées, la marque d’ultra fast-fashion Boohoo a été identifiée comme celle qui a le plus recours aux fibres synthétiques par rapport à sa consommation annuelle totale de fibres (64 pour cent). Elle est aussi la marque dont les produits textiles, dans leur majorité, contiennent le plus de polyester (54 pour cent). 14 des 55 marques (25 pour cent) ont augmenté leur recours aux fibres synthétiques, tant en termes de pourcentage du mélange total de fibres que de volume total sur cette période. Ainsi, dans un contexte d’urgence climatique qui ne cesse de s’intensifier, alors que de nombreux autres secteurs s’efforcent de décarboner leurs activités, un quart des plus grandes entreprises de l’industrie de la mode affichent une dépendance accrue aux tissus produits à partir de combustibles fossiles.

Un quart des plus grandes entreprises de l’industrie de la mode affichent une dépendance accrue aux tissus produits à partir de combustibles fossiles.

Le rapport précise également que la plupart des marques ont tendance à rester vague sur la question du climat. « Si on examine les objectifs climatiques de l’industrie de la mode, on s’aperçoit que les marques ne sont pas aussi ambitieuses que ce que leur avalanche de communiqués de presse et leurs campagnes de marketing “Net Zero” (neutralité carbone) pourraient nous le faire croire ». Ainsi, six entreprises sur 55 (10 pour cent AV) n’ont fixé aucun objectif climatique.

À l’origine de ce rapport, il y a la fondation Changing Market qui, à travers ses enquêtes, dénonce les pratiques jugées irresponsables de certaines entreprises de mode. Aux côtés d’autres associations et ONG, la Fondation lance des actions pour dénoncer les pratiques mensongères et inciter les marques de mode à prendre de véritables engagements.

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