JO de Paris 2024 : un investissement à long terme pour la mode ?
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Les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont indéniablement propulsé l’industrie de la mode sous les feux des projecteurs. Collaborer avec les JO offre aux marques une visibilité sans précédent et optimise les budgets marketing. Pourtant, certains analystes s’interrogent sur la capacité des ventes directes à répondre aux attentes. Est-ce toutefois l’objectif principal ?
LVMH en est un parfait exemple. Bien que partenaire de premier plan, les retours financiers directs semblent pour l’instant limités. Cela interroge sur la capacité des JO à stimuler les ventes. Néanmoins, l’image de marque du groupe s’est considérablement renforcée : LVMH est omniprésent depuis plusieurs mois.
Interrogé sur l’impact économique, Yann Rivoallan, président de la Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin, a déclaré : « Si juillet a été difficile pour la mode française, les JO ont apporté un souffle nouveau. Les ventes ont commencé à remonter dès le 26 juillet, grâce à l’ambiance festive liée aux Jeux ».
Les JO insufflent une nouvelle dynamique à la mode. S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, les premières données d’Algolia et les analyses de la Directrice du secteur luxe chez Kantar Insights, Françoise Hernaez, offrent des premiers éléments de réponse.
Audience record, budget modeste
Premier point marquant de l’échange avec la Directrice de Kantar : les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont réalisé un record d'audience sans précédent. Et cela, avec un budget limité. Près de 54 millions de téléspectateurs français ont suivi les compétitions, un chiffre historique. La stratégie numérique innovante des organisateurs a permis de toucher un public plus large, en particulier les jeunes générations, comme en témoignent les 68,5 millions de vidéos visionnées en seulement quatre jours sur les plateformes numériques.
Ce qui est particulièrement intéressant, c'est de constater que les Jeux de Paris 2024 ont réussi à battre tous les records d'audience avec un budget bien plus modeste que certaines éditions précédentes, selon les données de Statista. Alors que Pékin 2008 et Rio de Janeiro 2016 ont respectivement dépensé 32 et 16 milliards d'euros, Paris s'est contenté d'un budget d'environ 9 milliards – budget qui reste toutefois à confirmer. Cette différence s'expliquerait notamment par une meilleure gestion des coûts et une utilisation plus rationnelle des infrastructures existantes, selon Statista.
Boost de ventes pour les produits sportifs
Et cette audience record exerce déjà une influence notable sur les comportements d'achat, notamment en stimulant les ventes dans les secteurs de la mode et du sport. D'après une récente étude menée par Algolia, plateforme française dans la recherche en tant que service, 42 % des consommateurs sont davantage enclins à acheter des produits promus par des athlètes de haut niveau représentant leur pays. Les collaborations entre Simone Biles et Athleta ou Coco Gauff et New Balance illustrent parfaitement cette tendance.
Amazon s'est imposé comme le leader incontesté de la vente en ligne de produits dérivés des Jeux Olympiques, devançant les sites officiels et les magasins spécialisés au second plan. Toutefois, 56 % des consommateurs déplorent le manque d'originalité et d'innovation de l'offre actuelle. En parallèle, le marché de la revente connaît un boom sans précédent, avec une hausse de 1083 % des transactions liées aux Jeux Olympiques sur la plateforme StockX entre juin et juillet, où les sneakers Jordan 4 Retro SE Paris Olympics sont particulièrement recherchées.
Partenariats et visibilité pour les marques
Cette édition des Jeux a offert aux marques une occasion unique d'étendre leur notoriété à l'échelle mondiale, notamment grâce à des partenariats stratégiques avec des athlètes. Ces collaborations avec les athlètes, qu'ils soient individuels ou collectifs, ont été un levier essentiel pour les marques, qui ont pu toucher de nouveaux publics et renforcer leur image pendant l'événement.
Des griffes comme Louis Vuitton ont ainsi tirer parti de cet événement pour affirmer leur leadership et consolider leur image, note Françoise Hernaez. « Louis Vuitton s'est imposé comme l'un des partenaires les plus emblématiques des Jeux Olympiques de Paris 2024. Selon notre étude Kantar BrandZ, la marque française est reconnue pour son élégance et son leadership, des valeurs qui résonnent fortement avec l'esprit sportif. Ce partenariat stratégique permet donc à Louis Vuitton de renforcer sa position de marque de luxe mondiale et de toucher une nouvelle génération de consommateurs ». Qui plus est, « avec 92 % des ventes de LVMH réalisées à l'étranger, les marques du groupe ont tout intérêt à profiter de la visibilité internationale offerte par les Jeux Olympiques », note Françoise Hernaez.
Nouvelles règles, nouvelles ventes
La France n'est pas la seule à avoir mis son savoir-faire en avant grâce à l’événement. Les marques internationales de la mode ont également laissé une empreinte sur cet événement historique. Ralph Lauren a conçu des blazers aux liserés tricolores pour les athlètes américains, Armani a habillé l'équipe italienne, Stella Jean l'équipe haïtienne, et Actively Black se charge de la tenue de l'équipe nigériane. Même des marques plus confidentielles, comme la maison Michel & Amazonka, qui habille l’équipe de Mongolie, ont massivement fait parler d’elles sur les réseaux sociaux. « Les marques les plus agiles sont celles qui parviennent à s'associer à ces talents montants pour renforcer leur image et toucher de nouveaux publics », poursuit la Directrice.
« Avant 2021, les athlètes ne pouvaient pas être directement associés à une marque. »
Selon la Directrice de Kantar, cette montée en puissance des collaborations s'explique par une plus grande ouverture des comités olympiques, offrant aux marques une visibilité inédite en lien avec le choix des tenues des équipes et des partenariats. « Avant 2021, les athlètes ne pouvaient pas être directement associés à une marque », précise Françoise Hernaez.
Retombées économiques pour Paris et la France
Les Jeux de Paris 2024 sont un catalyseur pour de nombreux secteurs d'activité, dépassant largement le cadre sportif. Ils constituent, ou tout du moins ont le potentiel de l’être, une véritable locomotive pour l'économie française. Selon une étude commandée par le CIO, l'événement pourrait générer entre 6,7 et 11,1 milliards d'euros de retombées économiques pour Paris et sa région sur une période de 16 ans. Au-delà de cet impact financier, les Jeux contribuent à renforcer l'attractivité touristique de la capitale et à redorer son blason, notamment après une année 2023 marquée par une baisse de la fréquentation.
Véritable vitrine du luxe parisien, les Champs-Élysées, attirant près de 300 000 personnes chaque jour, dont seulement 2 % de Parisiens, sont au cœur des enjeux des Jeux Olympiques. L'événement sportif offre une opportunité unique de renforcer l'attrait international de cette avenue emblématique et de consolider le rayonnement de la France à l'échelle mondiale. Grâce à des investissements massifs, notamment de la part de LVMH, les Champs-Élysées se sont métamorphosés en un véritable showroom du luxe.
Malgré les défis posés par la pandémie de Covid-19 ou les divers mouvements sociaux, les loyers pratiqués sur l’avenue ont ainsi connu une hausse significative, indique la Directrice Kantar, attirant ainsi de nouveaux investisseurs étrangers. Ces derniers ont acquis plusieurs bâtiments emblématiques, tels que le siège de HSBC, loué à LVMH.
Des effets à long-terme pour les marques françaises
Ce que souligne Françoise Hernaez, c’est qu’au-delà des partenariats officiels, la mode et le luxe français sont particulièrement mis en avant, avec beaucoup d’efforts dans les boutiques de mode de Paris. « Dans les collections et les pop-up stores liées aux JO, on note beaucoup de références au look français des années 1920, décennie au cours de laquelle Paris a accueilli les Jeux olympiques pour la dernière fois, en 1924. Une référence à une forme parisienne intéressante », analyse Françoise Hernaez.
Les marques françaises ont ainsi toutes les cartes en main pour connaître un essor durable. Si les analystes sont prudents sur l'immédiat, la Directrice estime que le potentiel de croissance est réel sur le moyen et long termes. « Je pense que les cérémonies associées aux JO vont renforcer l’image de l’élégance et de la création française auprès des acheteurs de mode à plus long terme, que ce soient des grandes maisons, ou des petits créateurs », souligne Françoise Hernaez. « Dior a habilement exploité l'aura des Jeux Olympiques en proposant une exposition d’ores et déjà accessible des robes portées par des stars de renom telles que Céline Dion, Lady Gaga ou encore Aya Nakamura lors de la cérémonie. Parallèlement, Daphné Bürki, en qualité de directrice artistique des costumes des cérémonies d’ouverture et de clôture, a mis en lumière des créateurs émergents, comme Jeanne Friot qui habillait la cavalière ou Coperni qui habillait Angèle, leur offrant ainsi une visibilité mondiale et de belles opportunités commerciales. »
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont ouvert de nouvelles perspectives pour l'industrie de la mode. Si les retombées économiques directes sont encore à mesurer, l'impact en termes d'image et de notoriété est indéniable. Qui plus est, ils ont suscité un véritable retour en force de l'élégance à la française. « On assiste à une résurgence des codes vestimentaires d'une autre époque », conclut Françoise Hernaez. Ce retour aux sources, notamment aux années 1920, période où Paris a déjà accueilli les Jeux, interroge. S'agit-il d'une simple référence au passé ou d'une volonté de réinventer l'élégance sportive ? Car parallèlement, l'athleisure, identifiée comme la 5ème tendance par le baromètre Heuritech, se trouve propulsée sur le devant de la scène. Les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont cristallisé l'émergence des nouvelles tendances, celles qui parviennent à marier héritage et innovation.