« Le marché saoudien s’ouvre à la mode masculine contemporaine », Burak Cakmak, Saudi Fashion Commission
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À l’occasion de l’événement Saudi 100 Brands - un défilé au Palais de Tokyo et un showroom à l’hôtel Mona Bismarck -, qui s’est déroulé durant la fashion week Paris juin 2024, Burak Cakmak, PDG de Saudi Fashion Commission, a reçu FashionUnited pour une interview exclusive.
Cette édition de Saudi 100 Brands montre une mode masculine saoudienne plus occidentale ?
Ce pays est toujours une surprise et c’est ce qui se passe avec l’émergence d’un prêt-à-porter masculin saoudien. La clientèle numéro un de l’Arabie saoudite reste la femme, mais il y a un grand appétit pour la mode masculine et des potentielles ouvertures de marché. Historiquement, les Saoudiens s’habillaient de manière traditionnelle, mais la vie locale a beaucoup changé et les occasions de s’habiller à la mode se sont multipliées : festivals, événements, concerts, expositions, etc.
La moitié des Saoudiens a moins de 25 ans. Ils vivent dans le pays ou étudient à l’étranger. Ils ont besoin de quelque chose de nouveau et d’intéressant. C’est ce qui a poussé une nouvelle génération de créateurs locaux, qui a moins de 35 ans, à lancer des marques de prêt-à-porter masculines contemporaines et street wear, qui possèdent des références saoudiennes, même si ce n’est pas perceptible pour un étranger. La spécialité du pays est l’artisanat, dont la broderie, qui n’est pour l’instant pas très visible en men’s wear.
Deux femmes signent des collections masculines, c’est un fait inédit ?
Tout à fait. Pour sa collection éponyme, Noura Sulaiman réalise la première collection haut de gamme pour hommes. D’autre part, la marque KML est cofondée par le duo frère/sœur Hassan.
Comment opérez-vous pour mettre en lumière les jeunes marques saoudiennes à Paris ?
Chaque année, nous accompagnons cent marques qui ont postulé pour les sensibiliser aux réalités du marché international. Nous voulons être sûrs de bénéficier de la meilleure sélection. Dans un premier temps, nous les introduisons via le showroom collectif, Saudi 100 Brands. Nous prenons en charge la location de l’espace, les relations presse, la connexion avec les acheteurs. Les marques assument les frais du voyage.
Celles qui ont le potentiel peuvent ensuite présenter de manière individuelle et indépendante. Ainsi, Shahd Alshehail pour la marque Abadia que FashionUnited avait repéré lors de l’édition précédente a tenu son propre showroom dans le Marais pendant la fashion week Paris juin 2024.
Quel marché ciblez-vous en présentant à la fashion week Paris ?
Présenter à Paris a toujours un effet immédiat une fois rentré chez soi. Quand nous avons présenté la saison dernière, instantanément après le show, des créatrices ont reçu l’appel de clientes qui ont acheté la collection tout entière. Par ailleurs, deux marques ont été sélectionnées par Les Galeries Lafayette. Les premiers acheteurs finaux ont été une Française et une Américaine.
Quid du sourcing et de la fabrication des modèles ?
Nous produisons de la laine qui fait partie de notre artisanat, mais la plupart des matières mass market n’existe pas sur place donc nous devons les sourcer en Espagne, Italie, Portugal, Turquie, Chine, Inde. Le salon du sourcing Première Vision est une destination idéale pour la fabrication d’articles de luxe.
En ce qui concerne la mode féminine, les marques possèdent généralement leurs propres ateliers et boutiques. Elles peuvent produire rapidement pour le marché local et n’ont pas besoin d’expertise. Mais nous venons d’ouvrir la première unité de production à Riyadh destinée au street wear ou au travail du jersey. Nous avons l’espoir que, pour la prochaine présentation, la plupart des pièces exposées seront confectionnées à Riyadh. Les vêtements sont positionnés sur une gamme premium, qui va de 150 à 1500 euros (prix retail).
Organisez-vous des évènements en Arabie saoudite pour signer l’émergence de ce nouveau marché ?
Nous avons inauguré la première Riyadh Fashion Week en octobre 2023. Trente créateurs locaux y ont défilé sur différents segments de marché (prêt-à-porter féminin, masculin, street wear, Couture, bijoux). Cette opération sera renouvelée du 17 au 22 octobre 2024.
Pour mai 2025, nous créons un second évènement focalisé sur les collections resort, au St Regis Red Sea Resort, au bord de la mer Rouge, sur la côte ouest de l'Arabie saoudite. Dans le cadre du projet « Red Sea global », de nombreux hôtels sont en train d’ouvrir et le lieu est en passe de devenir une nouvelle destination touristique internationale. Nous inclurons à cet évènement, qui se tiendra sur trois jours, des marques internationales qui souhaitent s’adresser au marché saoudien. Nous voulons optimiser la présence des marques locales, mais nous désirons aussi augmenter la contribution du secteur de la mode au PIB (Produit Intérieur Brut) du pays.
Quelles conditions proposez-vous aux marques internationales pour venir défiler en Arabie saoudite ?
Ce sera comparable à ce qu’ont les marques qui défilent à la fashion week parisienne et organisent leurs propres évènements. Nous avons mis en place une plateforme web pour communiquer sur ce projet. Les griffes assumeront les frais de voyage et d’hébergement et nous avons une structure pour les mannequins, le make up, la coiffure, la régie, etc.
Pour combien de temps le programme Saudi 100 brands est-il prévu ?
Nous en sommes à la troisième saison et espérons pouvoir en faire au moins deux autres. Notre stratégie porte sur cinq ans, au terme desquels nous ferons un point sur les progrès accomplis et sur quels types de soutien sont nécessaires. Chaque année, nous rafraîchissons le programme d’accompagnement que nous mettons en place.