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Forum de la mode : plein feu sur une mode durable et engagée

Par FashionUnited

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Conception raisonnée, distribution réinventée, communication engagée… N’en jetez plus. Le Forum de la Mode, organisé depuis quatre ans à Bercy par les ministères de l’Economie et de la Couture ainsi que les Fédérations professionnelles, s’est penché cette année sur la mode verte et responsable. Le ton a été donné dès le discours d’ouverture de Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances, scandant : « La mode française doit être verte et durable ».

Et les pistes de réflexion en faveur de nouveaux modèles, tant de production (raisonnée) que de distribution (ad hoc) ont été explorées. Seconde main, marge réduite et distribution au plus juste, pour éviter le gaspillage sont des clefs pour la mode de demain. Comment imaginer, face à la multiplication des rythmes de collections er à la multiplicité des canaux de distribution, une diffusion de plus en plus vertueuse ?

Thomas Huriez, le président-fondateur des jeans 1083 a ainsi souligné que son mode de production (en France donc en circuit court) limitait les invendus : « Nous sommes sur une production de proximité, très réactive qui ne nécessite que très peu de stocks. Par ailleurs, nous ne faisons pas de soldes ni de promotions. Et proposons à nos détaillants de reprendre leurs invendus. In fine, étant donné notre marge réduite, rendue possible grâce au circuit court, nous en avons très peu. Et quand nous avons, nous les revendons en ligne. La proximité a un impact positif immédiat » a-t-il résumé. Par ailleurs, cohérent jusqu’au bout avec une démarche finalement très globale, le jeanneur français privilégie les magasins de centre-villes au lieu des points de vente de périphérie. Avec la volonté revendiquée de participer à la revalorisation et l’animation du commerce au cœur des villes en Régions. « Tout est politique et tout se tient dans un choix de filière » a conclu Thomas Huriez.

Des choix de filière engagés

A côté de lui, Karen Vernet, la directrice du développement e-commerce et des marchés mode homme, mariage et voyage du Printemps a mis l’accent quant à elle sur l’accompagnement très personnalisé et nécessaire au développement de la jeune création (qui, par essence, ne produit pas en grand). Le dernier grand chantier, en 2017, sur le Printemps de l’Homme, a mis à jour plusieurs espaces dédiés aux jeunes créateurs. « Il faut les repérer, les suivre, leur accorder des budgets d’achat, et surtout leur laisser plusieurs saisons pour faire leur preuve. Et donc ne pas être dans une logique de rentabilité à court terme, a-t-elle fait observer. Le Printemps devrait multiplier ce type d’espaces dans les années à venir.

Et va par ailleurs développer les ventes en ligne sur son offre luxe et création. « Nous allons rattraper notre retard et lancer début 2020 un site entièrement et exclusivement dédié au luxe et à la création », a annoncé Karen Vernet.

Dans le même temps, le marché de la seconde main ne cesse de croître, comme le soulignait Sophie Hersan, directrice mode et co-fondatrice de Vestiaire Collective axé sur les produits de luxe (9 millions de membres). « Il y a dix ans, nous étions déjà choqués par la surconsommation. En réalité, nous ne portons que quarante pour cent de ce qu’il y a dans nos dressings » rappelle-t-elle. Tandis que 62 pour cent des consommateurs français ont acheté des produits de seconde main cette année.

La seconde main interpelle la distribution

Ce marché navigue sur une croissance de 12 pour cent, contre 3 pour cent pour le luxe actuellement. De quoi faire des envieux et réfléchir. L’occasion, Le Printemps y pense bien sûr, mais n’est pas encore prêt : « C’est très complexe à intégrer, c’est un business model à part, souligne Karen Vernet. Et puis certaines marques, vendues « full prize » en grand magasin, n’ont pas envie de se retrouver à côté d’articles vendus en seconde main ». Pour autant le grand magasin lance des initiatives « parallèles ». Telle cet été, une collaboration avec Andrea Cruz pour une capsule upcyclées de vingt modèles exclusifs.

Alors que, selon l’Institut français de la mode, un quart des entreprises de mode envisage de définir une plus ample stratégie de développement durable en 2020 (contre 8 pour cent en 2019), la manière de communiquer est également en train de changer dans la filière. Et sur ce point, les jeunes marques, souvent forgées autour d’un Adn engagé, sont gagnantes. A l’instar de Bonnegueule qui a commencé par être un blog de conseil mode pour homme avant d’être une marque, dont le site, ultra-didactique, revendique une production valorisant les savoir-faire, et un mode pérenne. Ou encore d’Asphalte, dont le fonctionnement est précisément de produire au plus juste pour éviter tout gaspillage, et qui prône une consommation maîtrisée. Ou encore d’Esther Manas avec sa marque « body positive » revendiquant l’inclusion « Make Fashion Big again », un manifeste féministe à elle toute seule.

La communication de mode se réinvente autour de sujets durables ou inclusifs

Sur le curseur de la transparence et de la sincérité ces griffes sont au plus haut. Elles savent, parce qu’elles se sont constituées autour d’une démarche engagée, comment communiquer auprès du public… Ce qui n’est pas forcément le cas des marques plus institutionnelles ou des maisons de luxe, qui prennent le train en marche. Et qui ont tout intérêt à ne pas le rater, sachant que la moitié des consommateurs sera représentée par la nouvelle génération, les Millennials, d’ici à deux -trois ans. Cette génération digitale native, si informée, si peu dupe. Communiquer autour du vêtement, des conditions de travail des ouvriers dans le textile, de la durabilité des matières, élaborer une communication de transparence ne va pas de soi. « Il y a trois ans, personne ne voulait en parler », remarquait Guillaume Delacroix, fondateur et dirigeant de l’agence de presse DLX. Aujourd’hui tout le monde veut y venir, mais ne sait pas toujours quel contenu donner à cette communication. Pour certaines griffes, comme Icicle, dont l’Adn se confond avec le respect de l’environnement, ce n’est pas en sujet. La marque, ses valeurs, sont à elles toutes seules un manifeste. Pour d’autres, le tournant marketing et communication est plus complexe ».

Pour autant, le thème de l’engagement peut -être revendiqué par des enseignes « mainstream » comme La redoute, qui collabore depuis de nombreuses années avec de jeunes créateurs. Le phénomène du body positive est par exemple au cœur des valeurs de La Redoute, qui vend beaucoup de tailles 42, 44, 46… et monte jusqu’au 52. D’où l’idée de relier les deux sujets (jeune création et grandes tailles, via une collaboration avec Esther Manas. « Rendre accessible la mode à toutes les femmes est au centre de l’Adn de La Redoute », soulignait Amélie Poisson, directrice du marketing et de la communication de l’enseigne de Vad. Qui capitalise sur ce qu’elle sait faire (ce type de partenariat gagnant-gagnant) et certainement pas sur le développement durable, compte tenu de sa production massive : « On ne peut pas communiquer sur ce que l’on n’est pas », aujourd’hui l’insincérité n’est plus acceptable », explique Amélie Poisson. L’inclusivité en revanche, La Redoute sait faire. En témoigne le succès de sa capsule « About a worker » présentée et partiellement co-créée avec les collaborateurs de son site logistique.

Davantage qu’auparavant, la mode s’empare d’un message, d’une responsabilité sociétale, quels qu’ils soient. Le fait de l’air du temps (au sens propre, celui du changement climatique), et d’une nouvelle génération de créateurs. Plus « entrepreneurs » que leurs aînés, moins polarisé sur l’esthétisme, davantage sur les valeurs.

La mode, par nature, a toujours été le reflet des grands courants sociétaux. Mais de façon souvent passive, agissant justement comme un miroir … ou une éponge s’imprégnant des tendances du moment Aujourd’hui, elle semble plus « pro-active », plus politique. Et la célèbre formule de Karl Lagerfeld (« La mode n’est ni morale ni amorale, elle est fait pour remonter le moral ») pourrait bien … passer de mode. L’époque est compliquée, mais passionnante.

photo : Forum de la mode-crédits Pascal Montary

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