70 ans après sa création, le Comité Colbert continue de participer au rayonnement de la France

Créé en 1954 à l’initiative de Jean-Jacques Guerlain, le Comité Colbert rassemble aujourd’hui 95 maisons de luxe françaises, 6 européennes et 18 institutions culturelles. « On pourrait se dire qu’elles n’ont plus besoin de nous car elles sont implantées à l’échelle mondiale, certaines d’entre elles sont cotées. Cependant, elles trouvent au sein du Comité Colbert un intérêt sur tous les sujets d’intérêt général », déclare la CEO du comité Bénédicte Epinay. Pour FashionUnited, elle souligne le rôle majeur qu’occupe le Comité Colbert en tant qu’acteur transversal dans le secteur du luxe.

Quelle relation les marques entretiennent-elles avec le Comité Colbert ?

Bénédicte Epinay : Le Comité Colbert rassemble des acteurs qui se positionnent sur le secteur du luxe, dans des secteurs d’activité très variés tels que la haute couture, la joaillerie ou encore le patrimoine. Nous organisons des événements internationaux, des expositions entre autres, pour promouvoir le savoir-faire et l’art de vivre français à l’international. Nous entretenons avec nos membres des relations de travail autour des grands enjeux de notre industrie tels que le développement durable, les contraintes réglementaires mais aussi la transmission d’une histoire commune.

Du 4 au 10 novembre prochain, le Comité Colbert inaugure ainsi une exposition de nos artisans à Shanghai dans le cadre de la célébration des 60 ans des relations diplomatiques entre la France et la Chine afin d’emmener les visiteurs chinois dans la découverte des coulisses de nos maisons. Notre propos est collectif ce qui n’empêche pas nos maisons d’inviter leurs VIC pour des visites privées.

Nos actions ne relèvent pas du champ du business, mais de ce que l’on appelle la diplomatie culturelle. Tous ensemble, nous représentons une certaine image de la France, de son histoire, de ses savoir-faire, de sa culture. En réunissant nos maisons, nous témoignons d’un patrimoine collectif là où individuellement, chacun de nos membres ne peut parler que de sa propre histoire. Là réside la force de notre récit.

Il faut comprendre que si tous nos membres sont concurrents, ils se réunissent car ils ont besoin de la mobilisation du secteur tout entier pour promouvoir les métiers de la main.

Comment intégrer le Comité Colbert ?

Il ne suffit pas de payer une cotisation pour devenir membre. Les maisons qui entreprennent des démarches afin de rejoindre le Comité Colbert, doivent répondre à une liste de critères qui ne sont pas tous publics. Elles doivent se définir comme des acteurs du luxe, et non du haut de gamme ni du premium. Il est nécessaire qu’elles soient nées en France et que la création continue de s’y réaliser même si elles sont détenues par des capitaux étrangers. Elles doivent enfin réaliser la majorité de leur chiffre d’affaires en dehors de la France. D’autres critères, plus subjectifs, entrent également en compte.

Les phases de sélection ont lieu deux fois par an, durent en moyenne entre 6 et 12 mois au cours desquels les maisons font l’expérience de plusieurs grands oraux. Nous n’avons pas d’ambition d’expansion, en augmentant de manière significative le nombre de membres. Au contraire, nous avons tendance à défendre une vision « assez orthodoxe du luxe » qui reste exclusive.

De quelles manières promouvoir le savoir-faire en France en 2024 ?

Dès ma prise de fonction [en 2020], les entreprises m’ont fait part de leur difficulté de recruter dans les métiers de la main. Avec une forme d’urgence d’autant plus forte que la plupart de ces métiers sont aujourd’hui occupés par des artisans qui vont partir à la retraite dans les cinq à dix ans à venir. C’est dans ce contexte que nous avons imaginé Les de(ux) mains du luxe. L’idée originale, par rapport à un événement classique d’orientation, consistait à proposer à nos visiteurs de tester leur agilité aux côtés des artisans de nos maisons. Les maisons ont tout de suite adhéré au projet.

La première édition, qui s’est tenue en décembre 2022, a été un grand succès avec plus de 4000 visiteurs. Les artistes ont souvent été invisibilisés, les maisons considérant qu’ils faisaient partie du secret du processus de fabrication et donc qu’il ne fallait pas communiquer sur leur travail. Pour la première fois, ils ont été mis sur le devant de la scène, ils pouvaient parler avec les visiteurs, échanger sur leur métier et montrer leur savoir-faire.

Un an plus tard, en décembre 2023, nous avons franchi le cap des 7000 visiteurs pour la seconde édition. Nous avons conservé la même recette avec un premier jour réservé aux scolaires, suivi de deux jours ouverts au public durant lesquels nous avons été surpris de voir les jeunes revenir avec des amis ou leurs parents.

J’ai décidé pour l’occasion d’innover en matière de communication en misant sur Tik Tok, afin de toucher les jeunes de manière efficace. Nous avons rapidement eu le soutien de la plateforme, qui nous a proposés de créer et de soutenir un hashtag SavoirFaire. Nous avons également développé un mini-site qui avait pour vocation de rassembler toutes les vidéos. Aujourd’hui, l’hashtag cumule plus de 500 millions de vues, témoignant d’un véritable engouement.

Après deux éditions à Station F, nous avons fait le choix d’explorer d’autres régions où nos maisons sont fortement implantées, à commencer par Lyon. Lors de nos recherches de lieu, nous avons découvert que les Meilleurs Ouvriers de France y organisaient en juin leur centenaire. D’où l’idée de concevoir un double évènement à la gloire des métiers manuels car nous défendons le même discours. L’expérience a été mémorable car ils ont bénéficié de notre public et nous avons pu profiter du leur.

Le Comité Colbert va proposer une autre rencontre en fin d’année à Cholet [Pays de la Loire] les 21, 22 et 23 novembre. Il s’agit d’une région de joaillerie, de maroquinerie et de prêt-à-porter réputée pour ses nombreux lycées professionnels. Là encore, nous avons appris qu’il existait un événement bisannuel accueillant 50 000 visiteurs du Grand Ouest : le Carrefour de l’Orientation. Nous nous sommes donc naturellement associés en proposant un espace, devant le Parc des Expositions, dédié à nos maisons et aux écoles de la voie professionnelle qui complètent toujours efficacement le parcours de nos visiteurs.

Depuis près de deux ans, d’éditions en éditions, nous constatons une explosion du nombre de visiteurs qui témoignent de l’appétence pour les métiers de la main. Les maisons, qui reçoivent des candidatures pour des stages de troisième et seconde notamment, sont extrêmement satisfaites. Le climat est bien plus apaisé : les marques nous autorisent à filmer leurs artisans, ce qui n’aurait pas été possible cinq ans plus tôt. De leur côté, les visiteurs sont également enchantés de pouvoir découvrir un univers auquel ils n’avaient jusqu’alors pas accès.