Portrait : Marion Lemaire, actrice engagée pour la filière lin française
loading...
Marion Lemaire, créatrice de la marque de hauts en lin made in France SPL!CE, est une femme bien dans son époque. Ses modèles sont élégants, minimalistes et responsables. Un peu comme elle ! Enjouée et battante, elle porte haut les valeurs du made in France dans le secteur de la confection, filière on ne peut plus polluante pour qui ne surveille pas de près les différentes étapes de la production.
Elle oeuvre, avec d’autres, à la réouverture d’une filature de lin en France. Premier producteur de lin textile au monde, l’hexagone ne possédait plus de filature depuis dix ans.
Un tel résultat ne s’obtient pas sans mal. Il aura fallu des années de réflexion et parfois d’âpres batailles à Marion Lemaire pour faire de SPL!CE une marque qui compte au sein des partisans du Made in France. Retour sur un parcours original et pionnier.
Fille d’un officier de l’Armée de Terre, elle grandit à Paris auprès de ses trois frères et sœurs. Après des études de droit et une maîtrise en informatique à l’époque où internet balbutie encore, elle quitte la France en 1998 avec son futur mari, direction Buffalo, dans l’État de New-York. Elle obtient là-bas son premier boulot dans le service informatique d’une grosse société automobile. « J’y fais mes armes et j’apprends à oser. Entre le choc culturel et le fait d’être aussi loin de chez moi, je devais m’ouvrir aux autres à tout prix ». Après deux ans aux Etats-Unis, le couple rentre en France. Marion fait alors de l’audit pour différentes sociétés bancaires.
En 2010, déjà maman de trois enfants, elle commence à faire particulièrement attention à la consommation familiale. « Nous avons d’abord banni les produits alimentaires non locaux, opté pour le bio, arrêté de prendre l’avion, misé sur l’énergie solaire puis nous avons réduit notre consommation de vêtements pour nous recentrer sur les basiques, si possible fabriqués en France ou au moins en Europe ». En 2010, c’est encore une gageure de s’habiller correctement français, alors Marion commence à imaginer une marque de vêtements 100% fabriqués en France. En parallèle de son métier, elle crée en 2011 Naturellement Petits, une marque de vêtements, dont l’activité démarre réellement en 2016.
De 2016 à 2018, la marque fabrique une petite collection de vêtements pour enfants mais le résultat ne la satisfait pas. Encouragée par les acteurs du made in France dont Thomas Huriez de 1083, un des précurseurs du renouveau français dont elle est toujours proche, Marion Lemaire se recentre sur des basiques pour hommes et femmes en différentes couleurs, le tout dans une matière reine en France… le lin.
Le lin, c’est l’une des grandes histoires d’amour de Marion Lemaire. Matière noble s’il en est, le lin donne du fil à retordre à qui veut le travailler correctement. Mais surtout, la filière navigue en pleine aberration depuis une dizaine d’années. Forte de 140 000 hectares de culture de lin, la France est le premier producteur mondial. Pour autant, Safilin, la dernière filature nationale a dû fermer son site des Hauts de France pour installer ses machines en Pologne en 1995 . « On cultive magnifiquement bien le lin en France mais on ne file plus. C’est inacceptable. Alors, grâce à Thomas de 1083, grâce à Safilin qui veut revenir et à d’autres acteurs de la filière, nous bataillons depuis des années au sein du collectif Linpossible pour ouvrir à nouveau une filature sur notre sol ».
Pari gagné puisque Safilin va revenir dans les Hauts de France dans les mois à venir. Un accomplissement pour Marion Lemaire, dont l’objectif dès ses débuts était de pouvoir proposer un vêtement 100% français. Le pari du local est gagné. Reste à trouver d’autres clients pour la future filature. « Je suis certaine que le luxe qui file à l'étranger et même une partie de la grande distribution vont nous suivre. Plus nous serons, plus nous réduirons les coûts! ».
En 2020, SPL!CE intègre l’accélérateur de PME des Forces Françaises de l’Industrie, un dispositif qui donne aux PME les moyens de se développer pour aider à la réindustrialisation de la France, et dans le cas de Marion, d'oeuvrer toujours plus à la relocalisation de la filière lin française.