Pourquoi la création doit-elle miser sur la transparence ?
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Les organisateurs ne s’attendaient pas à un si vif succès ; la salle est comble : 200 visiteurs et exposants visiblement passionnés, ou en tout cas fortement intrigués, par le sujet mis sur la table ce jour-là. Le 15 septembre dernier, Première Vision initiait sa première Smart Conversation : une masterclass inhabituelle puisqu’elle avait pour thème des sujets bien singuliers portant sur la nouvelle génération de valeurs à intégrer dans les industries de la mode et du textile. A savoir, la « création responsable » qui d’après les experts réunis autour de Philippe Pasquet aurait une importance cruciale pour l’avenir de la mode.
Certes, les marques et les grands groupes sont déjà très actifs sur ces questions, auxquelles ils consacrent des investissements croissants. C’est surement ce qui a poussé Chantal Malingrey, directeur Marketing et Developpement de Premiere Vision, a créer le programme ‘Smart Creation’ afin d’agir à une plus grande échelle auprès de tous les acteurs des différents salons. Ce n’est donc pas une initiative vouée à la seule mise en avant de produits écologiques, mais un programme destiné à mettre en place une stratégie à long terme pour l’ensemble de la filière. L’idée phare : transmettre aux secteurs textiles de nouvelles valeurs dictées par les consommateurs : non seulement la demande de produits éco-compatibles, mais aussi un plus grand respect des conditions sociales dans les domaines de la fabrication et de la production d’habillement. Soutenir et favoriser la diffusion de nouvelles valeurs dans l’ensemble du secteur, bien au-delà donc de simples acteurs individuels.
Le British Fashion Council : un exemple à suivre
Cet engagement est d’ailleurs très fort en Angleterre comme l’illustre la nature historique de l’engagement du British Fashion Council, avec notamment le lancement en 2006 de la plate-forme Estethica, visant à promouvoir la mode durable à la fois au cœur de la London Fashion Week et dans le secteur de la mode grand public. Une stratégie ‘Positive Fashion’ qui vise à incorporer la mode durable à tous les niveaux du projet : business, éducation, numérique/innovation, investissements et image de marque. Caroline Rush, Chief Executive du British Fashion Council explique que le comité stratégique du BFC était constitué de membres en provenance de tous les domaines du secteur, y compris les distributeurs-détaillants high street, tels Marks and Spencer.
Au lieu de repartir de zéro, le BFC essaie d’adopter, de partager et de favoriser les meilleures pratiques. Caroline Rush note que la plus grande difficulté, en général, consiste à identifier les sociétés capables de tenir tête aux grandes marques et de conjuguer une vision conceptuelle forte avec des valeurs de durabilité. Des problèmes que le BFC aborde à travers un système de mentorat qui assiste les petites entreprises dans le développement de leur propre design focus, tout en leur fournissant un support en matière d’approvisionnements et de conformité. Un exemple récent est celui du designer Christopher Raeburn, soutenu par la plate-forme Estethica. En échangeant avec Giusy Bettoni, Caroline Rush a expliqué que le BFC peut aider le marché dans son ensemble en identifiant des espaces d’amélioration, par exemple dans la mise en place des normes de durabilité.
Responsabilité dans la mode : le modèle italien
Pour Carlo Capasa aussi, « l’ avenir sera durable ». Le directeur de la Camera Nazionale della Moda Italiana croit en effet fermement au caractère essentiel de la responsabilité dans la mode. Il a présenté des statistiques selon lesquelles, il y a deux ans seuleme, 2 pour cent des acheteurs exigeaient des critères de durabilité ; aujourd’hui, ce pourcentage est passé à 30 pour cent. Dans un premier temps, la CNMI a réuni, au sein d’un comité, dix grandes marques de la mode italienne (Gucci, Prada, Armani, Ermenegildo Zegna, Valentino, Salvatore Ferragamo, OTB, Loro Piana, Staff International, Versace) pour travailler ensemble à l’élaboration de standards communs pour l’ensemble du secteur. Le premier aspect abordé a été celui de l’utilisation de produits chimiques dans les tissus.
Une étude a été menée sur les fabricants de textiles italiens (ses résultats sont attendus en octobre 2015) pour servir de base aux négociations qui devront aboutir à l’élaboration de standards pour le secteur. A noter que plusieurs fabricants ont déjà pris des mesures qui vont dans cette direction. Par exemple, 27 pour cent des exposants de Première Vision possèdent une dimension durable.
La prochaine étape de la CNMI consistera à aborder les problèmes de la présence de substances chimiques dans le processus de production, mais aussi l’origine des tissus et l’environnement social (usines, bureaux et boutiques). En travaillant avec de grandes marques, l’ambition de la CNMI est de donner l’exemple et d’établir des références pour un cercle vertueux qui obligera d’autres acteurs à appliquer les mêmes standards.
La ‘responsabilité’ peut-elle vraiment s’appliquer à la Fast Fashion ?
Après les présentations des intervenants, animées par Giusy Bettoni, Présidente fondatrice de C.L.A.S.S., conseil en innovation durable pour le textile, la mode et le design, le public a posé des questions très pertinentes qui ont recues des reponses franches et directes. « Comment ces différentes initiatives du secteur s’intègrent-elles avec les actions déjà̀ existantes (par exemple, Greenpeace) ? Les institutions représentées à la conférence ont ainsi répondu être prêtes à collaborer avec toutes les autres structures et initiatives existantes, tout en considérant qu’une nouvelle approche, spécifique pour la mode et issue du « cœur » du secteur, était nécessaire. « La ‘responsabilité́’ peut-elle vraiment s’appliquer à la Fast Fashion ? » Affirmatif répondent les intervenants : les acteurs de la mode grand public et rapide sont en réalité́ des leviers clés pour le changement de valeurs et qu’ils sont d’ailleurs déjà̀ impliqués dans ces initiatives comme l’atteste l’exemple de Marks and Spencer au Royaume-Uni.
La conférence en vidéo :