Vaccarello chez Saint Laurent, toujours personne chez Dior
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Au sein du groupe Kering, les passations se déroulent vite et bien. La passation de pouvoir entre Hedi Slimane et Anthony Vaccarello fut en effet activée avec une fluidité remarquable en l’espace de deux jours. Jugez plutôt : fin du contrat d’Hedi Slimane le 31 mars : annonce de son départ le 1er avril (qui par le hasard du calendrier tombe un vendredi). Petit week end pour laisser aux observateurs le temps d’apprécier l’info. Puis, Lundi matin, annonce chez Versace, sur un ton quasi badin, du départ d’Anthony Vaccarello (qui dirigeait le style de la ligne Versus depuis trois saisons) suivie quelques heures plus tard, de l’annonce, sans emphase excessive, de son arrivée chez Saint Laurent.
Plus fluide, c’est impossible. Surtout si on compare cette passation à celle, inexistante, qui se déroule au même moment au sein de la maison Dior : plusieurs mois après la démission de Raf Simons, la grande maison de couture de l’avenue Montaigne, fleuron du groupe LVMH, reste toujours sans directeur artistique. Un peu comme si le groupe de Bernard Arnault voulait marquer - par ce tempo lent, qui ne se laisse imposer aucun calendrier - la différence d’essence fondamentale qui existe entre LVMH, et ses concurrents.
Dans l’ombre de Slimane ?
Anthony Vaccarello, 36 ans, ancien élève de l'école de la Cambre, lauréat du Festival d’Hyères en 2006, puis du prix de l’Andam, est donc nommé directeur artistique de la maison Yves Saint Laurent. Sa tache sera écrasante. Hedi Slimane, avec le soutien totale du PDG Francesca Belletini, a donné un éclat extraordinaire à la maison parisienne dont l’aura s’était un peu ternie depuis le départ de son fondateur. Un éclat qui s’est exprimé par la notoriété (Slimane, qu’on l’aime ou non, fait parler de lui à l’échelle du globe) et par les chiffres : les ventes furent boostées partout dans le monde. La tache de Vaccarello sera d’autant plus écrasante qu’Hedi Slimane, même parti, laisse une trace profonde dans la maison : un style très particulier tout d’abord, dont Vaccarello pourra s’il le souhaite se détacher à sa guise, mais aussi une direction artistique forte qui s’est exprimée dans les campagnes publicitaires et dans le design des boutiques.
Vaccarello, de gré ou de force, va donc devoir accepter (car le groupe Kering n’acceptera pas, sauf erreur, de réinvestir autant d’argent dans les boutiques) de communier avec l’ombre de son prédécesseur. Son style, sexy et rock, souvent jugé proche de celui de Slimane, devrait lui faciliter le travail.
Quant à Kering, il faut noter que le groupe aura opté, contrairement au cas Balenciaga (qui appartient également au groupe, tout comme Saint Laurent) pour le choix de la continuité et non celui de la surprise. Vêtements chez Balenciaga, c’est disruptif ; Vaccarello chez Yves Saint Laurent, c’est un choix « naturel ». Il faut dire que les enjeux ne sont pas les mêmes. Balenciaga, dans l’organigramme de Kering est classé dans le pole des marques « émergentes », tandis que Yves Saint Laurent, tout comme Gucci et Bottega Veneta, jouit du statut de marque star, un statut justifié par l’ampleur du chiffre d’affaire. Une indication supplémentaire de la lourde mission qui attend Vaccarello.