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Pour la styliste Laura Laurens, la mode peut servir les transformations sociales

Par AFP

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La créatrice colombienne Laura Laurens pose à Paris le 28 novembre 2023. Crédits: Thomas Samson | AFP

Paris - Des tissus utilisés par des militaires et des guérilleros, des teintures venues de feuilles de coca... Les créations de la styliste colombienne Laura Laurens reflètent la complexité d'un pays marqué par des années de violence tout en voulant signifier que la mode peut aussi servir la transformation sociale.

Laura Laurens, 41 ans, créatrice de la marque éponyme lancée en 2014, a exposé mardi à Paris sa manière de concevoir le vêtement à l'Institut Français de la Mode, l'une des principales écoles du secteur.

"Ma responsabilité n'est pas seulement de dessiner une robe hors sol", a-t-elle confié à l'AFP, accompagnée d'une de ses collaboratrices, Anyi Ballesteros, 25 ans, rencontrée au salon d'artisanat de Bogota en 2022.

Anyi Ballesteros appartient à l'association Agroarte, une communauté de femmes tisserandes d'El Tambo dans le département du Cauca (Sud-Ouest de la Colombie).

Le Cauca,l'une des régions les plus troublées du pays, est une zone de production de feuilles de coca et de transit du narcotrafic vers le Pacifique.

Pour lever l'opprobre jeté sur les paysans qui cultivent la coca --ressource économique mais aussi produit de base de la cocaïne--, l'association utilise la plante pour des teintures naturelles.

96 nuances de coca

En cuisant des feuilles et de la farine de coca, il est possible d'obtenir une gamme de 96 nuances, allant du jaune au brun en passant par le vert ou le beige.

L'idée est d'"étendre les usages de cette plante, changer son image et celle des personnes qui la cultivent", selon elle.

Pour confectionner certains de ses vêtements, la styliste a passé des années à recycler des tissus qui avaient servi aux divers groupes armés du pays et aux militaires. Ces uniformes "utilisent tous le même textile", explique-t-elle.

"J'ai pris cette matière tellement stigmatisée et lui ai donné un tour nouveau, j'en ai fait un champ de roses, je l'ai teinte de bleus profonds, je l'ai fait changer de place".

Les vêtements dessinés par Laura Laurens se caractérisent par des formes enveloppantes et dynamiques.

Une robe verte serrée par des noeuds élégants, avec un décolleté où sont tissées des fleurs rouges. Une veste noire aux reflets argentés. Ou des manteaux légers en camouflage militaire mais agrémenté d'imprimés dorés.

Pour la styliste autodidacte, les vêtements racontent une histoire et créent le dialogue.

"Il est si facile d'être séduit par la magie de la mode, ce qui m'intéresse c'est de l'utiliser pour que tout le monde engage la discussion", dit-elle.

Avoir un impact

Par le biais de partenariats, elle cherche à avoir un impact sur les environnements sociaux les plus précaires et marqués par la violence.

Avant de rencontrer Anyi Ballesteros, elle a travaillé avec des femmes transgenres de la communauté indigène Embera-Chami (Sud-Ouest). Les "chaquiras" (figures en perles) de cette communauté ornent dorénavant ses vêtements.

"Grâce à la mode, elles sont maintenant des modèles et des artisans", explique-t-elle.

Après la signature en 2016 d'un accord de paix entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes), la styliste a organisé des ateliers de couture avec d'anciennes combattantes du groupe armé.

Elle a fait de même l'an dernier à Sharpeville en Afrique du Sud avec des survivantes du massacre de 1960, quand la police de l'apartheid (aboli en 1991) avait tué 69 manifestants pacifiques noirs dénonçant les lois de ségrégation, la plupart d'une balle dans le dos.

A Paris, Laura Laurens a cherché à transmettre son message: "la mode est l'un des systèmes qui exclut le plus. Ce qui m'intéresse, c'est d'en faire l'un de ceux qui incluent le plus".(AFP)

IFM
Laura Laurens