Mode et politique : le président Castillo et son chapeau
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Lima - Le président péruvien Pedro Castillo a-t-il mangé son chapeau ? Au plus bas dans les sondages, forcé à un quatrième remaniement ministériel en six mois, il est apparu cette semaine sans le large couvre-chef caractéristique dont il ne s'était jusqu'ici jamais séparé.
Jeudi, M. Castillo a achevé sa troisième journée consécutive sans son remarquable chapeau à larges bords relevés et à haute calotte, typique des paysans de Cajamarca, la région du nord où il est né et où il était instituteur avant d'être élu à la tête du Pérou en juillet.
Ce chapeau blanc était devenu le signe distinctif de Pedro Castillo, presque un porte-bonheur. Il lui a permis d'engranger des voix et de remporter la présidentielle au second tour face à la candidate de la droite populiste, Keiko Fujimori. Mais son couvre-chef a été aussi source de moqueries de la part de ses adversaires et de certains médias car le dirigeant ne l'enlevait jamais, sauf pour aller à la messe.
C'est chapeau vissé sur le crâne qu'il a prêté serment, présidé à moultes cérémonies officielles, dont les conseils des ministres. A chaque rencontre avec un dirigeant étranger et même à la tribune de l'ONU à New York, Pedro Castillo ne s'est jamais séparé de sa large coiffe.
La stupéfaction a été donc grande mardi au Pérou lorsqu'il est apparu pour la première fois en public sans son accessoire habituel lors de la prestation de serment de son nouveau gouvernement, le quatrième en six mois de mandat. La veille, pour tenter de remédier à sa popularité en berne, il avait, selon les médias locaux, rencontré un « coach » en leadership et en développement personnel, Saul Alanya. Ce dernier a confirmé à la radio RPP avoir rencontré Pedro Castillo, mais a soigneusement évité de divulguer les conseils qu'il aurait formulés.
« Je soupçonne que le coach en image lui a conseillé de changer et de commencer par le chapeau. Il pense que maintenant tout va changer dans son gouvernement », a commenté pour l'AFP l'analyste politique Augusto Alvarez Rodrich. « Le problème est qu'il a enlevé son chapeau, mais pas les idées qui étaient sous le chapeau », a ironisé l'analyste, considérant que le manque de leadership de l'ancien syndicaliste est responsable de la fragilité de ses gouvernements successifs.
« Bolsonaro m'a kidnappé »
Cette décision surprise survient également peu après la rencontre, le 3 février, entre le président brésilien d'extrême droite Jair Bolsonaro et son homologue de la gauche radicale. Lors de l'entrevue entre les deux chefs d'État à Porto Velho, dans un geste inattendu, M. Bolsonaro a décoiffé M. Castillo et s'est affublé du célèbre chapeau pour la photo officielle... « Aidez-moi, Bolsonaro m'a kidnappé », a tweeté le compte parodique « Sombrero de Pedro Castillo » (Le chapeau de Pedro Castillo). Des blagues et mèmes ont depuis fleuri sur la toile.
« J'ai mal à la tête rien qu'en pensant à toutes les interprétations/allusions au chapeau absent qui figureront demain dans les colonnes » des éditoriaux, a tweeté jeudi Diego Salazar, journaliste et écrivain péruvien basé à Mexico.
Connu sous le nom de « chotano » ou « bambamarquino », ce chapeau est fait de paille tressée. Sa réalisation, entièrement à la main, peut prendre entre trois semaines et deux mois en fonction de sa taille. Extrêmement résistant, il est porté par les hommes et femmes qui travaillent aux champs, bien que les jeunes générations le délaissent. Son prix moyen est d'environ 2 500 soles (environ 600 euros).
C'est Guido Bellido, un député pro-gouvernemental du parti marxiste Peru Libre, dont est issu M. Castillo, qui lui aurait suggéré de se distinguer des autres candidats en portant ce chapeau et d'en faire son emblème politique. Sous sa casquette de syndicaliste en 2017, à la tête des manifestations d'enseignants où il s'est fait connaître du grand public, Pedro Castillo n'arborait alors aucun couvre-chef.
Le chapeau n'est cependant pas un accessoire nouveau dans l'histoire politique péruvienne. Tupac Amaru II, le dirigeant indien qui souleva les populations paysannes au 18e siècle contre la domination espagnole, était lui-même coiffé d'un chapeau noir pointu devenu emblématique. (AFP)