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Jonathan Saunders chez Dior : pourquoi lui?

Par Herve Dewintre

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Dimanche des Rameaux. Dès le matin, magie de la rumeur, les annonces péremptoires émanant de prescripteurs éminents de la planète mode fusent un peu partout sur les réseaux sociaux : « Jonathan Sanders arrive chez Dior pour succéder à Raf Simons en tant que directeur artistique des collections femme ». Impossible de vérifier l’information à l’heure où nous écrivons ces lignes. On en saura plus ce lundi et il faut, bien entendu, prendre cette annonce avec précaution : rappelons-nous de l’emballement médiatique déraisonnable qui avait accompagné l’annonce récente du départ supposée de Phoebe Philo - annonce fermement démentie depuis en interne chez Céline. Il n’empêche qu’un large faisceau de signaux nous incite à tourner nos regards vers le créateur écossais et à considérer son éventuel nomination à la tête du studio de la plus auguste des maisons de mode parisienne comme hautement probable.

Si LVMH confirme cette information ce lundi, on pourra considérer que le groupe de Bernard Arnault aura pris une décision relativement rapide étant donné que Sidney Toledano, PDG de Dior, avait affirmé (et nous le croyons volontiers) que la maison prendrait tout le temps nécessaire. La maison avait attendu quinze mois pour trouver un successeur à John Galliano. Nul doute que pour une mission de cette importance, Bernard Arnault, Sidney Toledano et Delphine Arnault veillent à soupeser longuement le pour et le contre de chaque nomination. A commencer par celle, évidente, de Hedi Slimane (qui connaît bien la maison) et dont le renouvellement de contrat chez Saint Laurent semble bien incertain. Au final, si Jonathan Saunders arrive chez Dior cette semaine, la maison se sera privée de directeur artistique pendant six mois seulement. C’est beaucoup à l’échelle de temps humain, c’est très peu à l’aune des paradigmes inhérents au monde du luxe, qui par définition aime - et doit - prendre son temps.

Fermeture de son label en décembre dernier.

La rumeur s’est enflammée dès décembre dernier. Elle s’appuyait sur l’annonce, par le créateur écossais lui-même, de la fermeture définitive de son propre label. Une fermeture surprenante dans la mesure où quelques mois plus tard, Eiesha Bharti Pasricha, riche femme d'affaires indienne, avait décidé d’investir dans le capital de ce label afin de lui permettre d’accélérer son développement.

Aussitôt, le célébrissime bloggeur Bryan Boy s’était fendu d’un tweet qui donnait une explication très plausible à cette fermeture inattendue : « Jonathan Saunders chez Dior ? Peut-être. Je connais un créateur ou deux qui a passé l'entretien pour le poste. LVMH leur a demandé de fermer leur ligne. » Il n’en fallait pas tant pour donner envie aux observateurs de passer le CV du créateur à la loupe et de reconnaître que celui-ci était impeccable.

Le premier argument, le plus fort aussi, en faveur du créateur originaire de Glasgow est ce mélange délicieux d’expérience et de jeunesse conjuguées. Son expertise textile incontestable (il est diplômé en design textile de la Glasgow School of Art) n’est pas moins forte que son aptitude au design (il est également diplômé puis de la Central Saint Martins School of Design) ni moins puissante que son sens de la couleur. S’il fonda sa maison éponyme en 2003, cela n’empêcha pas ce workaholic de collaborer avec de nombreuses maisons. Quelques exemples : il fut nommé directeur artistique de la maison Pollini en 2008, puis s'associa à quatre reprises avec Topshop avant de signer en 2010, la collection croisière Escada Sport de la maison Escada, une ligne composée d'une vingtaine de pièces pop acidulées d'esprit Art Déco. Le monde du design lui fait aussi les yeux doux, comme l’atteste par exemple sa récente collaboration avec le Sensatori Resort Jamaica.

Deuxième argument : ses vêtements sont en phase avec la grammaire stylistique de Christian Dior. Sa palette de couleurs est puissante, son éventail de motifs complexe, ses imprimés intenses, et ses silhouettes ponctuent allégrement leur manifeste d’élégance avec des accents rétro. Autant dire que les réinterprétations ne lui font pas peur et qu’il saura vraisemblablement s’attaquer à la ligne Corolle sans aucun problème. Ses nombreuses références aux maitres de la photographie, de la peinture et de l'art contemporain tels que Rudi Gernreich, Gustav Klimt, Irving Penn, Mark Rothko, Jackson Pollock ou encore Erwin Blumenfeld finissent d’insuffler à son vestiaire sophistiqué cette aura arty chic dont raffole Delphine Arnault.

Des recompenses, du talent, et une tribu

Troisième argument : c’est un habitué des récompenses prestigieuses, et il est soutenu par Conde Nast. L’année de son diplôme, en 2002, il remporta le Lancôme Colour Award pour les imprimés de sa collection de fin d'étude inspirés par la pochette de l'album Yellow Submarine des Beatles. 48 heures plus tard, il intégrait la maison Alexander McQueen où il signa le Bird-of-Paradise, un imprimé emblématique de la collection du printemps-été 2003, qui fut d’ailleurs décliné quelques années plus tard pour la collection du printemps-été 2008. Il remporta successivement le prix du Scottish Designer of the Year aux Scottish Style Awards en 2005 puis celui de la Fashion Enterprise of the Year par le British Fashion Council en 2006. Le British Fashion Council / Vogue Fashion Fund lui décerna une bourse de 200.000 £ destinée au développement de la marque à l’internationale en 2012. Enfin, il reçut le prix du meilleur créateur de collection homme de l’année aux GQ Men of the Year 2013.

Enfin, dernier argument, et non des moindres, il a sa tribu, ce fameux réseau médiatique dont chaque designer désireux de prétendre aux fonctions les plus éminentes doit disposer désormais, afin de l’offrir en package à son employeur, en plus de son talent. Celui de Jonathan Saunders, qui maitrise pleinement les outils de son époque, est considérable : il s'est entouré d'une clientèle de prestige d’horizons diverses(Michelle Obama, Kate Middleton, Madonna, Kylie Minogue) et a noué des liens avec les filles les plus en vue du moment (Alexa Chung, Kate Bosworth, Sienna Miller, Cara Delevingne, Naomi Campbell). Brillant, travailleur, jeune, connecté : un homme complet.

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