Avec l'insatiable Maurice Renoma, la contre-culture en majesté
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Gainsbourg en rayures tennis, Jane Birkin en porte-jarretelles sous blazer, Dutronc en costard ceintré, Andy Warhol en blouson multipoches, c'est lui! Maurice Renoma, styliste emblématique des sixties et seventies, s'offre à 78 ans une rétrospective célébrant 60 ans de contre-culture.
A l'affiche de l'Espace Bernard-Palissy de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), le "tailleur des minets" devenu aussi un photographe reconnu au croisement de tous les arts, met en scène un "carnet de voyages" dédié à ses passions.
Mode, photo, street-art, musique, danse, peinture, graphisme...: avec "Art Tribute", Maurice Renoma célèbre les multiples formes d'expressions qu'il s'est approprié, au fil d'un parcours atypique toujours en mouvement.
"J'aime découvrir. La curiosité a toujours été mon moteur et continue de m'attirer vers toutes les disciplines", confie-t-il à l'AFP.
"Le tissu m'a amené à la mode, la mode à la photo, et ainsi de suite. Je suis en permanence à la recherche de nouveaux médiums", ajoute celui qui a bousculé la mode dès 1957 en s'initiant au métier de tailleur, et en créant des premiers vêtements à contre-courant dans un recoin de l'atelier de confection de son père.
Précurseur du style androgyne, il signe des costumes ceintrés aux couleurs franches, des pantalons taille basse qui deviennent l'uniforme des "minets".
Deux ans plus tard, Renoma devient une griffe enviée, propulsée par le réseau de Maurice qui vient d'avoir 19 ans, habitué du Golf Drouot et du Drugstore des Champs-Élysées.
"Les vêtements ceintrés donnent de l'allure aux hommes, comme aux femmes. En ceintré, les jeunes se sentent bien dans leur peau, avec plus d'assurance", défend toujours Maurice Renoma.
Dès le début des années 60, le showbiz et même les politiques s'habillent en Renoma, de Gainsbourg, l'égérie maison, aux Beatles, en passant par Dali, Valéry Giscard d'Estaing et même François Mitterrand. Conçue comme un showroom, la boutique de la rue de la Pompe (dans le 16e) devient un endroit branché.
Transgression et expérimentation
Malgré un développement international avec des centaines de boutiques, Maurice Renoma lèvera le pied à la fin des années 80.
"Je n'ai jamais voulu être esclave de la mode. Sortir des collections tous les deux mois, c'est de la folie. Le marketing a tué le plaisir et l'envie. J'ai refusé d'entrer dans le système", explique Maurice Renoma.
"Je suis un indépendant farouche. Ceux qui ont vendu leur marque ou s'associent à des actionnaires, disparaissent ou finissent à l'asile! Quand on veut toujours plus de chiffre, on ne prend plus de risques. Moi, j'en ai toujours pris!", dit-il, se décrivant comme "l'un des derniers dinosaures de la mode".
Troisième génération de tailleurs, sa fille Stefanie Renoma assure la relève sous sa propre griffe avec des clientes tout aussi célèbres dont Julie Depardieu, Isabelle Adjani et Brigitte Macron.
Féru de transgression et d'expérimentation, Maurice Renoma se découvre un talent de photographe au milieu des années 80 : "J'ai voulu trouver d'autres moyens pour m'exprimer. La photo a été l'occasion de voir les choses autrement".
Là aussi, son style iconoclaste lui ouvre les portes de la reconnaissance artistique. Parmi ses photos les plus célèbres, ses personnages à têtes d'animaux.
"La photographie m'aide à montrer ce qui m'étonne, ce que je ressens... Je voulais entrer dans la matière, faire des photos indémodables", dit-il.
Du 8 au 24 mars, "Art Tribute", exposition multimedias, rendra notamment hommage au street-art, "mode d'expression et de revendication", et à la punk attitude, "revanche de ceux qui ne savent pas chanter mais qui ont la rage d'en découdre".
Maurice Renoma qui fait revivre aussi en photos le mythique Chelsea Hotel, rendez-vous des artistes à New York, organisera à Boulogne-Billancourt plusieurs concerts avec le jazzman Hugh Coltman et la chanteuse Barbara Carlotti pour un hommage à Gainsbourg.
Le styliste a invité aussi l'artiste numérique Alex Augier et le Jeune Ballet Européen de Nicole Chirpaz. La Nouvelle vague, un temps contre-culture du 7e art, sera aussi à l'honneur avec des hommages à Jean-Luc Godard, Eric Rohmer et Jacques Rozier.(AFP)