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Sur les podiums et dans les clubs, Berlin enchaîné, Berlin libéré

Par AFP

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Ronen Shaham, ingénieur technique de Los Angeles, et sa partenaire Lulu Neel posent après la présentation du label The Code pendant la Fashion week à Berlin le 14 juillet 2023. Credits: TOBIAS SCHWARZ / AFP

Berlin - À chacune de ses virées à Berlin, Ronen Shaham ressent la même bouffée de liberté, qui lui permet de troquer ses habits d'informaticien pour un style beaucoup plus personnel : top en résille, collier à rivets et jupe fendue.

Réputés dans le monde entier pour leur extravagance, les clubs de la capitale allemande ont accompagné le développement d'une mode sans tabou, inspirée des codes du fétichisme, qui fait la part belle au cuir, au latex, à la transparence, aux accessoires qui piquent, pincent, sanglent.

Ce "fetishwear" a ses boutiques, ses créateurs, ses soirées et occupe une place de choix dans les deux grandes fêtes de l'été : la Technoparade, qui s'est déroulée début juillet, et la Marche des fiertés, l'une des plus grandes d'Europe, qui se tient samedi.

C'est cette période estivale qu'ont choisie Ronen Shaham et sa compagne Lulu Neel, installés à Los Angeles, pour un nouveau séjour à Berlin. La ville les a séduits il y a trois ans quand ils y ont découvert la communauté de clubbers "les mieux habillés que j'ai jamais vus", raconte Lulu.

"Je voulais être habillée comme ça", raconte la jeune femme, spécialiste en création graphique 3D. Ce soir-là, venue assister à un défilé organisé par le jeune label de clubbing The Code, elle porte autour du cou une corde noire parée d'anneaux métalliques tombant sur le décolleté de sa robe à fines bretelles.

Pourpre et noir

Avec Ronen, ils ont affiné leur look au fil des voyages à Berlin. Lui dit aimer le latex, la résille, les harnais et "qu'on puisse voir (ses) tatouages". À Berlin, "on peut être comme ça, sortir dans la rue, monter dans un Uber et se sentir libre. À Los Angeles, ce serait impossible", assure le développeur informatique âgé de 45 ans.

"Les clubs, les soirées, les magasins qu'on trouve ici, nos clients étrangers nous disent qu'il n'y rien de similaire à Paris, Rome, Milan, en Argentine ou en Nouvelle-Zélande", affirme Gisela Braun, dont la boutique Schwarzer Reiter – Cavalier noir –, ouverte il y a 14 ans, est l'un des temples de la mode fétichiste à Berlin.

Intérieur pourpre et noir, longue vitrine exposant sans complexe ses produits sur une artère centrale : le magasin ne se cache pas et invite les clients à faire de même. "Nous voulions un lieu où ils se sentent à l'aise, où on lève les inhibitions, avec une touche de luxe et d'élégance", explique Mme Braun. Dans un atelier attenant à la boutique, Schwarzer Reiter coupe, coud, assemble ses propres collections d'accessoires, notamment en cuir, qui ont contribué à sa réputation chez les noctambules.

"Quand les clubs ont rouvert après la pandémie, on a eu des queues devant la boutique pendant plusieurs mois, les gens attendaient parfois 40 minutes", se souvient Mme Braun. Depuis la pandémie, la mode témoigne d'un "énorme besoin de rattrapage sur tout ce qui est charnel, sauvage", observe Carl Tillessen, expert à l'Institut allemand de la mode (DMI).

Décomplexés

La haute couture ne fait pas exception avec, depuis un an, des présentations débridées chez les grandes marques : Diesel a offert jouets sexuels et préservatifs pour ses dernières collections, Tommy Hilfiger a fait défiler un mannequin en look SM, fouet en main, les shorts Prada en cuir noir semblent tout droit sortis d'une "party" berlinoise.

Pour Augusto Talpalar, joailler argentin de 34 ans, ce n'est "pas une mauvaise chose" que cette mode arrive aux yeux du grand public. "Tout ce qui devient populaire est mieux accepté par la société", souligne-t-il en regardant évoluer les mannequins du défilé The Code.

Co-organisateur de l'événement, Christopher Bauder, 50 ans dont "plus de 20 dans les clubs techno sombres" de la capitale allemande, se dit épaté par la jeune génération : "Il y a un naturel dans leur façon de gérer leur corps, leur sexualité, leur style vestimentaire".

"Porter des vêtements minimalistes ou même être nu, c'était autrefois quelque chose de très spécial, réservé à certains clubs, certaines situations. Aujourd'hui, c'est tout à fait normal à Berlin", jure le plasticien multimédia. "Tu peux le faire à chaque fête. Je trouve ça super". (AFP)

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