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Savoir-faire français : le tannage de la peau d'autruche

Par AFP

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Neussargues en Pinatelle (France) - Un air d'Espagne dans un petit coin du Cantal : avec son accent qui chante, Jorge Soler est intarissable sur le tannage de la peau d'autruche, un savoir-faire précis et délicat qu'il est le seul à maîtriser en France.

Son « showroom », installé dans l'ancienne école maternelle de Neussargues-en-Pinatelle (Cantal), village de 1 800 habitants, est aussi insolite que le personnage.

Lorsqu'il pousse la porte, le visiteur tombe nez-à-nez avec un imposant taureau empaillé qui trône au milieu d'une pièce où les peaux de bovins côtoient les têtes de chevreuil et autres bêtes à cornes exposées aux murs. Car Jorge Soler, arrivé de Barcelone en 2008, est également taxidermiste.

D'abord installé à Nîmes (Gard) cet amateur de corridas rejoint finalement Neussargues-en-Pinatelle où il acquiert un atelier à côté des abattoirs du village. Il y poursuit son activité de taxidermie et de tannerie.

Puis l'aventure commence en 2017 lorsqu'un éleveur d'autruches lui propose de s'essayer au tannage de ce cuir très recherché que les grandes maisons de luxe font souvent venir d'Afrique du Sud, premier producteur mondial de ces volatiles.

Pendant un an, il « bousille » plusieurs peaux, « une catastrophe », se souvient-il. Mais il persévère jusqu'à parvenir à un produit impeccable, sans accroc.

Le chaleureux quinquagénaire à la barbichette poivre et sel montre avec fierté un portant où sont soigneusement rangées plusieurs peaux d'autruche, brillantes et perlées.

D'environ un mètre de côté, ces luxueux carrés de cuir aux couleurs variées sont utilisés pour la petite maroquinerie ou les bracelets de montres. Ils peuvent être décorés « sur mesure » affirme le Barcelonais.

Teinture « sans métal »

« La peau d'autruche est un cuir très délicat et en même temps très résistant. Le plus compliqué, c'est d'arriver à faire un écharnage (enlever les chairs) manuel, artisanal, sans casser les picots - la perle de la peau comme on l'appelle - qui supportent la plume », explique-t-il.

Ces picots donnent son aspect perlé à la peau, caractéristique du cuir d'autruche. « Le risque c'est de faire des trous, la peau est alors invendable » selon lui.

Dans la salle de dépouillage, ouverte aux quatre vents -il y fait jusqu'à -7 degrés l'hiver- et imprégnée d'une odeur pestilentielle, la première étape consiste donc à débarrasser la peau de son épaisse couche de graisse. Avec un couteau, Jorge Soler -bottes et grand tablier blanc- découpe habilement les morceaux de chair pour les séparer de la peau, étendue devant lui sur un instrument en bois qu'il a lui-même fabriqué, à partir d'un tronc d'arbre poncé, fixé à un support métallique.

Ensuite direction les foulons, grands tonneaux en bois pivotant comme des moulins pour tanner les peaux.

Vérification du PH, teinture, surveillance régulière : le tannage proprement dit représente « entre huit à dix heures de travail. On se relève le matin, le soir et parfois la nuit » raconte Olivier Tible, l'un des trois employés de la « Maison Soler ».

La poudre des teintures est garantie « sans métal » : pas de chrome, pas d'aluminium. Et la petite entreprise s'est lancée dans la construction d'une station d'épuration « zéro rejet toxique » qui doit être opérationnelle en 2020.

« De la peau salée brute au produit fini, il faut environ un mois et demi, deux mois de travail », assure M. Soler. Désormais, une dizaine d'éleveurs désireux de favoriser les circuits courts font appel à lui.

Mais il ambitionne de vendre ses peaux finies directement aux maroquiniers, mettant en avant le « made in France », voire de produire lui-même de la petite maroquinerie. « Nous avons les capacités de fabriquer 2 500 à 3 000 peaux par an », assure-t-il.(AFP)

Photo : Unsplash

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