Quand les Japonais réapprennent la mode US classique aux Américains
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Le succès actuel de stylistes comme Todd Snyder à Tokyo confirme l'engouement ancien des Japonais pour la mode classique américaine, dont ils reprennent les rugueuses matières pour créer des collections dotées d'une touche toute nippone.
Snyder, 47 ans, originaire de l'Iowa, a ouvert trois magasins dans l'archipel en moins de deux ans, et suscité un boom créatif. Une nouvelle génération de couturiers japonais adaptent la toile de jean et le plaid pour lancer leurs propres modèles sur la scène internationale. L'histoire de la mode américaine au Japon a commencé avec Kensuke Ishizu, dont la griffe Van a révolutionné le style de la jeunesse asiatique à l'aube des années 1950 en lui conférant l'allure des étudiants de la côte Est des Etats-Unis. "Les Japonais sont des disciples de la plus pure espèce, ils analysent les choses dans les moindres détails jusqu'à la maîtrise parfaite", explique à l'AFP Nick Wooster, ancien directeur de la mode masculine chez Bergdorf Goodman et Neiman Marcus. Des petites boutiques de Tokyo sont une véritable caverne d'Ali Baba pour les collectionneurs (dont un grand nombre d'étrangers) avec leurs stocks de vêtements American vintage, de sweat-shirts des grandes universités de l'Ivy League et autres raretés. "Les Japonais comprennent probablement mieux la mode classique américaine que les Américains eux-mêmes", juge M. Wooster.
Quand les japonais donnent une leçon de mode aux américains
En dénote l'expansion de l'industrie de la toile denim au Japon, au point que même le styliste Snyder se fournit auprès d'usines de l'archipel. Yuji Takahashi, acheteur de vêtements d'hommes pour les grands magasins Isetan, salue le savoir-faire des fabricants de denim du pays avides d'innovation. "Ils sont tellement passionnés par la création de nouveaux produits et l'envie de briser les normes. Cela encourage vraiment les créateurs et, ensemble, ils sont capables d'imaginer de nouveaux produits qui n'auraient sans doute pu voir le jour ailleurs". En témoignent les denim à carreaux et patchwork cousus mains et autres trouvailles de griffes comme Visvim et Yasuhiro Mihara. Leurs efforts pour rendre les coutures plus résistantes leur valent les faveurs des grands magasins comme Barney à New York et Browns à Londres.
Pour le couturier américain Snyder, qui voyage au Japon depuis des années principalement pour repérer les produits américains vintage, le pays est une source d'inspiration. "Ils sont si profondément soucieux de faire à la main qu'il est toujours émouvant de rencontrer nos fabricants et de voir le respect qu'ils ont pour la manufacture", a déclaré à l'AFP M. Snyder après son défilé lors de la Semaine de la mode à Tokyo. "Les gens se soucient vraiment de l'authenticité ici. Il ne s'agit pas seulement de traquer la prochaine tendance, mais aussi de valoriser le passé". Yasuhiro Mihara, créateur de la marque homonyme, aime justement travailler avec un jean et d'autres tissus durables parce qu'ils changent d'aspect avec le temps et sont ainsi vivants. "Je ne voulais pas créer des sculptures ou des peintures (pour un musée), je savais que je ne voulais pas créer quelque chose que les gens ne pouvaient pas toucher de leurs propres mains", a expliqué à l'AFP cet homme formé à l'origine aux beaux-arts. "Au Japon, on trouve la beauté dans les choses qui dépérissent. La toile denim se fane avec l'usure, mais ne perd pas son attrait, elle en devient même plus belle". (AFP)