• Home
  • Actualite
  • Mode
  • Pandora: saga d’un succès hors norme

Pandora: saga d’un succès hors norme

Par Herve Dewintre

loading...

Scroll down to read more
Mode

Extraordinaire est le mot qui vient à l’esprit quand on compulse les chiffres liés à cette marque relativement jeune. Jugez plutôt: en trois décennies, cette petite entreprise de bijoux fondée à Copenhague s’est hissée, sans faire de bruits, doucement mais surement, sur le podium des plus grandes entreprises de joaillerie du monde. C’est simple, le bijoutier se situe depuis plusieurs années consécutives, derrière Cartier et Tiffany, avec un chiffre d’affaires prodigieux de 1,6 milliard d’euros.

Comment ce fabricant danois de bijoux réussit-il à battre régulièrement des records à grands coups d’objectifs annuels revus à la hausse ? L’histoire débute dans un modeste quartier de Copenhague en 1982. Un couple d’orfèvres, Per et Winnie Enevoldson, importent des bijoux de Thaïlande. Ils sont grossistes. Ca marche bien et même très bien. Mais le couple fondateur veut mieux contrôler la production. A la fin des années 80, ils ont alors l’idée d’ouvrir leur propre entreprise, là bas, en Thaïlande, au cœur de l’incroyable Gemopolis, à 700 kilomètres au Nord de Bangkok. Le choix est raisonné : la Thaïlande figure dans le top dix mondial des fabricants de bijoux-joaillerie. Le sens de l’esthétique est ancré dans la culture du pays. Les gisements de saphirs ont donné naissance à une importante industrie de taille. C’est un centre mondial pour l'industrie des pierres de couleurs. Les couts de production sont faibles, le savoir-faire local est remarquable. Deux designers, Lone Frandsen et Lisbeth Larsen s’active alors à définir le concept et le style des bijoux : des bijoux, les fameux charms, à accrocher autour d’un bracelet. Les prix d’achat public sont très accessibles, les matériaux sont pourtant précieux.

Pandora joue la transparence sur la production

Nous sommes en 2000. Le succès est total, fulgurant, quasi exponentiel. Le public accroche tout de suite au concept de ce bijou personnalisable. D’autant plus que la marque n’est pas intimidante, veille à maintenir l’accessibilité de ses produits, fait ce qu’il faut pour « gagner des parts de poignets, de doigts, d’oreilles, de cou », et plus singulier, communique volontiers sur son site de production.

Le site de production : un mot sur Gemopolis tout d’abord: imaginer une cité remplie d’or, d’argent, de matériaux précieux, une cité dont l’enceinte hautement sécurisée borde une zone franche aux dimensions pharaoniques au cœur de laquelle 130 sociétés vouent leur activité à la fabrication du bijou. Le site Pandora : une ville dans la ville. Une ville aux couleurs de Pandora. Il y a une télé locale Pandora, des bus Pandora, des gobelets Pandora, des vêtements de couleurs différentes pour marquer le grade de chacun (à la production on porte une chemise rouge, les femmes enceintes sont en bleu clair, un responsable aura les manches grises, son chef des manches noires, etc.).

Voilà pour l’aspect pittoresque, mais plus profondément, au delà de l’anecdote, il faut bien constater que se manifeste dans ces vastes bâtiments une importante mise en œuvre de “process” dédiés au bien-être des employés. 13 lignes de bus « maison » permettent aux salariés de venir et rentrer gratuitement chez eux, un petit supermarché́ vend les produits de première nécessité́ bien moins cher qu’à Bangkok, une kyrielle de formations est constamment proposée, une bibliothèque est mise à disposition, les congés maternité sont, de manière notoire, plus généreux qu’ailleurs, l’air est conditionné. Tout ça pour dire qu’ ici, où les équipes (jour-nuit) travaillent 48 heures par semaine (contre 82 heures dans le reste du pays) avec un week-end de repos, il n’y a jamais eu de grève, contrairement aux autres usines.

Voici pour la production. En ce qui concerne les ventes, les chiffres sont tout aussi démesurés. Il y a certes eu un petit creux en 2011 et 2012 car la marque a voulu monter en gamme, le public n’a pas suivi. Une erreur vite corrigée, et depuis, les résultats flambent. Le chiffre d’affaire progresse de 35 pour cent en 2013. L’année suivante, le joaillier revoit plusieurs fois à la hausse ses objectifs annuels après un bond de 24,6 pour cent de ses ventes au troisième trimestre, où sa marge opérationnelle atteignit 35,9 pour cent. Enfin, l’année dernière, la marque put s’enorgueillir au 2ème trimestre d’un CA en progression de 41,4 pour cent comparé à 2014. Certes, cette croissance est en partie alimentée par les ouvertures de magasins (pas un mot ne filtre sur l'évolution à périmètre comparable), il n’empêche que l'entreprise est très rentable, avec un bénéfice net de 416 millions (+39,5 pour cent), et une marge d'exploitation (Ebitda) de 36 pour cent. De quoi tenir la tête haute devant les géants du luxe.

Coté collections et points de vente, la stratégie semble graver dans le marbre : si les prix sont accessibles, pas question de parler de bijouterie fantaisie pour autant. Outre les pierres (la maison utilise chaque année deux milliards de pierres ensuite serties à la main) Pandora utilise de l'argent et de l'or à 14 carats, contrairement à la bijouterie fantaisie qui emploie un métal commun et des procédés industriels. Ici seules les quantités sont industrielles, la fabrication elle, est artisanale.

En boutique, pour faciliter l’acte d’achat, la plupart des charms et bagues peuvent être essayées sans l'assistance d'une vendeuse. Les bijoux restent attachées à un filin extensible où les prix sont affichés. Très pratique pour en essayer plusieurs en même temps. Ca tombe bien, ces bijoux au design mode supportent très bien la superposition : ils ont même été conçu pour : les designers maison dessinent des collections pour inciter les clientes à porter trois bagues harmonisées à un même doigt, ou cinq colliers à la fois. Depuis 2013, la marque multiplie les collections et calque son rythme sur celui d’H&M.

La France, un marché tardif pour Pandora

L’entreprise fit son premier carton tout d’abord aux Etats Unis (qui reste son premier marché) puis en Australie et en Allemagne. On peut dire grosso modo que Pandora réalise aujourd’hui 45 pour cent de son CA sur le continent américain, 35 pour cent en Europe et 20 pour cent dans la zone Asie-Pacifique. Et la France ? La France fut un marché assez tardif pour Pandora qui ne s’installa dans l’Hexagone qu’en 2011. La marque s’est vite rattrapée depuis avec l’ouverture de plus d’une vingtaine de boutiques en 2014 ce qui porte désormais le nombre de points de vente à 45 en tout. Patrick Szarga, le directeur général France compte bien doubler ce nombre d’ici trois ans. Les bijoux Pandora sont vendus dans plus de 90 pays sur les six continents, dans près de 10 000 points de vente dont plus de 1 500 boutiques en propre.

Pandora
Patrick Szarga