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Mode et handicap : le pouvoir du style personnel

Par Jackie Mallon

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« Pourquoi tous les mannequins se tiennent-ils debout ? » demande Lucy Jones, créatrice de la marque d'accessoires pour fauteuils roulants Ffora. Par sa question, l’entrepreneuse fait référence au manque d'options dans le commerce de détail pour les consommateurs assis. Cette remarque n'est qu'une parmi de nombreuses autres observations déroutantes diffusées durant l'événement de deux jours intitulé « Cur8able Conversation » et abordant le pouvoir du style personnel au sein de la communauté des personnes handicapées.

Stephanie Thomas, fondatrice de Cur8able.com et membre du Business of Fashion 500, pose à son tour la question suivante : pourquoi les personnes handicapées doivent-elles « charcuter » tout ce qu'elles achètent ?

Beaucoup d'entre nous tiennent pour acquis la capacité expressive offerte par la mode et le fait qu’elle permette de jouer un rôle dans la façon dont les gens nous perçoivent. Dès notre plus jeune âge, nous identifions et affinons notre image de manière subtile mais illimitée. L'ampleur des options peut faire de nous des caméléons et nous accorder indépendance et sentiment d'autonomisation. Mais que se passe-t-il si les seuls vêtements dont vous disposez vous feront passer pour un garçon alors que vous vous identifiez comme une fille ? C’était le cas de la diplômée en mode et fondatrice de Short Favor Dru Presta qui en tant que personne de petite taille, a fait ses achats dans la section Enfants pendant des années, mais détestait les couleurs et les motifs de vêtements pour filles de Sesame Street et devait donc se tourner vers les articles pour garçons.

Jones, diplômée du programme en design de mode de la Parsons School, estime que l'application de ses connaissances et de ses compétences au développement d'accessoires pratiques et élégants pour fauteuils roulants apportent beaucoup au débat. « Un fauteuil roulant manuel ou électrique est tout aussi personnalisable qu'un costume sur mesure », dit-elle. « Cela reflète le style de vie et la personnalité. »

Une personne sur cinq vit avec un handicap. C'est un secteur qui pourrait inclure n'importe qui au cours de sa vie. L'objectif de Thomas chez Cur8able est de démanteler les barrières qui interdisent l'accès à un design adapté et centré sur l'humain. L'actrice et militante Jameela Jamil, qui a un handicap invisible mais a passé deux ans dans un fauteuil roulant pendant son adolescence, ne tolère aucune excuse quant à l'ignorance de cette part de consommateur, déclarant : « Si vous ne pouvez pas, en tant que designer, concevoir pour différents corps, vous n'êtes tout simplement pas très talentueux. Vous devez retourner à l'école ». Mais l'effacement du corps handicapé dans les universités de la mode est également un problème.

Comment la mode peut-elle interagir avec le consommateur handicapé ?

L'acteur et mannequin Danny Gomez menait une carrière réussie à Los Angeles, jusqu'à ce qu'il subisse une blessure à la moelle épinière à l'âge de 33 ans. « Pour la première fois, j'ai réalisé ce que c'était que d'être invisible», dit-il. Ces barrières comportementales qui doivent encore être surmontées remontent à nos années d’école. « Enfants, on nous apprend à détourner le regard », dit Thomas. « Nous ne regardons donc pas les personnes en fauteuils roulants dans les yeux ».

Si, en tant que société, nous ne nous engageons pas auprès de la communauté des personnes handicapées, il n’est alors pas surprenant que l’industrie de la mode se montre réticente à l’idée d’habiller ce consommateur. Mais la réalité est qu'un potentiel 20 pour cent du public acheteur de mode est obligé de couper les jambes des pantalons ou de dépenser deux fois le prix d’un vêtement pour le faire retoucher. Zappos se distingue comme le premier détaillant ouvert à ce secteur. Il a gagné le respect du consommateur de vêtements adaptatifs par le biais de sa politique disruptive, autorisant la vente de chaussures uniques, ainsi que sa politique de retour facilité et ses conseils utiles au client. Son site web propose des marques de vêtements adaptatifs ainsi que des produits adaptatifs « malgré eux », une chaussure facile à enfiler, par exemple, ou une chemise avec des fermetures éclair ou des aimants pour répondre aux besoins des personnes touchées par des problèmes de dextérité.

Derek Flores de Zappos, décrit leur assortiment de design universel comme un mixe entre ce qui est disponible sur le marché et qui convient au consommateur et des pièces basiques au design plus réfléchi. « Zappos peut pivoter, changer en un rien de temps si une idée a du sens. C'est ainsi que Zappos Adaptive a commencé. »

Jameela Jamil ne tarit pas d'éloges pour Tommy Hilfiger et la façon dont le designer est entré avec force dans le secteur des vêtements adaptatifs, mais elle condamne l'industrie dans son ensemble comme étant embarrassante. Continuer à rater une telle opportunité de faire des affaires alors que toutes les marques ferment semble être une mauvaise stratégie, surtout maintenant que nous émergeons du ralentissement de la vente au détail le plus spectaculaire de 2020. Parallèlement au manque de talents en design susmentionné, Jamil souligne également le problème persistant de l'élitisme dans le haut de gamme de la mode. « Le mot “ exclusif” ne devrait pas être bien vu. L'exclusivité n'est pas le pouvoir, c'est la stupidité », dit-elle,« vous excluez les clients - l'argent. »

Jackie Mallon est également éducateur et auteur de Silk for the Feed Dogs, un roman qui se déroule au sein de l'industrie internationale de la mode.

Cet article a initialement été écrit pour FashionUnited.com. Il a été traduit et édité en français par Julia Garel.

Crédit : Brad Swonetz, stylisme Stephanie Thomas pour Zappos Adaptive

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