Mis à mal par la télévision italienne, Moncler contre-attaque
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Le ton du communiqué envoyé par le service de la communication de Moncler n’est pas du tout laconique. Les mots sont durs. On y parle de mensonges, de tromperie. On sent bien que le coup a été dur pour la marque italienne etqu’elle tient absolument à réagir. L’objet du courroux est une enquête à charge contre la célèbre marque de doudounes italiennes, diffusée le 2 novembre sur la RAI3 lors de l’émission « Report ». Cette émission d’investigation hebdomadaire est une institution en Italie. Son animatrice-journaliste Milena Gabanelli collabore avec la RAI depuis 1982 pour des émissions d’enquêtes. Avec le programme Report, diffusé avec succès depuis 1997, elle s’est d’ailleurs taillée la réputation d’être devenue un adversaire redoutable pour l’actuelle classe politique italienne car son émission collectionne depuis plusieurs années les dénonciations de dysfonctionnements et de corruptions au sein de l’administration et de la scène politique italienne. Gianni Alemanno, le maire de Rome envisageait en 2013 de porter plainte contre elle et son équipe suite à l’émission durant laquelle l’animatrice mettait en cause l’attribution abusive du marché des bus de Rome.
Mais les hommes politiques ne sont pas les seules cibles de l’émission « Report ». Le 2 novembre dernier, un large sujet était consacré à la marque italienne Moncler. Le reportage mettait en cause, vidéos à l’appui, les conditions déplorables dans lesquelles vivaient certains animaux d’élevage. Ces élevages, situés en dehors de l’Union Européenne, étaient liés dans le sujet à la griffe italienne. Le communiqué envoyé ce jour par Moncler dément avec force cette allégation « Tous les fournisseurs de plumes de Moncler sont situés en France, en Italie et en Amérique du Nord. Par conséquent, il n'y a absolument aucun lien entre Moncler et les images bouleversantes ( diffusées par le programme Report ndlr) qui montrent des éleveurs, des fournisseurs et des entreprises qui travaillent dans des conditions illégales et inacceptables. Or l’émission liait ses personnes d'une manière délibérément trompeuse à Moncler ».
« Moncler a toujours produit en Europe de l'Est »Autre motif de colère: « Report » annonçait dans son reportage que Moncler avait transféré une très grande partie de sa production et de son sourcing en Europe de l’Est. Un mensonge pur et simple d’après le communiqué de la marque. « En ce qui concerne la fabrication, Moncler assure - bien que ce soit ignoré dans l’émission - que la marque produit en Italie et en Europe. La société produit en Italie ses séries limitées et en Europe dans des endroits capables de produire de plus grands volumes mais toujours avec un haut niveau de savoir-faire technique. Moncler a toujours produit en Europe de l'Est mais n'a jamais transféré sa production loin de l'Italie de la manière décrite par le programme. En Italie, Moncler continue, plus que jamais, à collaborer étroitement et efficacement avec les meilleurs fournisseurs ».
La dernière pique de l’émission qui a fait bondir la célèbre marque de doudoune concernait le coût abusivement élevé des produits mis en vente par rapport à leurs coûts initiaux. Là encore, Moncler réagit avec vigueur dans son communiqué en mettant en lumière la conformité de ses taux de majorations avec ceux pratiqués habituellement dans le secteur du luxe. « Le coût du produit, comme il est pratiqué partout ailleurs dans le secteur du luxe, est multiplié par un facteur de 2,5 entre le fabricant et le détaillant pour couvrir les frais de gestion et les coûts de distribution. Dans chaque pays, le prix de vente final est ensuite établi en fonction de la marge appliquée sur ce marché spécifique. Les sommes mentionnées dans le programme, qui prennent en compte qu'une petite partie du coût total du produit, sont tout à fait trompeuses ».
Bien que fondé en France, en 1952 à Monestier-de-Clermont (d'où son nom) en Isère, c’est en Italie que Moncler, le fabricant de vêtements spécialisé dans la doudoune a connu sa renaissance spectaculaire. Son introduction l'année dernière à la bourse de Milan fut d'ailleurs triomphale. L’artisan de ce triomphe, c’est Remo Ruffini le président et principal actionnaire de Moncler, qui avait racheté en 2003 la marque française alors en difficulté avant de la relancer et de l'internationaliser. La capitalisation à 3,7 milliards d’euros fait du titre Moncler la troisième valeur cotée du luxe italien derrière Luxottica (17,6 milliards d’euros), Ferragamo (4,7 milliards), au coude-à-coude avec le groupe Tod’s de Diego Della Valle et devant Yoox et Cucinelli. Le Pdg déclarait récemment: « J’aime l’idée d’aller à contre-tendance au moment où les grands groupes de luxe français font leur “shopping” en Italie : en moins de dix ans, nous avons réussi à ressusciter une marque française dormante pour en faire une marque globale ».