Matério : l’art et la matière
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« Il n’y a pas de matière plus vertueuse qu’une autre, il n’existe pas d’ «éco-matière », tout dépend de la façon dont on l’utilise. Il faut savoir accepter et penser la complexité quand on développe une démarche écoresponsable. C’est pourquoi l’analyse du cycle de vie est incontournable pour entamer une démarche sérieuse ». Quentin Hirsinger, fondateur de Matério, connaît son sujet.
Voici vingt ans qu’il sillonne bureaux de R&D et « traque » industriels des quatre coins du monde pour fonder sa bibliothèque de matières, matériauthèque virtuelle riche de 10 000 matériaux technologiques, innovants, inédits, atypiques, bizarroïdes, où figure aussi une liste de 6000 contacts fournisseurs. Le fruit d’une veille mondiale sur les matériaux et technologie innovants, un travail de bénédictin pour établir des fiches matières accessibles à tous.
La plateforme en ligne se décline en show-room physique, rue Chaptal, sorte de cabinet de curiosités captivant où l’on peut toucher, manipuler, jouer avec les matériaux, classés par grandes familles. Architectes, designers, créateurs de mode, joaillers, acteurs du sport et du luxe viennent s’y inspirer, « ouvrir le champ de la matière pour décloisonner les esprits et les applications ». C’était le but de Quentin Hirsinger, passionné de design et ancien de l’agence Wilmotte quand il a donné corps à son rêve de matières. Croiser, désenclaver, libérer.
Dont acte : parmi les clients de cette matériauthèque unique au monde, totalement indépendante du monde de l’industrie et dédiée aux créateurs de tous horizons, les grands du luxe, tels que Boucheron, Cartier, Hermès, Vuitton, Rolex, Patek, Dior, Armani, Chanel, Prada, ainsi que de nombreuses marques de cosmétiques en quête d’emballages innovants ou encore le secteur automobile.
Aujourd’hui, le créateur de Matério est souvent sollicité par les marques en phase de transition durable. Inlassablement, il bat en brèche les idées reçues, explique que la matière n’est qu’un élément d’une demande globale : « penser que le coton bio, c’est gentil et le plastique c’est méchant, c’est faux, c’est ce qu’on appelle un biais cognitif ». Un exemple type, la piscine olympique de Pékin est emballée d’une enveloppe de matériau plastique alvéolé, à priori pas écologique du tout puisque ce dérivé du pétrole produit des émanations toxiques et ne se recycle jamais complétement. Pourtant, ses qualités thermiques, sa grande résistance, sa luminosité réduisent l’énergie nécessaire et in fine, le « Water Cube » de Pékin est un exemple de dispositif durable.
A l’inverse, explique le spécialiste, le « cuir vegan » et toutes ses variations sont un oxymore. « Ce peut être du plastique, de l’enduction, plein de choses mais ce n’est pas du cuir, qui, c’est sa définition est de la peau d’animal. Le cuir en lui – même, parfait exemple de produit revalorisé, est durable. C’est le tannage sur lequel il faut se concentrer. Tout est l’avenant. Il faut remettre la matière à sa juste place quand on compose une collection durable et -ou écoconçue ».
« Dompter la matière c’est le premier pas, réaliser l’idéal c’est le second », écrivait Victor Hugo.