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Louis-Gabriel Nouchi Fashion Week Paris Homme FW 21/22: le créateur qui fait vibrer les livres

Par Odile Mopin

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Mode |INTERVIEW

C’était au Palais de Tokyo, et on aurait aimé y être. Décidément, rien ne vaut la vie, et ce (premier) show du jeune label LGN, après plusieurs présentations dans le calendrier officiel, aurait gagné à être vu « pour de vrai ». Louis-Gabriel Nouchi a lancé son label en 2017 et conçoit sa marque comme une « bibliothèque ». Après, le Pavillon d’or, (Mishima), l’Etranger (Camus), Louis Gabriel Nouchi a plongé dans l’univers oppressant du Procès (Kafka).

Sur une chorégraphie de Sohrab Chitan, la performance des danseurs est sobre et éloquente. Un jeu de miroirs démultiplie les personnages, évoquant les méandres angoissants et absurdes du monde « kafkaïen ». En clair-obscur, les danseurs s’y débattent, et finalement émergent avec grâce de « l’enfer anodin ».

Les costumes souples et amples bougent avec les corps, les manteaux longs et impers recouvrent sans cacher. L’ouverture asymétrique au niveau des encolures, l’une des signatures de la marque, traverse toute la collection. Pour les manteaux et les chemises elles servent d’accès à la poche intérieure et pour les pantalons elles se dessinent au niveau de la taille en nouvelles poches. Parfois fendues jusqu’à la peau elle est aussi une invitation au touché.

Les vestes graphiques bicolores ou imprimés de lamelles de stores délavées évoquent l’emprisonnement. Mais la maille feutrée s’enroule autour de la silhouette, gangue protectrice, et confère une allure sportswear et libre à la silhouette Tandis que les caleçons longs façon joggings et les thèmes homewears se portent avec des déclinaisons de rangers. Le télétravail est une guerre, il faudra sortir et marcher beaucoup pour oublier des semaines à se heurter au labyrinthe du temps qui passe vainement. En clin d’œil, des accessoires s’inspirant du trombone, symbole s’il en est de la bureaucratie. En leitmotiv, une gamme de couleurs froides, noir, écrus, beiges, codes des tribunaux, est associée à des nuances de camel et de bleus et gris cendre. En ponctuation, le vert fumé rappelle la lumière des néons des salles d’attentes. Pourtant peu servi par le format numérique, LGN a réussi son baptême du show. Entretien.

FashionUnited : Toutes vos présentations s’inspirent d’un roman. Comment conciliez-vous littérature et mode ?

Louis-Gabriel Nouchi : Je suis un passionné de littérature et j’aime créer des processus créatifs autour de livres. J’adore aussi la mode et j’ai donc finalement fusionné deux compulsions. Nous vivons dans un monde obsédé par les images, dans les défilés classiques, par exemple, on voit les mannequins de face, on ne voit jamais les dos. J’aime essayer, par le biais d’une histoire à raconter, tirée d’un livre qui parle à l’imaginaire collectif, de donner vie au livre, comme au vêtement. L’image du livre se déplie en trois dimensions.

Le livre n’est donc pas un prétexte, mais un fil conducteur.

Absolument, rien n’est décoratif, je structure ma collection par rapport au roman choisi, qui donne beaucoup d’indications sur les vêtements. La gamme de couleurs, les matières, les formes, l’histoire, le thème… C’est intéressant de conscientiser cela via le savoir-faire de la main, de la mode.

L’étranger, le Procès : vos choix sont impliquants…

La mode est impliquante, éminemment sociale. Certains romans questionnent et restent des phares de l’actualité. Le Procès en fait partie à mon sens. Regardez l’année passée, marquée par le procès des attentats de 2015, ou encore dans un registre les commissions d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire. Par le biais littéraire, on peut aborder des sujets durs, entrer en résonnance de façon élégante, non frontale, échapper à la polarisation du débat.

Quels sont vos auteurs et créateurs favoris ?

Pour mon travail, j’essaie de parler à tout le monde, avec des oeuvres rentrées dans l’imaginaire collectif. Je suis fan de Marguerite Duras, de Ionesco, de Camus évidement : l’Etranger, reste d’actualité, avec notre histoire coloniale encore pas résolue. Il faut bien connaitre le passé pour aller de l’avant, c’est ce que j’ai essayé de faire avec cette collection. Sinon, Yohji Yamamoto me touche particulièrement.

Vous avez 33 ans. Et la littérature contemporaine, alors ?

Encore une fois, j’essaie de parler à tout le monde, avec des œuvres rentrées dans l’imaginaire collectif. Mais je me rattrape dans ma boutique de la rue Oberkampf en organisant des signatures, des lectures avec des auteurs d’aujourd’hui. C’est un lieu de rencontre. Comme la mode, qui est un formidable media.

Crédits: LGN Louis-Gabriel Nouchi

LGN Louis-Gabriel Nouchi
Louis Gabriel Nouchi
Menswear
Paris Fashion Week