Louis-Antoinette ou le renouveau du Do It Yourself

La revanche de la mercière d’antan a-t’elle sonné ? C'est possible; il faut dire qu'elle avait tant souffert depuis l'invention du prêt à porter. Depuis trois ans, les chiffres sont formels: le panier moyen consacré par la française à son budget prêt à porter baisse mais le chiffre d’affaire lié à la mercerie est en constante augmentation (il partait il est vrai d’assez bas). Hasard des chiffres ? Non, car dans le même temps, le PDG de Singer affirme que les ventes de machine à coudre sont en train d’exploser, avec une remarquable croissance de 75 pour cent, rien qu' entre 2007 et 2013.

Selon une étude Opinion Way pour le Salon Création et Savoir Faire, 61 pour cent des français indique s’adonner à une pratique régulière des loisirs créatifs : rien d’étonnant jusque là. Sauf quand on constate que les « travaux de fils » se placent en haut du peloton de ces loisirs : ils arrivent en 3ème position après le bricolage et la cuisine. On pense alors aussitôt à cette phrase prophétique de Christian Lacroix qui, lorsqu’on lui demanda de décrire le futur de la mode déclara : « Je crois aux néo-couturières de quartier, au sur-mesure, même modeste, au rare et au beau qu’on s’invente ». Une prophétie à rapprocher de celle du jeune couturier Maxime Simoens : « Pour moi, le vrai style passe par le fait d’avoir des tissus exclusifs. Les coupes, elles, sont beaucoup plus facilement copiables ». Alors que la mode, squattée par la finance, ne prodigue plus désormais que des silhouettes en 2D conçues pour être instagrammables (à défaut d'être portables), cette revanche de la mercière, c’est peut-être le prélude d’un intérêt retrouvé pour la matière.

Louis Antoinette propose des vêtements à faire soi-même

Ce serait une grave erreur de croire que les mots "couturière" et "mercerie" seraient l'ultime témoigne de coutumes du temps jadis, perpétrées par des personnes vénérables aux mains froissées ; car le do it yourself intéresse toutes les générations comme l’atteste la jeune start-up Louis Antoinette, dont l’ambition est de bousculer les codes du prêt-porter en proposant une alternative durable à la production de masse, c'est à dire des vêtements à faire soi-même proposés en "Kit Couture" (incluant tissu, patron du 34 au 46, mercerie) ou en version "Patron Only" (incluant seulement le patron et le guide).

Cette marque parisienne a été fondée par trois personnalités aux parcours très différents : Romain Blanco, 32 ans, qui a passé plusieurs années au siège européen d’un grand groupe américain en grande consommation, c’est la tête pensante du groupe ; Floriane Pelletier, 31 ans, passionnée de mode, issue d’une formation en école de commerce (EBS Paris), c’est elle qui gère l’expérience client à tous les niveaux ; et enfin Julien Bonnet, 26 ans qui aligne un CV impeccable - major de sa promotion à l’École de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, lauréat des Olympiades des métiers et meilleur apprenti de France dans la catégorie couture - : c’est le styliste et modéliste en charge des collections. Il a fait ses armes chez Christian Lacroix, Balenciaga, Agnès.b et aucun modèle ne sort de l’atelier sans que sa coupe ou le tissu associé n’aient été validés par ses soins.

Plusieurs organisations soutiennent cette marque engageante et singulière dont la BPI France, Moovjee (Louis Antoinette fut lauréate 2015 du programme de mentorat de ce Mouvement pour les jeunes entrepreneurs) et le réseau d’entrepreneur France Initiative. Afin de récolter les fonds nécessaires à leur développement, les trois fondateurs viennent de lancer une campagne de crowdfunding via KissKissBankBank avec des contreparties imaginatives et bienvenues (comme par exemple, des cours de couture proposés en association avec une mercerie parisienne pour réaliser l’un de leur modèle, des totebag « Je peux pas j’ai Couture », des modèles proposés en version sur mesure etc.). L’argent récolté leur permettra notamment de lancer la production de leur nouvelle collection. Un tour de clic sur leur campagne convaincra surement de la justesse de leurs propositions.