Les Toiles du Soleil : l’incroyable succès d’une PME catalane
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C’est l’histoire d’un tisseur artisanal niché en plein pays Catalan qui fabrique depuis la fin du XIXe siècle des toiles à rayures et qui, sans galvauder son savoir-faire ni avoir renoncé à ses ateliers, a réussi à conquérir le monde, et même un géant de l'habillement.
Le premier héros de ce récit qui débute à Saint-Laurent-de-Cerdans se nomme Joseph Sans, fils de muletier, envoyé à l’âge de 14 ans à Barcelone, dans la manufacture de son oncle pour apprendre l’art de tisser la toile des sandales. L’espadrille, dans ces régions montagneuses et ensoleillées, c’est un art de vivre. Les entreprises sandalières sont nombreuses aux alentours. Joseph Sans fait son apprentissage et revenu dans sa région natale, apporte son savoir à sa famille. Le jeune homme a bien appris sa leçon. Ses toiles sont superbes. De plus, il est ambitieux: aussi choisit-il de s’associer avec son concurrent unique, Abdon Garcerie pour construire une usine. Nous sommes en 1897. L’usine est toujours là aujourd’hui.
Dans l’usine Sans et Garcerie, le chanvre, le jute et le coton (reçus en ballots) sont transformés en toile aux flamboyantes couleurs catalane « sanc i or » ou en tresse qui font la joie des artisans sandaliers. L’usine prospère, se diversifie et bientôt se lance dans la production de linge de table ou de toiles pour les transats.
Un siècle est passé depuis le début de cette histoire. L’usine a des difficultés. Le dépôt de bilan n’est pas loin. Et voici le deuxième héros de ce récit. Ou plutôt les deuxièmes puisqu’il s’agit d’un couple : Françoise et Henri Quinta, respectivement décoratrice et architecte d’intérieur, tous deux catalans d’origine. Ils croient au produit et décident de reprendre l’affaire qu’ils ont entretemps rebaptisée Les Toiles du Soleil.
Uniqlo a souhaité travailler avec Les Toiles du Soleil
Leur coup de génie : avoir conjugué avec mesure l’authenticité (les toiles d’espadrilles et les toiles de transats en 43 cm de large sont toujours tissés par les artisans du village sur d’anciens métiers à tisser à navette) et l’innovation : ils piochent dans les archives, modifient subtilement les rayures, élargissent les gammes et étendent l’utilisation des toiles au domaine de la décoration. Rideaux prêts-à-poser, housses de coussin…
Ainsi, après avoir frôlé le dépôt de bilan il y a plus de vingt ans, Les Toiles du Soleil (qui font désormais partie du réseau label Entreprise du Patrimoine Vivant), possède une boutique à Paris dans le 7ème arrondissement, trois autres dans le Sud de la France et quatre à l’étranger : Tokyo, New-York, Moscou et Santiago au Chili. Sans compter les nombreux points de vente dans le monde entier. L’usine est toujours là, au même endroit et peut s’enorgueillir de faire 2 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, tout en employant 30 salariés.
Illustration de l’effet papillon : en 2011, un employé de l’Elysée tombe sous le charme de la marque et devient client régulier de la boutique parisienne. Quelques mois plus tard, la France accueille le G8 à Deauville : l’Elysée passe alors commande de 4000 sacs, tous fabriqués à Saint-Laurent-de-Cerdans, afin de les offrir aux participants du sommet diplomatique.
Mais ce n’est pas tout. Il y a 18 mois, Henri Quinta reçoit un mail. Le destinataire ? Uniqlo. Le géant japonais explique tout simplement qu’il aime les motifs de la PME catalane et qu’il souhaite les exploiter le temps d’une collection. Surprise, fierté. L’accord se fait. La collection printemps-été 2015 Uniqlo aux couleurs des Toiles du Soleil voient le jour. Seul bémol, l’accord ne porte que sur les motifs colorés et non sur les toiles en elles-mêmes. Mais pas question pour autant de bouder son plaisir et d’ailleurs le public, lui, n’a pas fait la fine bouche puisque la collection est un succès.