Les «mid range» et les «petites soeurs» à l’assaut des Millénials
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À mi-chemin entre les maisons de luxe et la fast fashion, se trouvent les « mid range ». Ces marques premiums, dites sur le milieu de gamme, sont devenues les plus désirables de l’Hexagone, notamment parmi les générations Y et Z (nés à partir de 1980). L’évolution dans nos habitudes de consommation met en exergue le renouvellement d’une offre ciblée à la vivacité retrouvée. Puis il y a les « petites soeurs », plus créatives, plus innovantes parfois que leurs aînées, cherchant à s’installer sur un nouveau segment de marché pour séduire un nouveau profil de consommateurs.
Pouvoir s’habiller dans l’air du temps avec des pièces de qualité où l’accent est mis sur les finitions, adhérer à l’univers intimiste d’un créateur ou d’une marque à des prix qui restent accessibles et, de surcroît, pouvoir consommer « français » est presque devenu un privilège.
Maje, Sandro, Zadig & Voltaire ou Comptoir des Cotonniers ont été les pionnières, dans les années 90, à proposer ce milieu de gamme, avec au départ deux collections par an, agrémentées par des accessoires et de nouvelles couleurs tout au long de l’année. Avec un bon rapport qualité-prix et une créativité séduisante, ces marques ont donné le coup d’envoi à la déferlante actuelle des « milieu de gamme ».
L’image et le prix juste comme critères principaux
Sézane, Sessún, American Vintage, Balzac Paris, Des Petits Hauts ou Rouje de Jeanne Damas, ont vu naître de nouvelles histoires avec une nouvelle génération. Des vestiaires en phase avec une stratégie souvent virtuelle pour atteindre leurs clients. Ces marques ont l’audace et le recul nécessaire pour innover et tout miser sur l’image avec un budget pour les shootings, les influencers et la diffusion des photos sur les réseaux sociaux, de quoi se rapprocher au maximum du consommateur final et d’ouvrir un dialogue avec lui, en lui proposant un échange constant pour construire une relation de confiance. « Une attitude qui permet de créer un sentiment d'appartenance à la communauté, composée de milliers d'ambassadrices de la marque. Un phénomène rendu possible car la griffe possède une vraie identité », expliquait Priscilla Jokhoo, l’actuelle directrice du salon Traffic au journal belge Weekday.levif. Ici l’expérience d’achat est autre puisque certains labels, comme Sézane, ne sont vendus que sur internet exclusivement. « L'achat se transforme en plaisir, même devant l'écran de son ordinateur ».
L’autre particularité de ces « milieu de gamme » est de proposer des prix cohérents ou justes. Le consommateur, mieux informé que personne, sait aujourd’hui ce qu’il achète et la valeur de son produit et investira dans un vêtement qui se maintiendra en bon état après plusieurs saisons. Autant dire qu’il en veut pour son argent...
« Les petites soeurs » de la fast fashion, où comment faire peau neuve?
La fast fashion n’est pas la seule à être concernée par la naissance des petites soeurs. Pablo pour Gérard Darel ou encore Undiz pour Etam ont en commun l’élargissement de leur cible, plus jeune et Milléniale, et de leurs parts de marché.
D’autres utilisent les « petites soeurs » pour modifier leur image, souvent ternie par les processus de fabrication. Pour faire peau neuve, les grands distributeurs choisissent volontiers de lancer des labels « respectueux de l’environnement et proches de leurs clients », comme c’est le cas de & Other Stories pour H&M qui se veut la marque « la plus consciente » du groupe. Depuis sa création en 2013, l’enseigne suédoise a installé un programme de recyclage où les clientes peuvent obtenir des réductions sur leurs achats de – 30 pour cent si elles apportent, au moment de leur passage en caisse, un sac de vêtements usés, peu importe l’enseigne. Plus récemment, H&M a lancé Arket, la cadette du groupe. Que propose-t-elle de plus que Cheap Monday, Week Day, Monki, COS ou & Other Stories ? Plus chère que H&M, Arket se positionne en label premium. Déco nordique, design fonctionnel et durable, telle une feuille de papier blanc (la signification du mot « Arket » en suédois) qui transmet un message optimiste où tout est possible avant de se mettre à créer (ou dessiner).
Les grands groupes distributeurs se sont programmés pour offrir de nouvelles histoires à raconter à leurs rois -au centre de toutes leurs stratégie-, alias leurs consommateurs toujours à l’affût de nouveautés. C’est aussi un excellent moyen de dévier la clientèle d’une fast fashion ternie, notamment, par les multiples incendies dans les usines du Bangladesh, avec le manque de transparence pointé du doigt dans les processus de fabrication, la sécurité et les conditions de travail. Ici, l’enjeu est de créer de nouvelles communautés urbaines, écologiques, hygge ou premium et de les encourager, au même titre que les « milieu de gamme », hasthtags en main sur les réseaux sociaux, à être plus mâlins que leurs prédécesseurs, à consommer toujours mieux et différemment.
Lefties s’adresse à un consommateur autonomisé
Autre cas intéressant : Lefties. Plus qu’une (autre) petite soeur de Zara, l’enseigne était, avant d’intégrer le panel des chaînes de mode, « Zara Taras », le distributeur des invendus de la marque phare d’Inditex. « Cela fait six ans en Espagne que Lefties est vue comme chaîne à part entière, mais le processus est long », expliquait il y a quelques jours Bojan Mijatovic, directeur de l’image de Lefties, à Modaes.es. Avec des jeans et des t-shirts à partir de 13 et 15 euros, Lefties est la chaîne la moins chère du groupe. « L’offre transversale de basics incorporant des pièces tendances , qui couvre l’homme, la femme et l’enfant (jusqu’au nouveau-né) est ce qu’il manquait à notre portefeuille », ajoutait Mijatovic. Avec un nouveau concept e-white, Lefties a ouvert son premier flagship store européen à Barcelone, sur une superficie de 1700 mètres carrés, équipée de caisses automatiques sur les deux étages et d’un détecteur de mouvements dans les cabines d’essayages qui permet à un voyant rouge de s’allumer lorsqu’elles sont occupées. En 2016, Lefties enregistrait un chiffre d’affaires de 194,3 millions d’euros, soit une hausse de 32,2 millions d’euros comparé à 2015.
Photos : Sézane « Demain » et Lefties (Flagship de Barcelone).