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Les couturières des Vosges, gardiennes d'un savoir-faire fragile

Par AFP

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Ouvrières d'une terre de textile qui a vu le nombre d'emplois divisé par 10 en trente ans, les couturières des Vosges sont devenues gardiennes d'un savoir-faire précieux, qui séduit jusqu'au Moyen-Orient. "Si on fait de beaux produits, c'est parce que derrière il y a des gens qui savent les faire", lance sans ambages Jean-François Birac, le PDG de Blanc des Vosges, entreprise spécialisée dans le linge de maison et fondée en 1843. A l'étage de l'usine, à Gérardmer depuis toujours, le patron se félicite que la marque ait quadruplé son chiffre d'affaire en 15 ans - et 20 pour cent du chiffre d'affaire est désormais réalisé à l'étranger, notamment en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient. "On est restés sur l'ADN de la marque, la garantie, le savoir-faire. Les Vosges, c'est une région connue pour ça", avance-t-il pour expliquer son succès.

Depuis des décennies, la région est pourtant connue pour ses plans sociaux: en trente ans, le nombre d'emplois dans le textile est passé de 30.000 à 3.000. Blanc des Vosges a encore embauché six couturières en 2015. Aujourd'hui l'entreprise en compte 90, sur 130 salariés. Au rez-de-chaussée, le bruit des machines à coudre résonne. Les bouchons d'oreille sont de rigueur pour les ouvrières qui travaillent sur les derniers draps, taies ou housses de couettes - les hommes sont rares à cet étage. Des piles et des piles de tissus, du blanc classique aux motif colorés, attendent d'être coupés. Les plus fragiles le sont à la main, sans rien pour guider les doigts des ouvrières. Irène, chez Blanc des Vosges depuis 1974, a vu "les clients vouloir des choses plus précises, plus pointues. Avant c'était beaucoup juste du blanc, c'était moins diversifié", explique-t-elle en enfilant le gant en cote de maille qui protège sa main avant de suivre, à l'oeil nu, un trait de crayon à papier formant le patron d'un drap.

Quelques mètres plus loin, Sophie Vincent, 18 ans d'entreprise, soulève les draps qui protègent les machines les plus précieuses de l'usine. Des italiennes, vieilles de plus d'un siècle. "Le jour où elles se cassent, on ne peut pas les remplacer, c'est fini", explique M. Birac. Délicatement, les doigts de la couturière guident le tissu. A la voir penchée sur l'ouvrage, on imagine la tension accumulée dans les bras, qui ne doivent pas trembler. "Il ne faut pas loucher non plus", sourit-elle.

Un "Savoir-faire ultra-précieux"

Le savoir-faire des Vosges, le jeune fabricant de jeans "1083", basé à Romans (Drôme), y tient aussi: c'est dans le massif qu'il fait filer ses tissus, explique son directeur, Thomas Huriez. "Le savoir-faire qu'on a réussi à trouver dans les Vosges est ultraprécieux. On a le sentiment que si on le perdait on aurait beaucoup de mal à le retrouver ou le reconstruire", explique le jeune homme, dont les jeans ne coûtent pas plus cher que d'autres produits à l'étranger. "Quand j'ai voulu créer ma marque, tout le monde m'a dit que ce n'était pas possible parce que le coût du travail était trop cher. Mais je me suis aperçu que le coût du travail n'était pas la seule cause: ce qui a changé c'est le modèle économique d'une filière qui connaît maintenant bien plus d'intermédiaires de distribution qu'il y a 50 ans", ajoute Thomas Huriez.

Pour maintenir ce savoir-faire, il faudra séduire une nouvelle génération de couturières. Or le métier est dur, et souffre d'une mauvaise image, sans compter la faiblesse du salaire (un smic) et des perspectives d'évolution au cours de la carrière, reconnaît le patron de Blanc des Vosges. "Quand on visite une usine, c'est pas hyper sexy comme conditions de travail", admet Thomas Huriez. "On pense qu'il y a besoin de valoriser ces métiers, pas nécessairement financièrement mais humainement", ajoute-t-il. Pour cela, 1083 a intégré à tous ses jeans un QR code: lorsqu'il le flashe, le client a la photo de toutes les personnes qui ont travaillé sur le jean, du fileur à la couturière. (AFP)

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