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Le corps libéré : trois marques new-yorkaises qui parlent à la génération Z

Par Julia Garel

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Mode |EN IMAGES

Maryam Nassir Zadeh, photo by ANDRES ALTAMIRANO (agence DLX)

Lancées entre 2011 et 2013, les marques new-yorkaises Maryam Nassir Zadeh, Eckhaus Latta et Vaquera ont dévoilé leurs collections estivales 2022 lors de la dernière Fashion Week de New York. Qualifiées depuis plusieurs années de « designers émergents » par la presse, ces marques embrassent aujourd’hui des valeurs liées au corps dont s’est emparée la génération Z : émancipation, inclusivité et body positivisme. Décryptage.

Le corps comme seconde peau

Cela se passait début septembre, dans les rues de New York, Maryam Nassir Zadeh, Eckhaus Latta et Vaquera faisaient défiler des mannequins en partie dénudés : seins, torses et cuisses mis à nu ou recouverts de voiles transparents. Mais loin des corps sexualisés des années 90/2000 et de l’ère porno-chic, les collections exprimaient ici un corps sensuel. « On utilise la peau comme une matière et pas comme un dévoilement impudique », fait remarquer la consultante en tendances Fériel Karoui lorsque nous l’interrogeons sur ces images.

Eckaus Latta, Photo by Rob Kulisek (agence DLX)

Ce dévoilement des corps ne descendra peut-être pas dans la rue dès demain, mais il exprime des valeurs et des sujets qui parlent à la génération Z et aux Millennials, lesquels sont « en général au cœur d’un épicentre de valeurs qui va s’étendre », rappelle Feriel. « On parle ici de sensualité, de libération, d’empowerment et d’émancipation. C’est un mouvement qui montre une autre façon d’exprimer la nudité et le corps », poursuit-elle.

Pour Fériel, « ce sont aussi des sujets que l’on n’a pas voulu aborder tout de suite après l’ère #metoo, où on était plutôt dans une mode pudique, on avait alors eu tendance à déplacer la conversation sur le rapport de séduction, le rapport aux femmes, le body conscious, etc. Cette période fait qu’on est aujourd’hui plus dans l’affirmation de soi lorsqu’on montre une partie de son corps, c’est-à-dire plus dans un statement que dans la sexualisation, d’où l’idée de sensualité et non d’objet sexuel  ».

Maryam Nassir Zadeh, photo by ANDRES ALTAMIRANO (agence DLX)

Un genderfluid authentique

La question du corps est également liée à celle du genre dont les codes sont depuis plusieurs années interrogés sur les réseaux sociaux - puis dans la sphère publique - par des adolescents en quête d’identité. Depuis leurs débuts, Eckhaus Latta et Vaquera ont inclus la notion de genderless dans leur ADN de marques expérimentales. Pionniers en la matière, ces labels se positionnent ainsi comme des acteurs du changement, susceptibles de s’adresser avec sincérité à une génération montante qui préfère le « parler vrai », fait remarquer Vincent Grégoire, directeur du pôle inspiration chez Nelly Rodi, dans un article publié sur le site web de l’agence.

Dans les défilés printemps-été 2022 des trois marques new-yorkaises, c’est notamment le dévoilement des corps qui a porté le message progressiste. Les jambes, les poitrines et les torses étaient dévoilés chez la femme comme chez l’homme. Eckhaus Latta présentait par exemple des silhouettes masculines arborant un mini-short en maille, un débardeur ouvert sur le torse ou un top asymétrique dévoilant les côtes. Chemise ouverte sur le torse également avec Maryam Nassir Zadeh, chez qui l’accent était mis sur des pièces fluides en soie et coton, que l’on se prête entre homme et femme.

Eckaus Latta, Photo by Don Ashby et Rob Kulisek (agence DLX)

Et même lorsque la peau n’était pas totalement découverte, la transparence du vêtement venait souligner la volonté d’un vestiaire non-genré ou anti-conformiste. Chez Eckhaus Latta, l’homme avait revêtu des tops et des pantalons dont la matière transparente et délicate rappelait celle du prêt-à-porter féminin, tandis que chez Vaquera la notion de sexe disparaissait derrière les soutien-gorges ou tops en dentelle portés par des corps masculins.

D'autre part, Vaquera avait choisi d’appuyer le côté subversif de ses modèles en les faisant défiler sur une démarche rapide et nerveuse pouvant être interprétée comme le désir pressant de détruire les codes hétéronormés de la société. Car, si porter une jupe ou une robe n’est désormais plus surprenant sur les podiums ou tapis rouges, un jeune garçon qui en arbore une à l’école peut encore s’attirer des ennuis, faisait remarquer l’acteur Jaden Smith dans une interview au magazine Cheatsheet. Et la revue The Critical Pulse de souligner : « un homme portant une robe ou une jupe peut toujours être associé au stéréotype LGBTQ+, ce qui n’est peut-être pas ce que veulent tous les hommes portant ces vêtements. »

MADISON VOELKEL, COURTESY OF MARYAN NASSIR ZADEH / COURTESY OF VAQUERA (agence DLX)

Mais cette saison, les corps dévoilés pouvaient aussi simplement dire cette envie de liberté qui traverse les citadins après des mois de confinement. « On déconfine les corps » plaisante Fériel au téléphone. L’idée peut prêter à sourire, mais elle est juste. Commentant sa collection estivale 2022, le créateur Eckhaus Latta confiait récemment à Vogue Italia : « Se sentir vraiment soi-même, sortir de la dernière année et demie et vouloir se sentir sexy, confiant et libre ».

Maryam Nassir Zadeh, photo by ANDRES ALTAMIRANO (agence DLX) / Eckaus Latta, Photo by Rob Kulisek (agence DLX)
Eckhaus Latta
Maryam Nassir Zadeh
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Vaquera
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